Macron, "d'homme à homme" avec Darmanin accusé de viol : un scandale

Pour défendre son ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, accusé de viol, Emmanuel Macron a assuré qu'il avait eu une conversation "d'homme à homme" avec lui. De quoi mettre de l'huile sur le feu d'une polémique à l'allure d'un brasier.

Macron, "d'homme à homme" avec Darmanin accusé de viol : un scandale
© HAMILTON-POOL/SIPA

[Mis à jour mercredi 15 juillet à 19h47] Lors de son interview télévisée du 14 juillet, Emmanuel Macron a tenté tant bien que mal (mais surtout mal) de défendre son ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, dont la place au sein du gouvernement est contestée en raison de l'accusation de viol dont il est la cible. Le président de la République a d'abord vanté les mérites "d'un responsable politique intelligent, engagé et blessé par ces attaques", avant de déclarer qu'il avait eu "une discussion d'homme à homme" avec le Premier Flic de France.
Une tournure de phrase particulièrement maladroite et sexiste qui en a agacé plus d'un, dont Jean-Luc Mélenchon, qui a déclaré sur Twitter avec ironie : "Confiance d'homme à homme! On comprend mieux pourquoi il ne comprend pas le problème".
Quant à l'ancienne ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol, elle s'est également révoltée contre cette phrase et a lâché, sur Twitter: "Et on a conclu qu'on n'allait pas se laisser enquiquiner par les féministes, ces grincheuses, qui s'offusquent d'un banal échange de passe-droits contre des faveurs sexuelles". Si le chef de l'État comptait redorer le blason de son ministre de l'Intérieur, c'est loupé...

Enfin, le président de la République a déclaré qu'il se portait "garant de la présomption d'innocence" et qu'il ne tolérerait pas que son ministre soit confronté à des "jugements de rue".

"Quand on est accusé de viol, on peut être nommé ministre", s'insurgent les militantes

Des propos qui ne passent pas auprès de Madeline Da Silva, militante au sein du collectif Nous Toutes, qui a regretté sur France Info : "Pourquoi, quand nous, on pose une question politique, on nous répond sur le juridique et sur la présomption d'innocence ? Est-ce que vous pensez que pour un autre crime, un meurtre ou un assassinat, on aurait nommé quelqu'un qui serait mis en cause ? Non, cela n'arrive que pour les crimes liés aux violences sexistes et sexuelles, à savoir le viol. Aujourd'hui, en France, quand on est accusé de viol, on peut être nommé ministre".

Et d'interroger : "Le crime, c'est l'infraction la plus grave. À quel moment on se dit du côté des victimes de violences sexistes et sexuelles et on nomme un ministre alors qu'il est mis en cause dans une telle affaire ?".

Alors que Gérald Darmanin est désormais ministre de l'intérieur, Marjolaine Vignola et Elodie Tuaillon-Hibon, avocates de la plaignante Sophie Patterson-Patz, craignent que justice ne pourra pas être faite. Auprès de l'AFP, elles ont affirmé le 14 juillet qu'elles "redoutaient que la fonction du mis en cause pèse sur l'ensemble de la procédure, quelle que soit l'indépendance dont les magistrats voudront bien faire preuve".

Gérald Darmanin persiste et signe : il n'a rien à se reprocher

Après avoir finalement renoncé à la mairie de Tourcoing, Gérald Darmanin a affirmé qu'il restait campé sur ses positions concernant les accusations de viol dont il est la cible. Au micro de RTL, le nouveau ministre de l'Intérieur du gouvernement de Jean Castex a dit "avoir le droit à la présomption d'innocence". Et de détailler: "Je ne commente pas les affaires de justice en général et pas la mienne depuis trois ans en particulier. Je constate simplement qu'il y a eu trois décisions de justice, deux enquêtes préliminaires ont été classées sans suite et un non lieu rendu par deux juges d'instruction".

Le Premier Flic de France a également assuré qu'il avait la conscience tranquille et qu'il n'avait "évidemment" rien à se reprocher.

Gérald Darmanin, un ministre de l'intérieur rattrapé par son passé

C'est une véritable promotion dont a bénéficié Gérald Darmanin, qui est passé de ministre de l'Action et des Comptes publics à ministre de l'Intérieur, sous le gouvernement de Jean Castex. Le remaniement ministériel au détriment de Castaner lui permet de gravir un échelon, bien loin des affaires judiciaires qui planent au-dessus de lui.

Pourtant, il ne faut pas oublier que cet amoureux de De Gaulle (et de Sarkozy) est visé par une plainte pour viol dont l'enquête a été classée sans suite à deux reprises, avant que la cour d'appel de Paris ne demande la reprise des investigations le 9 juin dernier. Mais rien qui puisse perturber l'ascension de l'ex-ministre de l'Action et des Comptes publics...

La plainte pour viol dont il a fait l'objet n'a "pas fait obstacle" à sa nomination, selon des propos de l'entourage d'Emmanuel Macron à l'AFP.  Et d'expliquer: "Il incarne l'ordre républicain, une priorité du gouvernement". 

Une prise de fonction détonante 

Si Gérald Darmanin a d'ores et déjà rejoint la place Beauvau, sa prise de fonctions ne s'est pas déroulée sans accroches. Plusieurs manifestations se sont déroulées dans Paris, afin de protester contre la prise de fonction du nouveau ministre de l'Intérieur. "Darmanin violeur, État complice", entendait-on scander dans les rues. 

Pour Clémentine Autain, invitée sur France Info ce 8 juillet : "vous ne pouvez pas dire" que la lutte contre les violences faites aux femmes "est la grande cause du quinquennat et nommer à l'Intérieur Gérald Darmanin"  soupçonné de harcèlement sexuel. "La crédibilité pour lutter contre les violences faites aux femmes est entachée" estime la députée la France insoumise de Seine-Saint-Denis.

D'autres personnalités politiques, telles que Laurence Rossignol, ancienne ministre des Droits des femmes, ont pris la parole sur Twitter pour dénoncer l'injustice. "Une grande claque lancée à toutes les femmes et à toutes les victimes de violences sexuelles et sexistes", a-t-elle déclaré sur le réseau social.

Retour sur l'affaire du viol

Les faits supposés remontent à 2009. Sophie Patterson-Spatz, la plaignante, demande à Gérald Darmanin, à l'époque chargé de mission au service des affaires juridiques de l'UMP, de lui faire annuler une plainte pour "chantage et appels malveillants" contre son ex-compagnon, dont elle a été la cible en 2004. Selon la version de la plaignante, l'homme politique est d'accord pour l'aider à condition qu'elle accepte de "passer à la casserole", selon ses propos.

En 2017, elle porte plainte pour viol, mais Gérald Darmanin assure que, s'il y a bien eu relation sexuelle, elle était tout à fait consentante

D'après de récents documents de justice découverts par l'AFP, Sophie Patterson-Spatz avait continué à échanger par SMS avec Gérald Darmanin et lui aurait écrit : "Abuser de sa position ! Pour ma part, c'est être un sale con !!! (...) Quand on sait l'effort qu'il m'a fallu (pour avoir une relation sexuelle, ndlr) avec toi !!! Pour t'occuper de mon dossier". Le principal intéressé lui aurait alors répondu : "Tu as raison, je suis sans doute un sale con. Comment me faire pardonner ?".

Finalement, l'enquête "ne permet pas d'établir l'absence de consentement de la plaignante et n'ont pas caractérisé davantage l'existence d'une contrainte, d'une menace, d'une surprise ou d'une quelconque violence à son endroit", précise le parquet. L'affaire est classée sans suite à deux reprises.

Le 9 juin, le dossier est remis sur la table. La Cour d'Appel de Paris demande la reprise de l'enquête. Le nouveau ministre de l'Intérieur poursuivra-t-il son ascension ? La justice tranchera.