La ligue du LOL: mecs branchés et haine sexiste sur les réseaux sociaux

Une bande de journalistes et des publicitaires sont au cœur d'un scandale 2.0. Membres d'un groupe secret nommé la "ligue du LOL" qui sévissaient sur Twitter, ces hipsters ont été forcés de faire leurs excuses après avoir insulté et harcelé des femmes sur la Toile pendant des années. Retour sur un bad buzz macho.

La ligue du LOL: mecs branchés et haine sexiste sur les réseaux sociaux
©  Alexey Malkin

C'est grâce à un article de Libération, s'interrogeant sur l'existence et le but de ce groupe, que les utilisateurs de Twitter ont pu voir émerger des milliers de messages traitant de la "ligue du LOL", les 8 et 9 février. Cette "ligue" n'est autre qu'un groupe Facebook fermé constitué de journalistes et communicants qui, entre 2009 et 2012, se moquaient de leurs collègues sur les réseaux sociaux à coups de canulars et photomontages. Visant principalement leurs homologues femmes, Vincent Glad, journaliste à Slate et Brain (ex-Grand Journal sur Canal +) fondateur du groupe et ses collègues (dont un rédacteur en chef des Inrocks faisait partie) ont présenté (mais un peu tard) leurs excuses sur la Toile. Plusieurs personnes ont fait part de leurs témoignages, accablants....  

La Ligue du LOL : plusieurs femmes prisent pour cible racontent

C'est à une époque où Twitter n'est pas connu du grand public et seulement utilisé comme un outil par les pros de la communication et journalistes à la page, qu'une trentaine de personnes sévissent sur le réseau. "C'était brillant, c'était bête, il y avait ce côté observatoire des personnages de Twitter, on s'échangeait des liens, des photos, on se moquait des gens. C'est l'endroit où je me suis tapé les plus grosses barres de rire à l'époque", décrit Henry M., podcasteur et ex-membre au journal Libération.
Insultes sur le physique ou la couleur de peau, blagues déplacées : la "ligue" se défoule et tape fort sur les femmes. Plusieurs journalistes ont partagé les durs moments qu'elles ont traversés à cause de ce groupe. Nora Bouazzouni indique avoir été prise à partie avec des gifs animés avec des trucs pornos avec ma tête dessus, des mails d'insulte anonymes. C'était le forum 18/25 de jeuxvideo.com avant l'heure," résume-t-elle pour CheckNews. "Ces mecs-là faisaient peur à beaucoup de gens. Beaucoup de filles étaient terrifiées par ces gens, avaient peur de les dénoncer".
L'auteure Daria Marx elle, a été prise à partie car "grosse". "Pendant plusieurs années sur Twitter, moi et d'autres copines féministes, on a été la cible de ces petits mecs parisiens qui se foutaient de notre gueule. J'étais grosse, donc je n'avais pas le droit à la parole", confie-t-elle. Selon une étude menée par Rimmel, près de 55 millions de femmes dans le monde sont victimes de cyber-harcèlement du fait de leur apparence physique en 2018 soit 25% des 16-25 ans. 

La Ligue du LOL : entre humiliations gratuites et discriminations à l'embauche

Microcosme virtuel, le monde créé par cette "ligue" faisait la part belle, selon certaines victimes, à la discrimination des femmes dans leurs vies professionnelles en se moquant de leurs engagements personnelles. Une victime raconte à la rédaction de Libération : "Il y avait une grosse dominante d'humiliation. Je me sentais humiliée par des gens de mon métier. Je me sentais exclue de la sphère journalistique par mes propres confrères. Qui aujourd'hui ont tous, ou presque, accédé à des postes élevés et écrivent, pour certains, des articles sur le féminisme." 
Mélanie Wanga, créatrice du podcast "Le tchip" et de la newsletter "Quoi de meuf ?" a également fait les frais d'insultes racistes et sexistes. Captures d'écrans à l'appui, elle a partagé sa frustration et son mécontentement sur Twitter. Selon, elle, ce monde fermé presque sectaire contribue bel et bien à une discrimination à l'embauche. "Imaginez être une jeune journaliste noire, parler de blackface, d'apartheid et se prendre ce genre de trucs plus de 20 fois par des 'confrères' pendant plusieurs jours. Imaginez croiser les gens de cette team en soirée. Les voir se promouvoir entre eux, se donner des CDD, des CDI. Les voir harceler d'autres personnes. Vous essayez de lutter et d'aider, sans trop réussir. Parce que déjà, les rapports de force sont complètement déséquilibrés."

La Ligue du LOL : des crimes de cyberharcèlement minimisés ? 

Le 10 février, la secrétaire d'Etat à l'égalité hommes-femmes, Marlène Schiappa et Mounir Mahjoubi ont formellement dénoncé ce cyberharcèlement. "Cette #LigueDuLOL, c'est l'histoire de loosers, des mecs qui se gargarisaient de pouvoir se moquer d'autres personnes. Sauf que ces moqueries ont eu un impact dans le réel" , déclarait le secrétaire d'Etat au numérique sur BFM TV. "Les victimes de cyberharcèlement doivent pouvoir s'exprimer, et eux, j'espère qu'ils ont honte."
Pour sa défense, le journaliste Vincent Glad a rappelé que "l'objectif n'était pas de harceler les femmes. Seulement de s'amuser". Il a avoué avoir "créé un monstre" et s'est dit "horrifié" face à d'anciens tweets qui remontent à la surface.
De son côté, l'ex-rédacteur en chef des Inrocks s'est également excusé. "J'ai vu que certaines personnes étaient régulièrement prises pour cible mais je ne devinais pas l'ampleur et le trauma subis. J'étais trop lâche."  Un journaliste chez Télérama a aussi fait son mea-culpa. "Désolé pour ce silence coupable. Qui méritait d'être rompu", a-t-il partagé.

Non à l'impunités des jeunes "mâles" rédacteurs qui surfent sur le Web

C'est presque rassurant : les internautes ne pardonnent pas et les titres de presse réagissent face à ce déferlement de haine. Vincent Glad a perdu bien plus que des milliers de followers en quelques heures. Les rédactions de Libération et de Brain Magazine ont décidé de sa suspension provisoire. Un de ses journalistes a également été suspendu à titre conservatoire ce lundi par Libération.
Le rédacteur en chef web aux Inrocks a été mis à pied : une procédure de licenciement pour faute grave a été ouverte d'après les informations du Monde.
Plusieurs autres membres de la ligue du LOL font les frais de leurs faits d'arme. Un journaliste chez Usbek & Rica a lui aussi été mis à pied par la direction du magazine. Il a déclaré stopper toute collaboration avec un publicitaire écarté par son employeur, Publicis. Le rédacteur en chef au Tag Parfait, un magazine sur la culture pornographique, a annoncé qu'il quittait ses fonctions et que le média cessait ses activités "pour un temps indéterminé, le temps de la réflexion et du recul". L'animateur du podcast "Bouffons" a été suspendu par le site Nouvelles Écoutes

La vidéaste et animatrice télé Florence Porcel, aussi victime de la "ligue du LOL", demande aux membres du groupe de quitter leurs fonctions et d'être remplacés par des femmes pour se racheter.