Sophie Fontanel : une leçon d'optimisme à la mode

Auteure, journaliste, Sophie Fontanel nous fait savourer ses transes d'élégance sur Instagram où elle poste ses états d'âme vestimentaires, fait figure de it-girl décomplexée et jouit d'une positive aptitude sans faille. Rencontre avec la quinqua-dorable influenceuse à l'occasion d'un salon du Who's Next tout en joie et bonne humeur.

Sophie Fontanel : une leçon d'optimisme à la mode
© Mitia Bernetel

Sophie Fontanel n'hésite pas entre être, avoir été et devenir. Quelque part entre les jeunes it-girls et les cool seniors de la mode, l'écrivaine, journaliste mode et instagrameuse impose sa fraîcheur de late bloomer  (celle qui s'épanouit sur le tard) dans le paysage mode actuel. Après un parcours qui l'a menée entre autres à la tête du département mode du magazine Elle et aujourd'hui à L'Obs en tant que chroniqueuse, cette insider du milieu se consacre à dérider notre rapport à l'habillement, à proposer une vision disruptive -mot qu'elle affectionne particulièrement- de l'apparence. À coup d'ouvrages éloges à toutes les élégances (notamment celle des cheveux blancs dans son dernier livre, Une Apparition), de looks face au miroir et de rencontres de style au coin de la rue Saint Honoré postées sur Instagram, sa conception tendre et allègre de la mode gagne du terrain. Si bien que le Who's Next, plus grand salon de prêt-à-porter parisien, l'a choisie pour inaugurer son édition de septembre 2017 placée sous le signe de... l'optimisme. À la suite de sa conférence d'ouverture, où elle prêche en faveur d'un supplément d'âme dans la mode auprès d'un public de professionnels du secteur, nous rencontrons la joyeuse oratrice qui n'en finit pas de distiller sa belle humeur. Tête-à-tête.

Le Journal des Femmes : Qu'est-ce qui a changé dans la mode depuis que vous y avez débuté ? 
Sophie Fontanel :
Quand j'ai commencé dans la mode, on arrivait pas là par une école, à part de stylisme. C'était l'époque de Jean Colonna, des créateurs japonais, on se souciait pas de savoir si c'était sexy ou pas, il y avait moins de conformisme. Mais je dois dire que c'est à nouveau en train de changer. Principalement pour une raison, c'est que la mode des fripes est devenue la mode cher. Il n'a jamais été aussi facile de se faire un look. À mon époque c'était plus difficile, il fallait aller chez Kenzo. Maintenant on peut aller chez Free'P'Star. 

Le nouveau mot de la mode, c'est le "menocore", prononcé notamment par la très influente Leandra Medine du blog The Man Repeller. Elle le définit comme l'art de s'habiller comme une femme ménopausée. Que pensez-vous de ce terme ?
Leandra a l'âge où on peut s'habiller "menocore". Moi, si je m'habille comme une héroïne de Jane Austen, on va vraiment avoir l'impression qu'Agatha Christie n'est pas morte. Je ne peux pas faire ça. Et je me suis d'ailleurs rendue compte qu'une partie de ma garde-robe ne m'allait plus, notamment mes grandes jupes de tweed. C'est plus possible pour moi, le look de Balenciaga tout en tweed. On a trop dit comment s'habiller aux femmes passé un certain âge, qu'il ne fallait pas qu'elles mettent de minijupe etc, mais ce qui leur va, en fait, c'est de quitter tout aspect de mémé. Laisser ses cheveux blancs, ça a été appelé "granny hair", c'est pour ça que j'ai inventé le mot "blande". Je pense que Leandra Medine peut encore s'amuser de ce look, pas moi. 

Qui ose à l'heure actuelle dans la mode ?
J'adore Grace Wales Boner (Lauréate du prix LVMH 2016 NDLR), elle joue sur quelque chose d'androgyne extrêmement viril qui me plait beaucoup. Chez Balenciaga, Demna Gvasalia amène des proportions totalement choquantes à l'œil. Certains disent que ça n'aura eu qu'un temps, ce que je ne crois pas. L'idée de mettre un costard, comme pour aller bosser, mais qu'en fait les épaules de ce costard soient trop grandes, avec une épaule plus haute que l'autre ou l'idée d'un manteau qui se boutonne à la clavicule, c'est totalement anticonformiste. Après est-ce que, parce que les gens osent, je vais le porter ? Je ne sais pas...

Est-ce que ce n'est pas un produit réservé aux gens de la mode ?
Peut-être. En tout cas c'est ma recherche. Ma manière d'oser à moi, parce que chacun parle de là où il est. La représentation d'une femme aux cheveux blancs, ce n'est pas une fille qui saute en l'air. Une femme aux cheveux blancs est très rigide avec les cheveux bien lissés, un rouge à lèvres, un petit peu Cruella, ou alors très excentrique, genre foutu pour foutu, par-dessus les cheveux blancs on ajoute un chapeau avec un potiron dessus et tout ça. La fille ultra moderne qui est juste comme une late-bloomer, c'est un nouveau positionnement. 

"Pour moi, embellir est un propos dans la vie"

Vous êtes en train de l'inventer, en fait
Vous voyez les photos du lookbook de l'exposition La Famiglia au Bon Marché (où elle pose dans une série d'autoportraits face aux miroirs du grand magasin parisien NDLR) ? J'aime cette irrévérence, ce décalage par rapport à là où l'on me placerait. Par exemple, je n'aime pas que l'on me dise que les fringues, c'est une question d'argent, ce n'est pas du tout ça. Vous le voyez bien quand vous allez chez Free'P'Star, les gens essayent, ne s'occupent même pas de la taille, enfilent des pièces, mettent une jupe sur un pantalon et trouvent ça cool. C'est ça qui me plait. 

C'est quoi votre rapport à la laideur ?
J'en ai deux. Le premier me fait dire, quand je me regarde dans le miroir, "Que je suis laide !" Je ne dis pas que je le suis, mais il y a cette idée qu'on aurait pas le droit de se reconnaître beau, que c'est prétentieux. Ça vient de l'éducation. J'avais interviewé Catherine Deneuve, à qui j'avais demandé "Quand vous étiez jeune, vous vous trouviez belle ?" et elle m'avait répondu : "C'était quand même difficile à ignorer." Et je m'étais dit, cette femme a une chance incroyable, c'est qu'elle n'a pas douté.
Le second, c'est que pour moi, embellir est un propos dans la vie. Mais je trouve que s'enlever toutes ses rides, porter 20 000 euros de fringues sur soi, c'est laid et démodé. 

© Who's Next

Entre votre livre Une Apparition qui relate l'acceptation de votre chevelure blanche et cette conférence carte-blanche, votre actualité est plutôt immaculée, ce qui nous a donné l'idée d'une petit questionnaire tout blanc. 

Quand on vous a proposé une carte blanche au Who's Next, vous avez dit quoi, de but en blanc ? 
J'ai accepté très spontanément parce que, je n'aime pas beaucoup la Porte de Versailles, mais je sais que ce qui se passe ici est important. On m'a dit "On voudrait montrer quelque chose de positif, parce que l'état d'esprit n'est pas très positif." Alors j'ai dit : "Je viens tout de suite", parce que c'est le sujet qui traverse ma réflexion de journaliste depuis dix ans. 

Qui passeriez-vous des heures à regarder dans le blanc des yeux ?
Barack Obama ! Mais le pauvre, il est bien occupé. 

Si vous aviez un chèque en blanc, qu'en feriez-vous ?
J'achèterai mon appartement, qui donne sur le jardin des Tuileries.

Une bonne raison de passer une nuit blanche ?
Ce serait parce que je sors et que je n'ai pas mal aux pieds ! J'adore sortir et faire la fête mais comme je ne prends pas de drogue, je fatigue. Alors veiller jusqu'au petit matin serait signe que je me suis vraiment amusée. 

Avez-vous peur de la page blanche ?
Non, jamais, je suis "dactylocoholic". Je pense d'ailleurs que les gens qui ont cette angoisse sont ceux qui ont peur d'échouer avant même d'avoir essayé. Et si j'avais l'angoisse de la page blanche, je commencerais par écrire : "J'ai l'angoisse de la page blanche".