Disparue après son âge d'or, cette maison de mode adorée de Jeanne Moreau peut-elle revenir cette année ?
Cette maison de couture a connu un immense succès avant de se crasher quelques années après avoir côtoyé les hautes sphères. Elle a habillé Jeanne Moreau dans sa vie ordinaire comme pour les besoins de sa carrière. Va-t-elle finalement renaître, après 40 ans de désert ?
S'il a changé l'histoire de la mode à jamais ; son nom a fini par s'effacer de nos imaginaires au fil des années. D'après l'historienne de la mode Elodie Lemaire Nowinski, il est digne d'avoir sa place attitrée dans les musées. Jadis visionnaire, "il pense la mode en dehors de la haute couture", avec l'envie de démystifier cette dernière, comme certains de ses confrères. Paco Rabanne, Emanuel Ungaro ou encore André Courrèges : avec eux, il donne naissance à l'esthétique futuriste du Space Age.
Après avoir appris les ficelles du métier chez Dior, il crée sa maison éponyme dans les années 50. Quelques années plus tard arrive son âge d'or. C'est durant cette ère qu'il rencontre Jeanne Moreau ; sa muse, sa bien-aimée, sa partenaire. Il l'habille pour plusieurs de ses films - Eva ou Viva Maria pour n'en citer que quelques-uns - mais aussi dans son train-train quotidien. Cette marque emblématique qui s'est éteinte dans les années 80 n'est autre que Pierre Cardin.

A l'image de la "course à l'espace" menée côté géopolitique, dans les 60's, Pierre Cardin a l'ambition de conquérir le monde en termes esthétique et économique. Et c'est en partie ça qui va précipiter sa chute. Car pour y parvenir, il va faire des licences "partout où c'est possible, jusqu'à diluer sa marque", explique l'historienne de la mode.
Il vend son nom à des partenaires commerciaux, qui l'utilisent à foison sur des produits quelconques : lunettes, valises… Il finit par en perdre le contrôle : son nom se retrouve malgré lui sur des produits peu reluisants comme le papier toilette… De quoi jeter la marque aux oubliettes.
Pour Elodie Lemaire Nowinski, Pierre Cardin a détruit sa "magie de marque". Elle explique : "Cardin a péri par là où il a péché. La dévaluation de son nom par la licence ne lui a jamais permis de se réinventer car il était déjà associé à des choses peu valorisantes (...) le nom Cardin n'évoque plus rien."

Autre souci : "il n'a jamais réussi à se sortir de sa propre esthétique Space Age." Le dernier défilé confirme d'ailleurs ses dires. Les références à l'espace sont littérales, premier degré (lunes ornant les vêtements, casques habillant les têtes de certaines silhouettes).
Or, si ce style est pertinent à l'époque, c'est parce qu'il colle au contexte historique (la conquête de l'espace fait rage entre l'URSS et les Etats-Unis). Désormais, il apparaît comme un vestige du passé, presque désuet. "Il ne faut pas voir ce défilé comme une interprétation futuriste, c'est juste une réutilisation à l'envi des codes Cardin", ajoute la spécialiste. Pas de proposition stylistique novatrice...
Ainsi, il paraît difficile pour la griffe de revenir au sommet cette année... mais pas impossible à l'avenir. Ce qu'il lui manque actuellement, c'est un peu de second degré, d'autodérision. Pour retourner la situation, il suffit de retourner le stigmate dirigé à notre encontre : "il faudrait qu'ils s'amusent avec cette image des logos has been des années 80 (...), jouer sur ce qui a fait leur perte."
L'historienne de la mode pense à des collaborations avec Marine Serre par exemple : elle qui dénonce l'hyper commercialisation de la mode, se retrouverait à composer avec la maison qui a vendu son nom dans tous les sens... Une stratégie très Desigual finalement.