Anti Black Friday : des centaines de marques mode s'engagent

Le quatrième vendredi de novembre, c'est le Black Friday avec son lot de réductions qui font le bonheur des clients et des clientes. Pourtant, des centaines de marques de mode désapprouvent cette journée de remises et s'engagent contre ces 24h de shopping effréné.

Anti Black Friday : des centaines de marques mode s'engagent
© Sopa Images/SPUS/ABACA

5, 4, 3, 2, 1... Le Black Friday est lancé ! Cette journée, qui a lieu chaque année le quatrième vendredi de novembre lance la saison hivernale avec son lot de réductions séduisantes. 24h qui ravissent certains consommateurs et consommatrices. Mais cette pratique commerciale directement importée des Etats-Unis, est aussi cause de surconsommation, de promotions trompeuses et de pollution. C'est pour cette raison que plusieurs marques de mode françaises engagées et responsables se mobilisent à l'occasion de l'édition 2021 du Black Friday.

Quelle est l'histoire du Black Friday ?

L'histoire que l'on lit le plus souvent sur les origines du terme "Black Friday" commence un vendredi de septembre 1869 aux Etats-Unis où le cours de l'or, en chute libre, entraîne un krach boursier dont les effets se sont fait sentir pendant plusieurs années sur l'économie du pays. En 1930, à la suite d'une autre crise, la Grande dépression de 1929, les commerçants tentent de relancer leur activité en instaurant 24 heures de rabais au lendemain de la fête étatsunienne de Thanksgiving, qui a lieu chaque année le quatrième jeudi de novembre. Quelques décennies plus tard, dans les 50's, le terme "Black Friday" fait son apparition dans le jargon de la police de Philadelphie. Il désigne alors la journée de bouchons qui bloque les rues du centre-ville à cause de l'affluence conséquente dans les boutiques. L'appellation "Black Friday" est ensuite progressivement adoptée par tous les commerçants du pays pour désigner ces 24 heures de soldes devenue un véritable rituel national. Le but : lancer la période de shopping à l'approche des fêtes de fin d'année.

Quand est arrivé le Black Friday en France ?

C'est au début des années 2010 que le Black Friday commence à devenir un rendez-vous en France. Popularisé par les grandes plateformes d'e-commerce internationales (Amazon, Asos…), le Black Friday s'installe progressivement dans les mœurs des consommateurs français. En 2021, ils sont ainsi 7 sur 10 à compter en profiter avec un budget moyen de 251 euros selon une étude du cabinet d'audit PwC menée à l'automne 2021. Le problème ? Cette journée de rabais s'ajoute aux périodes de soldes déjà remises en question par les commerçants. Surtout, comme le souligne Nicolas Rohr, co-fondateur de la marque Faguo, "Nous n'avons pas le même calendrier commercial qu'aux Etats-Unis. Chez nous, les soldes démarrent en janvier, soit après Noël".

Mais les consommateurs, bien contents de pouvoir acheter des vêtements à prix barrés et préparer leurs cadeaux pour les fêtes de fin d'année avec un peu d'avance (toujours selon l'étude de PwC, en 2021, les consommateurs et consommatrices comptent acheter 30% de leurs cadeaux de Noël lors du Black Friday), ne font pas l'impasse sur cette journée de rabais. Un vrai problème pour les commerçants, qui manquent ainsi d'écouler leurs stocks au prix fort juste avant les fêtes. Surtout que les achats s'effectuent en ligne majoritairement, pénalisant les magasins multimarques et les griffes françaises par rapport à des sites internationaux accessibles en quelques clics. En 2021, les consommateurs et consommatrices comptent ainsi effectuer 64% de leurs achats sur Internet contre seulement 35% en boutique selon l'étude de PwC.

Autre critique : le Black Friday est décrié car il pousse à la surconsommation. Les réductions conséquentes affichées dans les magasins influencent l'achat de produits qui ne sont pas toujours indispensables aux consommateurs et consommatrices. "Les marques ne doivent pas "obliger" les consommateurs à acheter parce qu'il y a une super promo qui dure 24 heures. Et puis, qu'est-ce que cela signifie, pour un client, que le jeudi, on vende un produit au plein prix, puis à -40% le lendemain avant de le remettre au prix fort le samedi ?", remarque Nicolas Rohr. D'ailleurs, selon l'association UFC Que choisir, le Black Friday est même l'occasion pour certaines marques de tromper les chalands grâce à un "tour de passe-passe invisible pour les consommateurs, qui permet de leur vendre les mêmes produits, aux mêmes prix tout en leur faisant croire à une bonne affaire".

Quelles alternatives au Black Friday ?

En France, la riposte s'organise et de plus en plus d'initiatives sont menées pour sensibiliser les clientes et clients à la surconsommation qu'induit cette période de rabais. Ce qui les intéresse le plus en termes d'achat ? La mode, qui représente pour l'édition 2021 50% des intentions d'achat selon l'étude de PwC. Logique, dès lors, que les marques du secteur se mobilisent à travers différentes initiatives.

Le Green Friday

En 2017, le réseau de cinquante entreprises d'insertion Envie, les boutiques éco-responsables Altermundi, la plateforme Dream Act et le réseau de ressourceries Refer se réunissent pour créer le collectif Green Friday, présenté comme "l'anti-Black Friday". "Ensemble, reprenons le pouvoir de l'achat", inscrit-il dans son manifeste, qui souhaite "dire stop à une production excessive et irraisonnée". L'idée : privilégier les matières premières éco-responsables, prêcher la bonne parole auprès de nos proches pour les convertir à cette façon de consommer, favoriser la production locale, la seconde main, l'upcycling… Soutenu par la mairie de Paris, le collectif encourage les marques à engager des actions concrètes ce jour-là : ne pas faire de promotions le quatrième vendredi de novembre, reverser 10% de son chiffre d'affaires du jour à une association, sensibiliser les consommateurs…

Make Friday Green Again

Lancé en 2019 à l'initiative de la marques française Faguo, Make Friday Green Again rassemble 700 griffes lors de sa première année d'existence. En 2021, elles sont 1 200 à s'engager contre cette période de surconsommation. Enseignes comme Naturalia et Maisons du monde, marques de beauté comme Horace et surtout, griffes de mode telles que Aigle, Emoi Emoi, We Are Jolies, Bonne Gueule, Luz, Maison Standards, Nénés Paris, Make My Lemonade, Chilowé, Olly, Jules & Jenn, Baya ou encore Icone Lingerie refusent ainsi de participer à cette journée de vente au rabais. Leur constat :

  • Le Black Friday n'a pas lieu d'être en France et incite à la surconsommation.
  • Il a un impact direct sur le climat. Make Friday Green Again suggère aux clients de consommer quand ils en ont vraiment besoin. 
  • Ces 1 200 marques proposent plutôt de mettre à profit cette journée pour faire le point sur ses besoins et trier les vêtements qui dorment dans les placards pour les upcycler, en faire don, les revendre ou les recycler. 

"Il faut bien garder en tête que pour les marques, le Black Friday est un apport commercial important. En y renonçant, on se coupe d'un chiffre d'affaires conséquent", rappelle Nicolas Rohr. "Mais comme nous, les griffes qui ont rejoint l'initiative font partie de celles qui veulent faire pour la planète et rétablir un certain équilibre plutôt que de se lamenter et de créer de nouvelles dérives", poursuit le dirigeant. Pour autant, il n'est pas question d'organiser des actions spécifiques pour affirmer ses positions le jour du Black Friday. Nicolas Rohr conseille davantage aux marques de mettre en avant toutes leurs actions déjà existantes. Dans le cas de Faguo, il s'agit de communiquer sur son atelier de réparation, ses bornes de recyclage, son offre de vente et d'achat de seconde main... En vue des élections présidentielles en 2022, Make Friday Green Again et Green Friday se sont aussi associés pour écrire une lettre ouverte au futur ou à la future présidente de la République afin de l'interpeler sur le Black Friday et de lui rappeler l'impact de la consommation du quotidien sur le climat. Leur vœux pieux : que le prochain ou la prochaine cheffe de l'Etat légifère sur le sujet

Bleu Blanc Rouge Friday

En 2019, la marque de gourde made in France Gobi a lancé Bleu Blanc Rouge Friday. Ce collectif de griffes, dont les produits sont tous fabriqués dans les frontières hexagonales, souhaite inciter les consommateurs et consommatrices à acheter auprès de griffes françaises qui "se battent 365 jours par an pour sauver des emplois et les savoir-faire locaux".

Des initiatives isolées

Certaines marques, sans appartenir à aucun collectif, décident de transformer le Black Friday en une initiative solidaire. C'est le cas de M. Moustache qui organise cinq jours de remises sur ses anciennes collections de chaussures du mercredi 17 au dimanche 21 novembre dans ses boutiques et sur son site Internet. L'intégralité des bénéfices de cette mini semaine de rabais sera reversé à l'association Allegretto qui lutte contre le syndrome de RETT, une affection du système nerveux qui touche les petites filles.

L'enseigne de prêt-à-porter féminin Maison 123 a choisi quant à elle de reverser 1 euro à chacune de ses ventes du 26 novembre à Emmaüs Solidarité. La somme collectée servira à rénover un espace de l'association. 

De son côté, le spécialiste du jean Jeanerica reverse 15% des profits générés du 26 au 29 novembre à des associations qui protègent les océans grâce à la plateforme Milkywire qui a pour spécialité de faciliter la connexion entre les entreprises et les organisations à but non lucratif. Une initiative suivie par la griffe polonaise Chylak qui a décidé de reverser 50% des bénéfices effectués sur sa collection Moiré du 26 au 29 novembre à la fondation Mare qui œuvre pour la protection des écosystèmes marins de la mer Baltique.

Pour le label de sport éco-responsable Circle, le Black Friday est l'occasion de s'associer à la communauté de coureurs Running Heroes et de lancer un défi à ses clients : courir en tout 100 000 km le vendredi 26 novembre pour planter 10 000 arbres avec la plateforme de reboisement Tree-Nation. Préparez vos baskets !

Dans un autre registre, la griffe online pour femme et enfant Balzac Paris fermera son site de prêt-à-porter le jour du Black Friday pour pousser son offre de seconde main et inciter ainsi les clientes à consommer moins, mais mieux. Une initiative que la marque Aigle, également membre de "Make Friday Green Again", a aussi décidé de prendre. En plus de son eshop, le label fermera 48 de ses boutiques le 26 novembre 2021, promouvant ainsi son site de seconde main, "Second Souffle", lancé il y a tout pile un an. Ou comment s'engager à grande échelle.