"C'est l'amitié entre collègues qui me fait rester" : ce que Guillaume, prof de primaire, ne parvient plus à supporter

Guillaume, enseignant en primaire, nous raconte un quotidien marqué par une fatigue profonde, qui le fait douter de sa vocation. Voici les raisons.

"C'est l'amitié entre collègues qui me fait rester" : ce que Guillaume, prof de primaire, ne parvient plus à supporter
© andriiborodai

Il savait que la situation était "loin d'être idyllique", mais il ne s'attendait pas à un tel désenchantement. Ce n'est un secret pour personne : l'Éducation nationale va mal et les professeurs décrivent des conditions de travail catastrophiques depuis longtemps... En à peine cinq ans dans le métier, Guillaume a vu son enthousiasme s'éroder. Enseignant dans une école élémentaire des Yvelines, où il est à la tête d'une classe de CM1-CM2, le jeune homme nous décrit ce qui le fait douter de sa vocation, au quotidien. "Je le vois comme une sorte de désillusion. On ne vient pas dans ce métier par hasard, on veut se sentir utile à la société. Mais d'année en année, j'ai vu que tout déclinait : ma motivation, mon envie de bosser, de faire plus, d'aboutir des projets…" Au cours de sa carrière, Guillaume a travaillé dans plusieurs écoles différentes. Mais son constat est le même partout : les enseignants sont épuisés, à bout de souffle. 

"Il y a énormément de burn-out et de démissions dans notre métier, surtout dans les premières années. Dans mon établissement, une collègue est partie deux mois après la rentrée", raconte-t-il. "Je n'ai pas fait une seule année où je n'ai pas vu mes collègues pleurer des dizaines de fois", déplore-t-il. Le jeune prof de 30 ans nous confie lui-même envisager "très souvent" de se mettre en arrêt de travail, voire de quitter l'enseignement. "Changer de métier, j'y pense aussi très souvent", nous révèle-t-il. Il faut dire que ce travail commence à avoir un impact sur sa santé non seulement mentale, mais aussi physique : "Ça fait des mois que j'ai des vertiges. Je me sens mal, je dors mal et donc ça se répercute aussi sur ma vie personnelle. Si ça continue trop, il faudra que j'arrête."

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La raison de ce mal-être partagé ? "Les conditions dans lesquelles on exerce sont ignobles", explique Guillaume. Des classes surchargées, un manque de temps et de moyens, des élèves souffrant de handicaps qui ne sont pas pris en charge, des relations parfois tendues avec certains parents… En effet, "on reçoit beaucoup d'insultes, des enfants comme des adultes. Il y a des parents qui sont dans un déni total sur les problèmes ou les éventuels troubles psychiques de leurs enfants. Ils n'acceptent pas de l'entendre, et ça nous retombe dessus." La mère de Guillaume est aussi institutrice, et a reçu à plusieurs reprises des menaces de mort de la part de parents d'élèves de maternelle. De son côté, le jeune prof de CM1-CM2 vit un calvaire avec les enfants eux-mêmes : "L'autre jour, je me suis fait frapper pendant une demi-heure par une gamine qui était en pleine crise. On doit parfois ceinturer des enfants au sol pour essayer de les canaliser, on a des enfants qui essaient de fuguer, d'autres qui s'enferment pendant des dizaines de minutes dans les toilettes… Ce n'est pas à nous de gérer ça, en théorie."

"Honnêtement, je ne sais pas comment je tiendrai cette année", avoue d'ailleurs Guillaume. S'il repousse sans cesse le moment de devoir s'arrêter, c'est surtout pour ne pas faire peser un fardeau supplémentaire sur ses collègues et amis qui devront se répartir ses élèves pendant son absence. C'est d'ailleurs grâce à cette "équipe extrêmement soudée" qu'il parvient à tenir le coup pour l'instant : "On sait que ce n'est pas l'institution qui va nous protéger, donc il faut qu'on se protège nous-mêmes. C'est notre amitié qui me fait rester pour l'instant." Mais cette solidarité, aussi précieuse soit-elle, ne saurait indéfiniment compenser les carences d'un système à bout de souffle, dans lequel les enseignants s'épuisent, s'isolent ou quittent le navire. Une profession qui devrait être soutenue et valorisée, devient ainsi un terrain d'abandon, où la vocation ne suffit plus.