Je suis coach en finance : cette somme permet de repartir de zéro sans paniquer
Pour la retraite, pour les études des enfants, ou simplement en cas de "coup dur"... Avoir de l'argent de côté, c'est avoir la liberté de tout recommencer si nécessaire.
L'argent ne fait peut-être pas le bonheur, mais il fait la liberté. Et d'autant plus pour les femmes. Car dans une société où plus de 40 % des femmes qui envisagent de divorcer renoncent pour des raisons financières – selon une étude Eve and Co de 2025 – la plus grande liberté réside dans le fait de pouvoir choisir. Quitter un travail ou une relation amoureuse pour repartir à zéro, que ce soit par envie ou parfois par nécessité vitale, n'est malheureusement pas donné à tout le monde. C'est pourquoi chacun devrait se constituer un fonds de secours pour se protéger, garantir son indépendance financière en cas de besoin, et surtout ne plus se sentir coincé dans une situation insupportable par faute de moyens.
Les anglais l'appellent le "f*** off fund" : comprenez (dans sa version plus polie) une somme suffisante pour se permettre d'"envoyer paître" n'importe qui, n'importe quand. Cela va donc au-delà du traditionnel bas de laine utilisé pour faire face aux petits coups durs de la vie, comme une voiture à réparer, ou à un futur prévisible, comme la retraite par exemple. Sans grande surprise, les femmes sont les plus mal loties en termes d'épargne. En raison notamment des écarts salariaux avec leurs confrères masculins, elles ont tendance à économiser beaucoup moins : 210 euros par mois en moyenne contre 280 pour ces messieurs, selon l'Autorité des marchés financiers. Et plus de 20 % des Françaises déclarent même ne pas mettre de côté du tout.
Trois ou quatre mois de "dépenses réelles", c'est le montant minimum à garder dans son fonds de secours afin de pouvoir démarrer une nouvelle vie sereinement. Voici ce que nous indique Fabienne Dupuij, money-coach et fondatrice de l'Ecole de l'argent. Par exemple, si vous dépensez 1 500 euros par mois pour le logement, la nourriture et toutes les factures, il faudrait économiser au moins entre 4 500 et 6 000 euros. Si vous dépensez 2 000 euros, il vous faudra donc entre 6 000 et 8 000 euros de côté, et ainsi de suite. Bien sûr, cela varie en fonction de la situation : une mère de famille seule ou une personne ayant un emploi précaire devra prévoir une plus grosse somme pour s'assurer une vraie tranquillité, le temps de se remettre à flot. "Une salariée avec un emploi stable peut viser trois à quatre mois de dépenses courantes. Une travailleuse indépendante, plus exposée à l'irrégularité des revenus, aura besoin de six à douze mois de sécurité financière. Pour une mère isolée, mieux vaut viser un à deux mois supplémentaires", ajoute de son côté Valérie Lafforgue, responsable communication pour le cabinet de gestion de patrimoine Corre Finance.
Mais cela dépend aussi de son propre rapport à la sécurité financière : "Il faut commencer par faire un budget réaliste de combien j'aurais besoin si j'étais seule. Un chiffre, c'est abstrait, ça ne nous dit rien de la situation réelle dans laquelle on va se retrouver, ça ne nous propose aucune solution", rappelle Fabienne Dupuij. L'experte préconise donc de se poser une question essentielle : de combien ai-je besoin pour me sentir tranquille ? Et surtout, de faire un travail d'enquête, de mise en situation : combien coûterait un nouvel appartement, avec son loyer, sa caution et l'éventuel ameublement, quels seront les services à payer et les dépenses du quotidien, comme l'électricité, les transports en commun, l'abonnement téléphonique, etc.
Pourtant, malgré ces calculs très concrets, beaucoup n'osent pas sauter le pas et quitter une situation problématique par crainte de ne pas avoir assez d'argent. C'est le problème du "toujours plus", qu'aucune somme ne pourra jamais régler entièrement : "La peur de manquer est intrinsèque à notre qualité d'être humain. Dire 'je ne peux pas partir tant que je n'ai pas telle somme sur mon compte', c'est perché. Il y a comme une espèce d'impuissance acquise. Mais la sécurité ne vient pas uniquement du montant qu'on a sur un compte, elle vient dans notre capacité à trouver des solutions. L'argent n'est pas l'unique ressource", rappelle la spécialiste. Pour autant, Fabienne Dupuij insiste qu'il est "essentiel" d'avoir son "propre écosystème budgétaire", et surtout sa propre "identité bancaire" avec un compte courant et un compte épargne (Livret A ou LDDS), en plus d'un éventuel compte joint avec son partenaire par exemple. "Un compte à son nom seul, sans co-titulaire, c'est plus qu'un placement : c'est un symbole. Il dit 'cet argent m'appartient, et avec lui, ma liberté'", confirme Valérie Lafforgue, qui recommande en plus de garder une "petite réserve liquide" de quelques centaines d'euros, pour gérer les urgences immédiates.
D'ailleurs, l'experte en gestion de patrimoine conseille de se constituer une ressource complémentaire, comme une assurance-vie ou un don familial par exemple. "Un don manuel des parents, même modeste, peut constituer la première pierre de ce fonds d'urgence. Ce geste simple et encadré par la loi – jusqu'à 31 865 euros par parent et par enfant, sans impôt tous les 15 ans – constitue un bien propre, c'est-à-dire qu'il appartient exclusivement à la personne qui le reçoit, même en cas de mariage sous le régime de la communauté", nous explique Valérie Lafforgue. En construisant un filet de sécurité à son image, on affirme sa capacité à décider, à s'autonomiser sans attendre que les conditions idéales soient réunies. Parce qu'en matière de liberté, chaque euro compte.