"On se lâche sur les élèves" : tout ce que les enseignants se disent vraiment en salle des profs

Que peuvent bien se dire les enseignants dans le secret de la salle des profs ? Cinq d'entre eux ont accepté de se confier sans tabou.

"On se lâche sur les élèves" : tout ce que les enseignants se disent vraiment en salle des profs
© dotshock/123rf

La salle des profs est comme une société en miniature, avec ses règles, ses débordements, ses conflits, ses grands moments de joie. Les enseignants discutent de tout : les élèves, les parents, le contenu des cours, les projets communs, la direction, les réformes ou l'actualité. Mélanie, prof d'histoire et géographie en région parisienne, confie d'ailleurs que les échanges autour de l'actualité sont parfois houleux. "C'est une thématique hautement inflammatoire en salle des professeurs qui conduit certains à la déserter et installer leur cafetière perso dans leur salle de classe et manger à l'extérieur pour ne pas avoir à commenter ou subir les interprétations de certains sur les élucubrations de Trump ou l'opportunité de favoriser le nucléaire", explique-t-elle. 

Mais Élodie, professeur de français en Bourgogne, confie que le sujet numéro un en salle des profs est indéniablement… Les élèves. "Quand on a dû se fâcher pendant un cours, on peut vraiment se déchaîner sur les élèves", explique-t-elle. "On le fait pour se défouler, mais il y a beaucoup, beaucoup de tendresse derrière les mots parfois crus qu'on peut employer. On a besoin de décharger, mais dès qu'on passe la porte de la salle, on rendosse notre costume d'enseignant", ajoute la prof de français. La salle des profs, un sas nécessaire pour décompresser ? "C'est vraiment le but ! Surtout quand on passe juste en coup de vent entre les récréations. On s'échange aussi les perles de nos élèves !", renchérit Thomas, professeur d'anglais dans un collège parisien. 

Pour Youssef, prof de maths, la salle des profs est vraiment le "bureau des plaintes". "Les récréations durent 15 minutes, pour peu que ta salle de classe soit loin, tu as à peine le temps de te déplacer, d'aller faire pipi et de prendre un café. Résultat : comme les gens ont très peu de temps, ils se plaignent (notamment des élèves) et hop, ils repartent dans leur salle !", explique-t-il. "Quand parfois on a une heure de trou dans l'emploi du temps, ça devient l'empire du small talk. Ça parle météo, ça échange des banalités. C'est ni très profond ni très politisé, contrairement à l'image qu'on se faisait jadis des profs", ajoute-t-il.

Mais les échanges en salle des profs sont aussi l'occasion d'aborder les problèmes des élèves. "On en parle parfois en mal, mais on aborde aussi nos préoccupations sur leurs difficultés. C'est vraiment un lieu d'échange informel pour des infos cruciales ou qui aident à comprendre une situation (tu as mis Truc à côté de Machine ?, mais elle l'a harcelé pendant un an en 6e !)", décrit Mélanie. Pour Agathe, prof de physique-chimie au sein d'un collège, après avoir longtemps enseigné au lycée, chaque salle des profs est unique. "Ça peut être très différent d'un établissement à l'autre. Au lycée par exemple, il y a beaucoup plus de gens syndiqués et donc de débats entre syndicats", observe l'enseignante. Mais Agathe estime que les profs sont des collègues comme les autres. "On parle aussi de nos vies personnelles, en fonction des affinités", explique-t-elle. Logiquement, il peut donc y avoir des conflits et des discussions houleuses, comme dans n'importe quel bureau.

Quant à la direction et aux parents, il s'agit de deux autres sujets fréquents. "La direction n'est jamais dans la salle des profs, donc on se lâche beaucoup… Et dès que le principal passe la porte, tout le monde se tait", observe Elodie. "La communication avec les parents est un exercice très compliqué et souvent les profs ont l'impression que certains parents sont absents, dépassés ou laxistes... exactement ce que ces derniers leur reprochent !", explique Mélanie, prof d'histoire-géographie.

Croyez-le ou non, en salle des profs, il arrive aussi que les enseignants s'amusent ! En jouant aux cartes par exemple, mais pas seulement. "On a confisqué énormément de pistolets à eau en fin d'année", confie Élodie. "Ça a été bataille d'eau sur bataille d'eau entre collègues. Un vrai carnage. On fait un métier difficile, mais il y a beaucoup de solidarité entre nous, et l'intérêt des élèves est notre priorité. La salle des profs nous permet de cultiver cette solidarité", conclut-elle.