Les chercheurs du CNRS sont formels : si vous n'avez pas le sens de l'orientation, c'est à cause de...
Souvent, on en parle comme une fatalité ou sur le ton de la plaisanterie. Mais des scientifiques ont montré que ce trait aurait une origine bien précise.
"Tout le monde n'a pas le sens de l'orientation". Cette phrase, on l'a tous déjà entendue ou répétée presque machinalement dans certaines situations. Comme quand on tourne en rond dans un parking, incapable de retrouver où on a garé sa voiture. Ou quand on suit le GPS à la lettre… mais qu'on finit quand même par prendre la mauvaise sortie. Ce sentiment de désorientation, beaucoup le vivent au quotidien, sans comprendre d'où il vient. Et s'il ne s'agissait ni d'un défaut personnel, ni d'un manque d'attention ?
Pour creuser la question, une équipe internationale de chercheurs a mené une étude, qui a été publiée dans la revue scientifique et technologique Nature le 30 mars 2022. Ils ont analysé les performances de près de 400 000 personnes, originaires de 38 pays, à un jeu mobile baptisé Sea Hero Quest. L'objectif du jeu est simple : piloter un petit bateau sur des mers inconnues pour retrouver des créatures marines, en se guidant à partir d'une carte. Mais derrière ce décor ludique, il s'agit en réalité d'un test scientifique grandeur nature, conçu pour mesurer nos capacités de navigation spatiale. En croisant les données issues du jeu avec l'environnement d'enfance des participants, les scientifiques ont découvert un facteur inattendu : ce n'est ni l'âge, ni le sexe, ni même le pays qui explique les différences de performance… mais le lieu où l'on a grandi.
Les résultats ont montré que les personnes ayant passé leur enfance à la campagne ou dans des villes aux rues irrégulières, comme Paris ou Londres, réussissent bien mieux que celles qui ont grandi dans des villes au plan très structuré, comme Chicago ou Montréal. Plus les rues sont sinueuses, moins l'environnement est lisible, plus le cerveau est stimulé dès le plus jeune âge. Et cette stimulation précoce a des effets durables. "C'est une période clé", a déclaré Antoine Coutrot, chercheur au CNRS et co-auteur de l'étude auprès du New York Times. Notre sens de l'orientation se façonne donc dès l'enfance, au fil des trajets plus complexes, des chemins qu'on apprend à mémoriser, des détours qu'on finit par anticiper. En clair, le désordre apparent d'un quartier ou d'un village aide le cerveau à construire des cartes mentales plus efficaces.
À l'inverse, grandir dans un environnement quadrillé, prévisible, limite ces efforts d'adaptation. Et laisse des traces, même des années plus tard. L'étude révèle aussi que l'environnement actuel, celui dans lequel on vit aujourd'hui, a peu d'effet sur notre sens de l'orientation. Tout se joue dans les premières années. D'où cette question posée par Amber Watts, professeure à l'Université du Kansas dans le quotidien américain : "Est-ce que cela veut dire qu'il va falloir créer des environnements plus compliqués pour qu'ils soient plus stimulants pour notre cerveau ?". Pas sûr que l'idée plaise à tout le monde, mais pour ceux qui se perdent en permanence, la nouvelle a un côté rassurant, ce n'est pas de votre faute, c'est peut-être juste l'endroit où vous avez grandi !