Trottinette électrique, jacuzzi.. Ces automobilistes profitent d'une faille à l'assurance, mais plus pour longtemps
Les assureurs tentent de prendre les choses en main pour inverser la tendance de cette "pratique mafieuse" qui consiste à offrir des cadeaux démesurés aux automobilistes pour le simple remplacement d'un pare-brise. Entretien avec Bertrand Delignon, directeur à la Macif.
Les assurances automobiles coûtent généralement cher. Mais elles sont essentielles pour couvrir les risques d'accidents sur la route ainsi que les dommages causés comme les réparations du véhicule. Lorsque sa voiture a été percutée alors qu'il était correctement garé, Damien s'est laissé séduire par des garages non agréés. Contrairement à ceux recommandés par son assureur, ceux-ci lui proposent, en plus de remplacer son pare-brise, des offres particulièrement alléchantes. "J'ai plusieurs camions de société, et en deux ans, j'ai déjà reçu une trottinette électrique et un jacuzzi", nous confie le jeune homme de 40 ans. "Mais pour la PS5, il fallait deux pare-brise à changer", ajoute-t-il. Et il n'y a qu'à voir sur le site des "spécialistes du pare-brise" pour prendre conscience, en un coup d'œil, de cette surenchère. "Franchise offerte ou Nintendo Switch Lite ou 200 euros en carte Illicado offerts pour tout pare-brise remplacé", est-il écrit en gros caractère. La seule contrainte ? "Avancer les frais, mais là encore, j'avais pu m'arranger avec le garage", nous confirme Damien.
En effet, depuis quelques années, les assureurs assistent, impuissants, à une véritable "pratique mafieuse", comme la qualifie Bertrand Delignon, directeur IARD (incendies, accidents et risques divers) à la Macif. Concrètement, "au lieu de facturer le remplacement d'un pare-brise 700 euros comme chez les garagistes agréés, ces professionnels peu scrupuleux font grimper la facture à 1400-1500 euros. Pour une simple réparation, on est à 185 euros au lieu de 75 euros, soit plus du double du prix", nous explique-t-il. Cette différence tarifaire leur permet donc aisément de proposer des cadeaux attractifs tout en profitant d'une marge intéressante, au détriment des assureurs, mais pas que. "Cette surcharge se reporte finalement sur l'ensemble des assurés qui voient leurs cotisations augmenter", précise le directeur de la Macif.
Pour autant, "les assureurs sont vent debout contre ces professionnels afin de rendre ce marché plus vertueux et éviter de pénaliser les garagistes les plus sérieux", assure le spécialiste. Alors qu'une proposition de loi visant à plafonner les frais de réparation ou de remplacement de bris de glace n'a pas encore abouti, nombreux sont ceux qui mettent les moyens ou projettent de changer leur propre politique. "Certains assureurs ont mis en place, dans leurs conditions générales, un reste à charge pour l'assuré s'il décide de faire appel à un garage non agréé". Et ce n'est pas tout : lorsque la facture affiche plus du double que le coût réel de la réparation, une expertise est ordonnée par la majorité des assureurs afin de s'assurer que le montant est conforme. "On peut décider de ne pas rembourser entièrement le montant auprès du garagiste qui devra alors payer le reste à charge, ce qui crée un litige avec le réparateur. Mais dès lors que l'affaire est portée devant les tribunaux, on gagne et certains, mis en difficulté, ont déjà mis la clé sous la porte", affirme Bertrand Delignon.
Ce dernier conseille désormais aux sociétaires de prendre contact avec leur assurance pour connaître précisément les conditions, avec une possible complexité du parcours, par exemple, un retard de paiement. Aussi, si certains assureurs plafonnent déjà le montant des indemnisations, "il s'agit d'un mouvement de marché qui va s'imposer à tous", estime-t-il. "C'est une réflexion que l'on a à la Macif", conclut Bertrand Delignon.