"Trois de mes enfants vont perdre la vue : voici la plus belle leçon de vie que j'en tire"

Venir au monde en pouvant voir ce qui nous entoure, les gens que l'on aime, puis perdre la vue du jour au lendemain. C'est ce que sont en train de vivre trois des enfants d'Édith et Sébastien, une famille canadienne. Mia, Léo, Colin et Laurent sont encore très jeunes lorsque leurs parents décident de faire tester leur vue par un médecin. À l'époque, l'aînée de la tribu a du mal à voir dans la pénombre, mais personne ne s'attend au diagnostic : Mia, Colin et Laurent souffrent d'une rétinite pigmentaire. Le coupable ? Un gène défectueux, le PDE6B, qui abîme petit à petit les cellules de leurs rétines oculaires, et les condamne à perdre la vue, sans savoir quand. Surtout, il n'y a aucun traitement possible. 

À l'annonce du diagnostic, c'est l'onde de choc. Édith et Sébastien comprennent à cet instant que leur vie et celles de leurs enfants sont sur le point de changer à tout jamais. Une multitude de questions se posent alors dans la tête des parents, qui préfèrent au début ne rien dire à leurs "cocos", comme Édith aime les appeler. Et alors qu'ils tentent tant bien que mal de trouver des solutions, un jour, le couple a un déclic. Au cours d'une simple discussion avec une professionnelle spécialisée en déficience visuelle en milieu scolaire, Édith entend cette phrase : "la meilleure chose que vous pouvez faire pour vos enfants est de remplir leur mémoire visuelle". Cela fait tout de suite sens à la mère de famille, qui en parle à son conjoint.

"L'idée de faire un long voyage en famille nous trottait déjà dans la tête, car on aime voyager, mais ce n'était qu'un rêve. Là, on s'est dit, on doit le faire, on ne peut plus reculer", nous a-t-elle confié lors de notre échange. Sans même s'en rendre compte, ils venaient de poser la première pierre de leur projet : un tour du monde en famille d'un peu plus d'un an pour montrer à leur enfants la beauté du monde. Et c'est ce qu'ils ont fait. Après avoir revu leur plan à de nombreuses reprises à cause de la pandémie de Covid-19, ils sont partis en mars 2022 du Québec pour s'envoler en Afrique, plus précisément en Namibie. Puis direction la Zambie, la Tanzanie, la Turquie, la Mongolie, l'Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande, le Cambodge, le Laos, le Népal, Oman, l'Égypte, l'Équateur et la Colombie.

Une aventure riche, mais aussi challengeante. "Le plus difficile, c'était d'être avec les enfants 24h/24, 7j/7. On n'était jamais seuls, on était six tout le temps, même pour dormir", se remémore Édith, qui a immortalisé leur périple en photos sur leur compte Instagram @pleinleursyeux. Malgré certaines difficultés inévitables d'un voyage en famille, cette expérience leur a ouvert les yeux sur bien des choses. Des leçons qui peuvent parler à tout le monde finalement. "Je pense que lorsque l'on fait face à des défis que la vie nous impose, on n'a pas le choix que de les affronter. Mais tu as le choix de comment tu vas réagir ; tu peux soit subir ou agir. Je crois que lorsque tu es dans l'action, ça te permet de passer au travers. Si tu subis et que tu attends que ça passe, c'est là que ça prend toute la place. Si tu arrives à te concentrer sur ce qui est beau dans ta vie, ça rend tout plus facile", souligne la mère de famille.

Le couple a aussi eu une leçon de leurs enfants. "Ils nous ont appris ce qu'est la définition de la beauté. On est parti en voulant leur montrer ce qu'est la beauté du monde, mais très vite, on a réalisé que les enfants ont leur propre définition parce qu'ils savent s'émerveiller pour un rien. Par exemple, en voyant des chatons, des fleurs ou des insectes. Alors que nous, on voulait leur montrer des grands paysages spectaculaires, on a vite compris que nous les adultes, on a perdu cette capacité de s'émerveiller. On n'arrive même plus à apprécier le moment présent", ajoute-t-elle.

Depuis leur retour, en avril 2023, la tribu a repris le cours de leur vie au Québec. Tous les six ressortent grandis de ce long voyage, la maladie fait désormais partie de leur quotidien, même si Édith avoue que ce n'est pas un sujet dont ils parlent au quotidien. "Ce sont encore des enfants, ils vivent dans l'instant présent et ça ne les inquiète pas plus que ça. Par exemple, Mia est très positive, sa vue est bonne pour l'instant donc elle en profite". Une belle leçon de vie !