"En plaçant mon père, je pensais souffler, mais..." : Anne raconte la vérité du fonctionnement des structures pour seniors
Anne pensait que sa charge mentale diminuerait une fois que son père serait placé. Mais ses inquiétudes n'ont pas disparu, et désormais, elle endosse un nouveau rôle pour prendre soin de son parent.
En vieillissant, on imagine souvent comment seront nos dernières années, et certains savent même exactement où ils veulent les passer. Les parents d'Anne, eux, ont toujours pensé qu'ils finiraient leurs vieux jours chez eux, dans la maison qui a vu grandir leurs petits-enfants et arrière-petits-enfants. Mais ce n'est une surprise pour personne... On ne sait jamais vraiment comment on va vieillir. Alors, quand la mère et le père d'Anne ont commencé à perdre petit à petit leur autonomie et à avoir des soucis de santé, la question des aides à domicile et d'un potentiel placement en maison de retraite s'est alors posée. "Avec mes trois frères et ma sœur, nous avons eu du mal à prendre des décisions et même à faire accepter à nos parents que des personnes extérieures allaient venir les aider pour le ménage, leurs médicaments", se remémore Anne. C'est à ce moment-là, sans qu'elle ne s'en rende réellement compte, que son rôle de proche aidant a commencé, avec la charge mentale qui va avec.
"On s'est relayés avec ma sœur le plus longtemps possible pour faire leurs courses, leur ménage, leurs lessives, planifier leurs rendez-vous médicaux, les emmener, gérer leurs démarches administratives. C'était très prenant et épuisant à force. Je n'arrêtais pas de m'inquiéter pour eux quand je n'étais pas là", souligne-t-elle. Et les inquiétudes ne se sont pas apaisées une fois Jean, 92 ans, (le père d'Anne et de ses frères et sœurs, ndlr) placé, suite au décès de son épouse. Pour son bien, la fratrie lui a trouvé une place dans une colocation pour seniors, à quelques kilomètres du domicile d'Anne. Une nouvelle étape pour la famille, mais surtout pour Anne qui a vu sa charge mentale évoluer.
"En plaçant mon père, je pensais pouvoir souffler, mais ce ne fut pas le cas. C'est peut-être un réflexe professionnel (Anne travaille dans le secteur médico-social, ndlr) mais là où il est, je remarque tout ce qui ne va pas. Je dois régulièrement passer derrière le personnel pour leur rappeler des consignes, comme le fait qu'ils doivent lui changer son pantalon, lui mettre ses bas de contentions, son dentier ou ses lunettes. Ce sont pleins de petits détails, mais c'est usant à force. Je sais aussi qu'il n'est pas assez stimulé malgré son grand âge", commente-t-elle.
Dans cette structure, elle doit également se charger de prendre les rendez-vous médicaux de son père et de prévoir leur règlement, d'aller à la pharmacie, de faire le lien entre les professionnels de santé et le personnel de la colocation. En cas de problèmes, c'est son numéro qu'on appelle en premier. Tout ceci à la longue joue sur le moral d'Anne, qui admet que ses frères ne sont pas autant impliqués, car ils habitent loin. "Ma charge mentale est différente aujourd'hui, je me fais toujours autant de soucis pour mon père, et ça, je ne pense pas que ça va changer...", conclut-elle.