Mortalité infantile : un taux en hausse qui inquiète

Depuis 2012, le taux de mortalité infantile, c'est à dire des enfants de moins de un an, ne cesse d'augmenter en France. Une tendance inquiétante, d'autant que les causes ne sont pas clairement identifiées.

Mortalité infantile : un taux en hausse qui inquiète
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Le taux de mortalité infantile en hausse depuis 2012

[Mise à jour le le 4 mai 2022 à 15h20]. Les chiffres sont parlants. Depuis une dizaine d'années, les décès des bébés de moins de 1 an augmentent à raison de 0,04 mort pour 1 000 naissances vivantes par an. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la France figurait parmi les pays les mieux positionnés en Europe, mais les chiffres de ces dernières années la relèguent dorénavant loin derrière. Ainsi, selon les données Eurostat, la France occupe la 25e place en Europe en ce qui concerne la mortalité infantile, avec 3,8 morts pour 1 000 naissances vivantes en 2019. Notre pays se trouve loin derrière la Suède, la Finlande, la Norvège et même l'Italie. Dans la revue The Lancet, des chercheurs ont  publié le 28 février dernier une étude, au travers des données d'état civil de l'Insee, mettant en évidence cette hausse constante du taux de mortalité infantile depuis 2012.

"On était parmi les meilleurs élèves pendant longtemps, puis la tendance s'est infléchie depuis 2005 et ça remonte de 2012 à 2019", note Martin Chalumeau, pédiatre et épidémiologiste. Ainsi, sur les 14.622.096 naissances vivantes enregistrées entre 2001 et 2019, les auteurs de l'étude enregistrent 53.077 décès de bébés âgés de moins d'un an. Ce qui correspond à un taux de mortalité infantile moyen de 3,63 pour 1.000 (contre 3,32 en 2012). 24,4% des décès ont eu lieu le jour de la naissance, et 47,8% des décès sont survenus durant la première semaine suivant la naissance (4 chez les garçons, et 3,25 chez les filles). "Si on avait le taux de mortalité de la Suède ou de la Finlande, il y aurait chaque année 1.200 décès d'enfants de moins de 1 an en moins", ajoute Martin Chalumeau qui s'inquiète de ces chiffres en hausse. 

Augmentation de la mortalité infantile : quelles sont les causes ?

Selon les auteurs de l'étude, il est essentiel de comprendre les causes de l'augmentation du taux de mortalité. Pour autant, les chercheurs manquent de données exploitables, notamment parce que les certificats de décès n'en mentionnent pas la cause. Plusieurs pistes sont alors évoquées et jugées plus que plausibles.

  • En premier lieu, il s'agirait de l'état de santé du bébé, avec les malformations congénitales, le poids à la naissance, ou même la prématurité qui pourraient être des facteurs liés à ces décès précoces.
  • Par ailleurs, l'état de santé (obésité, tabagisme, âge lors de la grossesse) de la maman est lui aussi appréhendé, tout comme son origine sociale.

Ces facteurs de risques sont en effet plus importants chez les femmes les plus précaires, notamment immigrées. "Les personnes immigrées peuvent avoir un accès aux soins plus difficile ainsi qu'un suivi de grossesse voire un état de santé globalement dégradés. Le département métropolitain qui connaît la plus forte mortalité infantile est aussi celui dont la population immigrée est la plus forte : la Seine-Saint-Denis", avait ainsi expliqué Magali Barbieri de l'Institut national d'études démographiques (Ined) à Libération en 2021. "Il est primordial de pouvoir explorer en détail les causes de cette augmentation en disposant par exemple d'informations systématiques sur les circonstances médicales et sociales précises de ces décès et en faisant de cette population, qui est la plus vulnérable, une réelle priorité de recherche et de santé publique, ce qui n'est pas le cas actuellement", conclut Martin Chalumeau.

Gynécologie, obstétrique, un secteur délaissé ?

Le nombre de maternités n'a eu de cesse de baisser en France, avec 221 fermetures entre 2000 et 2017. Pour autant, ce ne sont pas les fermetures d'établissements qui inquiètent le professeur Jean-Christophe Rozé, mais plutôt le manque de personnel qualifié dans les unités fonctionnelles :" il y a un lien très fort entre le nombre de patients soignés et la qualité des soins. Les unités de soins intensifs spécialisées dans la grande prématurité, plus ils font, mieux ils le font". De fait, mieux vaut prioriser la qualité des soins, avec plus de soignants, plutôt que son accès. De même, l'accompagnement des parents est à revaloriser d'urgence, avec un manque sévère de services de protection maternelle et infantile (PMI). Un réseau de proximité qui s'avère nécessaire dans le suivi médical des nourrissons.