E-éducation pour tous ?

Le gouvernement présentait il y a quelques jours 34 plans industriels censés relancer la nouvelle France industrielle. Parmi ces 34 mesures figure la e-éducation avec comme but affiché, la construction de «la France de la révolution pédagogique et de la transmission des savoirs pour le plus grand nombre.»

Le discours politique

Il semble traduire, dans les mots tout au moins, une prise de conscience : la technologie numérique modifie profondément le mode d'enseignement, tant dans la formation initiale que continue. La salle de classe n'est plus l'unique lieu d'apprentissage. Les cours à distance vont se multiplier et gagner en attrait. La e-éducation est une occasion de changer les relations parmi les acteurs de l'enseignement. Les enjeux ne sont pas uniquement pédagogiques. Interactivité, collaboration, participation et créativité riment avec économie : 91 milliards de dollars et une croissance annuelle estimée à + 23 % pour le e-learning d'ici 5 ans.

Au final, à l'instar du domaine énergétique, une transition est également nécessaire et la recherche d'un consensus entre les développeurs d'applications, les concepteurs d'objets connectés, les éditeurs de contenus, les enseignants, les syndicats, les parents, les étudiants et les élèves risquent fort de durer un moment. Dithyrambes ou cris d’orfraie, qu'importe les réactions convenues d'avance. Qui sera véritablement inclus dans ce «plus grand nombre ? »

Apprendre ici et là

L'école n'est pas l'unique lieu de savoirs. C'est une évidence. La famille, les amis, les bibliothèques et médiathèques, les centres d'activités sportives, les réseaux d'échanges de savoirs et autres nous permettent à tous d'acquérir de nouvelles connaissances et compétences. Et de fait, apprendre ne se limite plus à la période d'instruction obligatoire, entre 6 et 16 ans. L'apprentissage tout au long de la vie est un leitmotiv des grandes institutions telles l'UNESCO, l'OCDE et l'Union européenne qui le promeuvent régulièrement. La formation continue a donc le vent en poupe. Du moment que l'on a le bon profil professionnel et la capacité à naviguer dans les méandres administratifs des différents organismes concernés par le financement des formations. Encore faut-il aussi que tous ces organismes aient pris le train de la modernité et reconnaissent le e-learning comme une formation à part entière. Car au diable les plateformes d'enseignement à distance, les concepteurs de contenus pédagogiques et les innovations extraordinaires si l'administration reste bloquée et bloquante.

Le plus grand nombre moins quelques-uns

Le plus grand nombre d'individus a envie de savoir lire et écrire. Et compter aussi. Et de comprendre ce qui se dit autour de lui. Et d'être informé objectivement. Donc de savoir trier l'information. Et de se soigner en cas de besoin. Donc d'être capable d'exposer ses maux puis de comprendre le langage d'un professionnel de santé. De s'alimenter sainement, donc de lire et comprendre les étiquettes. De se déplacer, donc d'acheter un titre de transports et/ou de comprendre les panneaux indicateurs. Le plus grand nombre a envie que ses enfants soient plus éduqués que lui, de suivre, autant que faire se peut, leurs études, à quelque niveau que ce soit.

Quelques-uns, ici et là, sont néanmoins en grand nombre. Pourtant ils restent dans l'ombre de leur carence. Illettrés ou analphabètes, qu'importe pour eux la révolution numérique s'ils ne savent pas sur quelles touches appuyer pour être aussi branchés que le plus grand nombre. A ces nombreux quelques-uns, petites mains ouvrières de nos sociétés occidentales, nous devons aussi une part de cette e-éducation promise.



« Le but des institutions sociales en Utopie est de fournir d'abord aux besoins de la consommation publique et individuelle, puis de laisser à chacun le plus de temps possible pour s'affranchir de la servitude du corps, cultiver librement son esprit, développer ses facultés intellectuelles par l'étude des sciences et des lettres. C'est dans ce développement complet qu'ils font consister le vrai bonheur. » Si Thomas More, auteur de l'Utopie, publiée en 1516, vivait la e-éducation, que préconiserait-il ?