"Les femmes accouchent au bord de la route"

Face aux fermetures de maternités en France et à l'inquiétude des futures mamans sur le point d'accoucher, le gouvernement a émis des mesures pour mieux prendre en charge les femmes qui habitent à plus de 45 minutes d'une maternité. Ce n'est pas suffisant pour un maire, qui alerte sur le nombre grandissant de femmes enceintes qui n'ont pas le temps d'arriver à la maternité.

"Les femmes accouchent au bord de la route"
© 123RF / ferli

En France, on compte 498 maternité en 2019 contre 1747 en 1972. Le nombre de maternités diminue donc en France et certaines sont désormais remplacées par des centres de périnatalité. Concrètement, les accouchements n'y seront plus pratiqués, mais les futures mamans pourront continuer de s'y rendre pour leur suivi de grossesse. Les récentes mesures annoncées par le gouvernement ne sont pas suffisantes selon Jean-Louis Millet, maire d'une commune dans le Jura qui s'est exprimé sur les fermetures de maternité lors du congrès des maires de France. Il alerte les pouvoirs publics sur ces futures mamans qui donnent naissance à leur bébé dans leur voiture, en route pour la maternité.

Les femmes enceintes accouchent au bord de la route

Saint-Claude est une ville de montagne de taille moyenne dans le Jura. En 2018, l'Agence régionale de santé (ARS) a décidé de fermer les services de maternité, de pédiatrie et de chirurgie conventionnelle de l'hôpital local, une décision motivée par le manque de personnel, mais aussi, selon Jean-Louis Millet, à cause du fait que l'établissement perdait 3,7 millions d'euros par an. Le problème, c'est que les centres hospitaliers les plus proches sont éloignés. "Ces gens-là, maintenant, pour aller à l'hôpital de référence, doivent faire deux heures de route, voire deux heures et demi pour aller accoucher. C'est actuellement monstrueux. Nous sommes revenus au Moyen Âge sanitaire", s'est emporté le maire de la ville, lors du 102° Congrès de l'Association des maires de France (AMF). Pour lui, cette situation met en danger les patients, les femmes enceintes et leurs bébés à naître. "Nous avons maintenant des femmes qui accouchent au bord de la route. Les ambulances n'arrivent plus à temps, on s'arrête au bord de la route pour pratiquer l'accouchement", affirme Jean-Louis Millet."C'est déjà arrivé deux fois en six mois", a-t-il ajouté. Et la situation risque de s'aggraver alors que l'hiver arrive et que les routes sont parfois recouvertes par "40 centimètres" de neige.

Un forfait de transport et d'hébergement pour les futures mamans qui habitent loin

Face aux fermetures de maternités qui inquiètent les femmes enceintes sur le point d'accoucher, le gouvernement propose une nouvelle mesure : un forfait de transport et un hébergement hôtelier ou hospitalier sera suggéré aux femmes qui habitent à plus de 45 minutes d'une maternité, quelques jours avant le terme de leur grossesse. Cette nouvelle mesure vient d'être adoptée par l'Assemblée nationale ce 22 octobre, dans le cadre du projet de budget de la Sécurité sociale pour 2020. De quoi faciliter la prise en charge des futures mamans et surtout, les rassurer. En outre, cet mesure estimée à 10 millions d'euros la première année, devrait concerner près de 60 000 femmes enceintes.

Pourquoi les maternités ferment-elles ?

La maternité du Centre Hospitalier d'Oloron Sainte-Marie, a évolué fin 2017 vers un centre périnatal de proximité, appelé désormais le Centre Périnatal Oloronais de Proximité (C-POP). Même chose pour la maternité de Bernay, qui selon la Haute autorité de santé (HAS), ne correspond plus aux exigences de sécurité. "Nous prenons cette décision parce qu'aujourd'hui, la liste de gardes est insuffisamment robuste. Elle ne repose que sur un seul professionnel et des intérimaires" a déclaré la ministre de la Santé Agnès Buzyn lors d'une visite le 18 février 2019. Mais il s'agit avant tout de renforcer la sécurité des femmes sur le point d'accoucher. Dans un communiqué du 25 février, des anesthésistes, gynécologues, pédiatres et médecins généralistes rappellent que "la restructuration de l'offre dans ce domaine est une nécessité pour préserver la qualité et la sécurité des soins". En effet, "l'assouplissement des critères de sécurité, la baisse du niveau de qualification des acteurs, la multiplication des contrats de médecins remplaçants à la place d'équipes expérimentées, ne peuvent constituer des solutions pour maintenir des maternités qui ne répondent pas aux exigences de qualité/sécurité", ajoutent les spécialistes. En outre, la proximité n'est pas un gage de sécurité, estiment les professionnels de santé. En laissant ces petites maternités exercer, on risque de "mettre en danger les femmes qui viennent accoucher". Néanmoins, cette restructuration doit s'accompagner d'une analyse et de propositions pour améliorer les voies d'accès des futures mamans, "afin que le temps moyen n'augmente pas malgré les fermetures", précise le communiqué.

De manière générale, les sages-femmes sont plus nombreuses et plus accessibles en France, notamment grâce au développement des professions libérales. Entre 1999 et 2017, le nombre de sages-femmes libérales a augmenté de 15%, selon une étude de Drees publiée le 24 janvier 2019. Pour autant, certaines communes présentent des difficultés d'accès. "Près de 8,3 millions de personnes (dont 1,6 million de femmes âgées de 15 à 49 ans) résident dans une commune sous-dense en sages-femmes, soit dans l'une des 13 000 communes concernées environ", précise le rapport. En outre, 1,5% de la population habite à 45 minutes ou plus de la maternité la plus proche du domicile et 5,4% sont situées à une distance de 30 minutes. Par conséquent, les femmes enceintes qui cumulent un manque d'accès aux sages-femmes et un éloignement important entre leur domicile et la maternité, peuvent rencontrer "des difficultés de suivi de grossesse", précise la Drees.