"Maman, t'es gênante !" Voici la vérité cachée au fond des phrases que les ados balancent à leurs parents

Nos ados ne nous ménagent pas et leurs phrases parfois assassines nous déroutent, nous amusent et nous blessent parfois. Mais que cachent ces phrases en apparence anodines ? Les réponses de Vincent Joly, psychologue.

"Maman, t'es gênante !" Voici la vérité cachée au fond des phrases que les ados balancent à leurs parents
© jackf / 123

Même lorsque tout se passe bien, l'adolescence reste une période de grands bouleversements. Avec parfois des difficultés de communication importantes et l'impression de ne plus parler le même langage. Les disputes et les tensions sont plus fréquentes, avec d'un côté des ados en quête de liberté et de l'autre des parents parfois légèrement dépassés. Quant aux phrases balancées par les adolescents en claquant la porte, on aurait tort de les balayer d'un revers de la main. "Ces phrases en apparence anodines, dites sans réfléchir, sont finalement plus chargées de sens qu'un discours bien maîtrisé", confirme Vincent Joly, psychologue et thérapeute.

"Je n'ai pas tout mon temps comme toi", "J'ai jamais le droit de me détendre !"

La question du temps est par exemple centrale. Comme le rappelle le psychologue, les adultes eux-mêmes courent après le temps. Ils expriment leur fatigue, se plaignent de manquer de temps. "C'est donc un questionnement qui concerne aussi bien les ados que leurs parents", remarque Vincent Joly, qui rappelle également l'importance de la dimension physiologique. Prendre 10 cm par an, c'est épuisant ! "Les ados ont des besoins de sommeil très proches de ceux des enfants, mais les habitudes contemporaines d'un monde très stimulant (écrans, loisirs, etc.) ne sont pas compatibles avec ça", rappelle le psychologue. Il y a donc d'un côté les adultes harassés par les responsabilités, et de l'autre les ados qui grandissent et se sentent, eux aussi, pressurés par le quotidien. Finalement, tous aimeraient dormir plus et avoir du temps pour se détendre. Mais les parents estiment que leurs ados ont la vie douce, alors que ces derniers se sentent accablés de contraintes ! Un débat insoluble.

"On vit comme des pauvres", "Vous êtes radins !" 

"Certains ados sont pris par cette fascination contemporaine pour la réussite financière rapide. Il faudrait réussir vite, à n'importe quel prix", explique Vincent Joly. Les ados se positionnent par rapport à ce message, se jugent, et jugent leurs parents, à l'aune de cette morale. "Cet effet de comparaison est plutôt triste. Car il ne concerne pas seulement la réussite sociale, mais aussi l'image du corps", ajoute le psychologue. Et puis, comment comprendre qu'il faut travailler chaque jour pour obtenir un salaire, parfois se serrer la ceinture, alors que les influenceurs véhiculent sur les réseaux sociaux une tout autre philosophie ?

"Maman, t'es gênante !"

Que le parent d'ado qui n'a jamais entendu cette phrase lève la main. "L'adolescence est une période d'individualisation. On va petit à petit conquérir son autonomie et prendre de la distance avec le cocon familial", explique le psychologue. "On s'appuie sur un groupe de pairs tout en se distanciant des parents", ajoute-t-il. L'ado fait l'apprentissage des normes sociales, il cherche à plaire aux autres. Mais il se plaît aussi à raser les murs, à ne pas attirer l'attention, alors quoi de pire pour lui que de voir sa mère chanter à tue-tête lors d'une soirée, ou même tenter une blague lors d'un rendez-vous parents/profs !

"Tu ne penses qu'à toi"  

"C'est une phrase que les parents prononcent aussi", rappelle le psychologue. "Il y a souvent dans les familles cette mauvaise image d'égoïsme qui circule, et que chacun projette sur l'autre", ajoute-t-il.  Dur dur lorsque l'ado à qui ses parents consacrent beaucoup de temps estime tout à coup qu'ils sont égoïstes au prétexte qu'ils veulent parfois s'accorder du temps. "Il est important que les parents pensent aussi à eux, ne s'oublient pas", insiste Vincent Joly. Chacun doit avoir conscience de l'autre, sans l'utiliser comme un domestique.

Merci à Vincent Joly, psychologue et psychothérapeute.