Prostitution des mineurs : quel est le profil des 15-17 ans ?

En France, entre 7000 et 10.000 jeunes seraient concernés par la prostitution, principalement des jeunes filles de 15 à 17 ans. Le gouvernement lance une campagne nationale de sensibilisation intitulée "Je gère", pour alerter sur la réalité et les dangers de la prostitution des mineurs.

Prostitution des mineurs : quel est le profil des 15-17 ans ?
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Prostitution des mineurs en France : quels sont les chiffres ?

Les chiffres sont inquiétants. Entre 7000 et 10.000 jeunes seraient concernés par la prostitution en France, essentiellement des jeunes filles âgées de 15 à 17 ans, issues de tous les milieux sociaux. "Une évaluation approximative et probablement en deçà de la réalité", précise le gouvernement. Selon les acteurs institutionnels et les associations, "la prostitution des mineurs s'accroît et ne se réduit plus seulement à la traite de mineurs d'origine étrangère".

Je gère : la campagne de sensibilisation contre la prostitution des mineurs

Alors que le phénomène est en augmentation depuis 5 ans, Adrien Taquet, Secrétaire d'État chargé de l'Enfance et des Familles, lance une campagne nationale de sensibilisation pour alerter et prévenir le grand public sur la réalité et les dangers de la prostitution des mineurs. Le film met en scène une mineure, victime de prostitution, qui pense pouvoir "gérer" seule la situation, jusqu'à perdre pied. La lumière est faite sur la vulnérabilité des victimes et les dangers auxquels elles doivent faire face.

Prostitution des mineurs : facteurs, quels sont les profils des jeunes ?

Le groupe de travail s'est notamment intéressé aux différents éléments qui peuvent conduire un mineur à la prostitution. Les jeunes concernés présentent généralement "une personnalité vulnérable ou un terrain psychologique fragile qui s'explique par un événement traumatique (inceste, maltraitance, accident...) ou un cadre familial insécurisant (violences conjugales, alcoolisme, précarité...). Cela entraîne des carences affectives, un manque d'estime personnelle, une crédulité excessive ou un attrait pour les conduites à risques.", expliquait en novembre dernier Arthur Melon, secrétaire général de l'association Agir contre la prostitution des enfants (ACPE). C'est ensuite au contact d'une personne déjà initiée à la prostitution que la bascule va s'opérer, par exemple "un proxénète, un lover boy (garçon qui prostitue sa copine) ou encore, une amie de collège."

Par ailleurs, chez les jeunes filles âgées de 15 à 17 ans, les mineures les plus favorisées ne sont pas à l'abri. "Elles évoluent dans un contexte culturel où de nouvelles icônes "pop culture" ou certaines émissions de téléréalité, dans lesquelles les jeunes femmes ne sont valorisées que pour leur apparence physique, font office de référence. Alors que de nombreuses célébrités exposent leur vie privée sur les réseaux sociaux, les adolescent(e)s qui procèdent de même et mettent en avant leur intimité dans une relation de séduction peuvent se retrouver en difficulté pour identifier les limites à poser" analyse le rapport. En outre, "les faits de prostitution
surviennent majoritairement dans un contexte de fugue,
qui semblent être un recours privilégié par ces mineurs pour sortir de la passivité dans laquelle les ont plongés les événements", explique le gouvernement.

Parmi les autres facteurs qui entraînent les ados dans la prostitution ? La "mauvaise rencontre" qui fait tomber une mneure sous le charme de son "petit ami", qui s'avèrera par la suite être son proxénète. Le gain d'argent facile est également une motivation pour ces jeunes notamment lorsqu'ils se retrouvent par exemple dans une situation de précarité suite à une fugue. "Cependant, la stratégie des proxénètes concernant la répartition des gains est souvent la même : après avoir partagé l'argent reçu de la prostitution, le proxénète
confisque brutalement la rémunération",
précise le rapport.

13 actions pour lutter contre la prostitution des mineurs

En novembre 2021, le gouvernement a lancé un vaste plan de lutte interministériel contre la prostitution des mineurs qui s'articule autour de 13 actions concrètes avec un engagement financier de 14 millions d'euros.. Ces actions s'articulent autour de quatre priorités : "sensibiliser, informer et mieux connaître", renforcer le repérage", "accompagner les mineurs en situation prostitutionnelle" et enfin "poursuivre et réprimer plus efficacement" les clients et proxénètes qui nourrissent ce phénomène. 

  • Créer sur l'ensemble du territoire des espaces d'information et d'échange à destination des mineurs et de leur famille, avec notamment la mise en place d'une plateforme d'écoute unique à l'attention des mineurs et des adultes confrontés à un phénomène de prostitution infantile
  • Déployer la recherche pour mieux comprendre le phénomène
  • Développer une campagne de sensibilisation grand public, qui sera lancée au premier trimestre 2022 à destination des enfants et des adultes.
  • Développer la formation des professionnels, avec l'objectif de créer une culture commune du repérage et de l'accompagnement chez les professionnels confrontés à la prostitution infantile.
  • Améliorer le repérage et le signalement des mineurs en situation prostitutionnelle,  dans les établissements scolaires, les lieux de santé, dans les hôtels et sur les plateformes d'hébergement locatif et dans la rue.
  • Agir sur les réseaux sociaux : le plan prévoit notamment le financement de maraudes numériques pour repérer les mineurs concernés et les orienter vers les services partenaires compétents mais aussi améliorer la modération et le signalement des situations prostitutionnelles susceptibles de concerner les mineurs.
  • Optimiser la prise en charge des fugues par les professionnels, mise en place dans les commissariats et gendarmeries d'un accueil et d'un traitement prioritaire des fugues laissant présager une situation prostitutionnelle.
  • Reconnaître aux mineurs en situation prostitutionnelle le statut de mineur en danger relevant du champ de la protection de l'enfance
  • Créer un dispositif d'accompagnement et/ou d'hébergement dans chaque département pour protéger les mineurs victimes de prostitution
  • Garantir aux mineurs victimes de prostitution un parcours de soins personnalisés dans le cadre du déploiement du réseau des Unités d'Accueil Pédiatrique-Enfance en Danger (UAPED)
  • Faciliter les poursuites judiciaires, avec notamment la désignation d'un magistrat référent dans chaque tribunal.
  • Renforcer la mobilisation des services d'enquête dans le domaine de la cyber-criminalité
  • Formaliser la coopération judiciaire auprès des plateformes d'hébergement locatif

Les réseaux sociaux en cause dans la prostitution des mineurs ?

En 2021, le premier rapport pointait également  la responsabilité des réseaux sociaux dont "les usages et mésusages" jouent "une place importante dans le développement de nouvelles formes de prostitution". "Les réseaux sociaux constituent un amplificateur du système prostitutionnel. L'utilisation des outils numériques peut augmenter certains risques, notamment le chantage après détention de " nudes", précise le rapport. Ce document alerte aussi sur la difficulté pour les mineurs qui se prostituent de réaliser qu'ils sont des victimes. "Beaucoup d'adolescentes disent avoir fait le choix de la prostitution et ne pas le subir. Elles emploient d'ailleurs souvent pour en parler les termes de michetonnage ou d'escorting qui, pour elles, ont une valeur plus positive. Elles exposent leur activité en utilisant le vocabulaire du monde du travail (bosser, contrat, recrutement, entretien d'embauche…)", détaille le groupe de travail qui alerte pourtant sur la nécessité de "pouvoir nommer les choses avec exactitude pour éviter que la réalité de la prostitution soit occultée."

Prostitution d'un mineur : que faire, qui contacter ? 

Si vous êtes témoin d'un enfant en danger, ou que vous avez des doutes, vous pouvez contacter les services de votre département à savoir l'Aide sociale à l'enfance (ASE) ou la cellule de recueil des informations préoccupantes (Crip) et/ou les associations spécialisées. Vous pouvez également composer le 119-Enfance en danger, ouvert 24h/24, 7 jours/7, gratuit et confidentiel.