Reportage en Italie, dans l'unique usine de recyclage des couches bébé

Que deviennent les couches usagées lorsqu'elles sont recyclées ? A Trévise, près de Venise, une technologie unique au monde permet de séparer les matériaux qui composent les couches pour bébés, pour les réutiliser ensuite. Immersion dans cette usine italienne respectueuse de l'environnement, qui devrait se développer à travers le monde dans les prochaines années.

Reportage en Italie, dans l'unique usine de recyclage des couches bébé
© ysuel-123rf

En France, 11 millions de couches sont utilisées chaque jour puis incinérées. Cela représente près de 3,5 milliards par an, et il faut compter 400 ans avant qu'elles puissent se dégrader. Ces déchets quotidiens ne sont pas sans conséquence pour la planète. En France, "Les Couches Fertiles" ont déjà commencé à composter les couches pour bébés, et certaines crèches expérimentent ce dispositif. Mais jusqu'à présent, aucune technologie ne permettait de recycler l'intégralité d'une couche. A Trévise, en Italie, l'usine Fater, née de la joint-venture entre Procter & Gamble (couches Pampers) et le groupe Angelini, a mis au point une technologie de pointe, qui permet de recycler tous les composants des produits super-absorbants (plastique, cellulose et polymère super-absorbant) telles que les couches bébé et les serviettes hygiéniques. 

En quoi cette technologie est-elle unique au monde ?

Il s'agit de la seule usine capable de nettoyer, désinfecter, sécher et séparer tous les matériaux qui constituent une couche, sans qu'aucune personne n'ait besoin de les toucher (raisons sanitaires oblige !). Un camion dépose les déchets et les machines s'occupent du reste jusqu'à l'obtention de matières pures, pouvant être réutilisées, et revendues. A l'origine de ce projet : Marcello Somma, directeur R&D de Fater. Il aura fallu 10 ans à cet ingénieur chimique pour mettre au point cette technologie qui possède à ce jour 140 brevets. L'objectif de cette usine lancée en octobre 2017 : étendre ce projet à d'autres pays, d'ici 2021 dans trois villes européennes, dont l'Ile-de-France, mais aussi Amsterdam et le Royaume-Uni. D'ici 2030, 10 villes à travers le monde pourraient suivre le pas.

Marcello Somma, directeur R&D de Fater © Elodie B.

Que deviennent les couches pour bébés une fois recyclées ?

L'usine Fater parvient à récolter 10 000 tonnes de couches et de serviettes hygiéniques chaque année. Ainsi, "avec une tonne de couches, on parvient à extraire 150 kg de cellulose, 75 kg de plastique et 75 kg de super-absorbant. Et si les 700 kg restants sont des déchets organiques, le recyclage reste la meilleure option pour la planète par rapport à l'incinération des couches", précise au Journal des Femmes Riccardo Calvi, responsable de la communication de Fater et P&G en Italie. 

  • le cellulose recyclé permet de fabriquer des meubles, des cartons, des litières pour chat, "La cellulose, une fois blanchie, est mille fois plus pure que le lait pour bébé, car les critères sanitaires sont très élevés" assure le spécialiste.
  • le plastique se transforme en bouchons pour les bouteilles, sert à afficher les étiquettes de prix dans les supermarchés, à créer des aires de jeux pour les enfants, des pinces à linge...
  • Quant aux super-absorbants, ils peuvent être de nouveau utilisés, ou servir dans les produits de jardinage. "Un gramme de superabsorbant peut absorber jusqu'à 0,5 litre d'eau", explique Marcello Somma.
Le plastique provenant des couches, une fois recyclé © Elodie B
Le cellulose, une fois recyclé, servira à fabriquer des cartons © Elodie B
Les super-absorbants servent aux produits de jardinage © Elodie B
Le recyclage des couches permet notamment de créer des jouets pour bébés © Elodie B

Comment les couches pour bébés sont-elles collectées ?

"En Italie, 14 millions de personnes ont accès au système de tri des couches", précise Marcello Somma. Ainsi, plusieurs méthodes sont utilisées pour récupérer les couches usagées : le porte à porte, ou les poubelles spéciales placées dans les villes qui permettent aux parents de prendre part au recyclage. A Amsterdam et à Vérone notamment, une poubelle intelligente appelée la Fater Smart Bin est expérimentée. Le concept ? Cette benne à ordure connectée via une application permet aux parents d'apporter leurs couches usagées. Une fois les consommateurs identifiés grâce à leur smartphone, la poubelle s'ouvre automatiquement et ces derniers reçoivent en échange des bons d'achat pour l'achat des prochaines couches Pampers par exemple. En outre, cette application permet de se rendre compte du nombre d'arbres sauvés par cette action écologique.

Les poubelles intelligentes Smart Bin sont expérimentées à Amsterdam © Fater Smart

Comment les couches sont-elles recyclées ? Les étapes :

Le stockage des déchets

Les camions provenant du service de collecte déchargent les couches usagées qui arrivent dans des sacs plastiques fermés sur un tapis roulant. Les déchets arrivent alors dans une chambre de stockage, conçue pour réduire autant que possible la dispersion des substances odorantes.

Le tapis roulant par lequel arrivent les couches usagées © Elodie B

L'autoclave, pour nettoyer et désinfecter les couches

Les couches sont ensuite transportées de la chambre de stockage vers l'autoclave (un réservoir métallique) qui combine une rotation à haute pression, et une température générée par de la vapeur. Cette action permet d'ouvrir les sacs de couches, de nettoyer et désinfecter complètement les différentes matières pour réduire tout risque de contamination, et ce, sans utiliser de réactifs chimiques. Par ailleurs, l'eau usée issue de cette étape est stockée dans une unité afin d'être dirigée vers un centre de traitement des eaux à proximité de l'usine.

Broyeur, séchoir et séparateur

Après le traitement dans l'autoclave, les couches sont envoyées vers des broyeurs pour ensuite passer aux séchoirs et séparateurs. Un bon chauffage permet de garantir une séparation optimale des matières. Des capteurs infrarouges permettent de déterminer les différentes matières pour séparer la cellulose et les polymères superabsorbants du plastique, tandis qu'une autre machine sépare ensuite la cellulose des polymères superabsorbants.

© Elodie B

L'extrudeuse

Après un broyage, le plastique est envoyé vers une extrudeuse qui agglomère et extrude cette matière. Le produit final est un plastique uniforme, fondu-filtré. L'usine Fater reçoit chaque jour des couches à recycler. "Il faut compter environ 5 heures pour un cycle de recyclage, pour 1500 kg de traitement", précise le porte-parole de l'usine.