LES CHOSES QU'ON DIT, LES CHOSES QU'ON FAIT : 3 bonnes raisons d'aimer

Labellisé Cannes 2020, "Les Choses qu'on dit, les Choses qu'on fait" est probablement l'oeuvre la plus aboutie et déchirante d'Emmanuel Mouret. Avec sensibilité, le cinéaste nous convie à un ballet des sentiments où rien n'est laissé au hasard. Coup de coeur.

LES CHOSES QU'ON DIT, LES CHOSES QU'ON FAIT : 3 bonnes raisons d'aimer
© Pyramide Distribution

Une écriture fabuleuse

D'Un baiser s'il vous plait (2007) à Caprice (2014) en passant par Mademoiselle de Joncquières (2018), le cinéma d'Emmanuel Mouret est tatoué par le sentiment amoureux, le marivaudage et ce goût prononcé pour les mots. Ses dialogues, ciselés, s'apparentent à des partitions qui, sortis de la bouche des personnages, délivrent d'entêtantes mélodies. La trame des Choses qu'on dit, les Choses qu'on fait est conçue dans ce sens, à l'image d'un ballet, d'une chorégraphie qui commence par la rencontre, à la campagne, entre Daphné (Camelia Jordana), enceinte de trois mois, et Maxime (Niels Schneider), son beau-frère. Ces deux ne se sont jamais vus. En attendant le retour de son mari (Vincent Macaigne), la première va se livrer au second. Et réciproquement. Commence dès lors une ronde des coeurs, d'où vont émerger d'autres personnages.

Des amours du passé et du présent pareils à une caisse de résonance. Mouret opte pour une écriture en entonnoir, claire et ludique, où chaque sentiment s'agglomère au suivant, où chaque histoire s'accroche à une autre, au point de former un seul bloc de passion que l'on prend en plein visage.   

Un casting inspiré

L'harmonie de la mélodie que joue Les Choses qu'on dit, les Choses qu'on fait n'aurait probablement pas été aussi élévatrice sans le concours d'un casting de très haute volée. D'ailleurs, Emmanuel Mouret cite Jean Renoir à cet effet, estimant qu'une distribution constitue 80% de la direction d'acteurs.

Avec à ses côtés Camelia Jordana, Niels Schneider, Vincent Macaigne, Emilie Dequenne, Jenna Thiam, Guillaume Gouix ou Julie Piaton, il bénéficie de comédiens inspirés, en pleine possession de leur talent et en symbiose totale avec le tempo de l'entreprise cinématographique. Ces derniers se meuvent parfaitement à l'écran, s'épanouissant dans des plans-séquences bien pensés, où les mots chorégraphient le mouvement. Ils esquissent des héros qui se laissent volontiers porter par leurs désirs et leurs impérieuses tergiversations. Mouret les observe sans jamais les juger ou les mettre face à leurs contradictions.

Niels Schneider et Guillaume Gouix dans "Les Choses qu'on dit, les Choses qu'on fait". © Pyramide Distribution

Tous ces différents personnages sont justement touchants parce qu'ils sont beaux et que, même dans leur lâcheté ou leur passivité, ils parviennent toujours à rester aimables sous l'oeil attentionné et bienveillant du cinéaste. Un exercice d'équilibriste, en somme.

Une inconstance célébrée

Pour Emmanuel Mouret, un des grands pièges aurait été de se vautrer dans des justifications "psychologisantes", qui viseraient à apposer une conclusion définitive, voire même péremptoire, sur le sort et les décisions de ses protagonistes. A l'horizon de son oeuvre : aucune réduction, aucun tracé facile.

Les imbroglios des histoires de coeur ne sont qu'un miroir qu'il nous tend, qu'il retourne vers une époque de l'inconstance, du balbutiement, du oui-non. Des hésitations que le metteur en scène met en lumière au lieu d'encapsuler, qu'il cherche à comprendre au lieu de condamner.

Et si nous étions un peu plus indulgents à l'endroit de nos erreurs, de nos trébuchements ? Et si nous n'étions pas obligés de taire, de dompter ou de saper la violence de nos désirs ? C'est, en substance, ce que le film lance aux spectateurs, célébrant, malgré la douleur que cela implique, la tempête des désirs contraires, ceux qui forgent les histoires, les déconvenues comme les éclats.

Aucun doute : Mouret est l'ambassadeur cinématographique actuel du sentiment amoureux. Nouvelle preuve en est avec cette nouvelle variation, cette représentation juste et idoine qui en résume sa complexité.

"Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait // VF"