TOUT PEUT CHANGER : 3 questions à Iris Brey

En salles le 19 février, le documentaire "Tout peut changer, et si les femmes comptaient à Hollywood ?" de Tom Donahue épingle l'industrie du cinéma sur ses manquements et son sexisme endémique. Le Journal des Femmes fait le point avec la journaliste Iris Brey, spécialiste sur cette question.

TOUT PEUT CHANGER : 3 questions à Iris Brey
©  The Walt Disney Company France

Meryl Streep, Geena Davis, Natalie Portman, Chloe Grace Moretz... Dans le documentaire Tout peut changer, et si les femmes comptaient à Hollywood ? de Tom Donahue, de nombreuses actrices, réalisatrices ou productrices prennent la parole pour dénoncer un système hollywoodien fondé sur un puissant patriarcat. Leurs témoignages, tour à tour glaçants et édifiants, éclairent sur des mécanismes séculaires qui ont encore pignon sur rue. A l'occasion de sa sortie en salles le 19 février, le Journal des Femmes a interrogé la journaliste Iris Brey, spécialiste de la représentation du genre au cinéma et dans les séries, auteure notamment du livre Le Regard féminin - Une révolution à l'écran (Ed. de l'Olivier) paru le 6 février.

"Une mère incroyable // VOST"

En 2020, quel est l'état de la représentation des femmes au cinéma ?
Iris Brey : 
Leur place est très largement minoritaire. En France, on compte seulement 19% de réalisatrices pour l'année 2019. Aux Etats-Unis, sur les 100 films qui ont généré le plus d'argent au box-office, il n'y a que 10% de femmes derrière la caméra. Autant vous dire qu'on est loin de la parité. Il existe un système au sein duquel elles ont moins la possibilité de mettre en scène et de porter un projet que les hommes. Cela relève notamment de stéréotypes de genre qui font qu'elles n'ont pas accès facilement à des postes de pouvoir. Il y a aussi ces problématiques sous-jacentes et inconscientes entre les femmes et l'argent, entre les femmes et le pouvoir. Il faut savoir qu'on donne moins d'argent aux réalisatrices qu'aux réalisateurs, et que leur salaire est 41% moins élevé que celui de leurs homologues masculins. On est donc face à des inégalités salariales et budgétaires criantes. 

En quoi un documentaire tel que Tout peut changer, et si les femmes comptaient à Hollywood ?  peut-il aider ? 
Iris Brey : J'ai vu et beaucoup aimé ce documentaire. C'est génial de voir ce casting extraordinaire composé des femmes les plus puissantes de Hollywood. Lesquelles prennent la parole en devenant littéralement des agents sociaux qui font bouger les lignes de notre société. Tout ça est beau, je trouve ! Il s'agit d'une oeuvre nécessaire puisqu'elle met en lumière les mécanismes de domination qui régissent le cinéma. Mais le sujet est en réalité bien plus global : on parle en effet de discrimination et d'inégalités. En France, on a en tout cas un wagon de retard sur ces questions. On a besoin que beaucoup plus de visages connus s'en emparent et s'impliquent. Isabelle Adjani l'a fait récemment mais ce n'est pas encore suffisant. Je crois que ça serait aussi super qu'un acteur bankable s'exprime sur ce sujet. Contrairement à chez nous, les comédiennes américaines sont souvent productrices. Elles ne sont donc pas à la merci d'un producteur et ont moins à perdre en témoignant. Mais je suis confiante... Avec le collectif 50/50, le vent tourne. La prise de conscience se généralise, on va vers plus d'égalité et on le voit d'ailleurs avec la récente démission collective de l'Académie des César.

Quelles mesures concrètes faut-il pour que les choses évoluent dans le bon sens ?
Iris Brey : 
L'essor de Time's Up et #MeToo peut changer les choses. Ces mouvements ont prouvé le manque de parité dans ce secteur. Il faut des discours plus politisés, plus forts, qui puissent avoir une influence profonde sur notre manière de vivre. Il est également primordial d'avoir une éducation à l'image qui soit mise en place autour des stéréotypes de genre dans les fictions. Tout ça doit passer par le collège et le lycée. L'éducation nationale doit intervenir. Si j'étais face à des politiques, je leur soumettrai cette idée. Je pense également qu'il faut une éducation sur les violences faites aux femmes.