Chômage, dépression, suicide : la vie pro, victime collatérale du Covid-19

Confinement oblige, la France vit au ralenti. Une situation qui affecte durablement le travail et la santé mentale de millions de Français. En marge de la courbe des contaminations, une autre, plus discrète, menace de se dessiner: celle des dépressions et des suicides des (télé)travailleurs français.

Chômage, dépression, suicide : la vie pro, victime collatérale du Covid-19
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Perte d'emploi, maladies, suicides… Les conséquences du Covid-19 ne se comptent pas qu'en nombre de contaminations. Interrogés par l'AFP, de nombreux acteurs du monde de la santé au travail alerte sur les risques "dévastateurs" qui pèsent sur la santé globale des professionnels français induits par les mesures de confinement.

"Tous les voyants sont au rouge, débute Xavier Alas Luquetas, psychothérapeute et cofondateur du cabinet Eléas, spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux. Les gens sont sortis du premier confinement épuisés, avec une pression réelle de beaucoup d'entreprises et parfois des travailleurs eux-mêmes pour mettre les bouchées doubles. Beaucoup n'ont plus de ressources pour vivre un deuxième confinement". Avant même que ce dernier ne débute, l'INSEE prévoyait 730 000 destructions d'emploi en 2020 en France. Une situation dramatique qui a déjà entraîné l'appauvrissement d'un quart des ménages français. Un chiffre qui pourrait croitre dans les prochaines semaines à mesure que le confinement s'éternise.

Une dégradation générale de la santé des travailleurs

Isolement, insécurité, usure ou encore hyperstress… Les conséquences se font d'ailleurs déjà sentir dans les rangs des travailleurs français. Interrogée par l'AFP, Marie Pezé, docteur en psychologie responsable du réseau national de consultations de souffrance au travail, constate chaque jour "une dégradation générale de la santé" de ses patients, allant d'une simple "très grande fatigue" à des "décompensations psychiatriques en mode délirant".

Une observation qui n'étonne pas Jean-Claude Delgènes, économiste et directeur général du cabinet de prévention des risques professionnels Technologia, qui complète: "Ca génère une très grande anxiété, un sentiment d'impuissance et de fatalité qui peuvent conduire à une spirale connue: ruine, divorce, dépression, suicide".

Et toutes les catégories socio-professionnelles seraient concernées.

Créée en 2013, l'association Apesa chargée d'apporter un soutien psychologique aux chefs d'entreprises, constate une "hausse de 40 % des prises en charge" entre janvier et octobre, par rapport à l'année dernière.

Tandis que côté salarié, l'isolement lié au télétravail représente un risque "majeur", selon les analyses concordantes de Xavier Alas Luquetas et Jean-Claude Delgènes.

Un risque de suicide chez les chefs d'entreprises, chômeurs, et artisans-commerçants

Une enquête menée sur une population de 2 000 personnes diligentée par l'IFOP pour l'Institut Jean-Jaurès met cependant en avant trois catégories socio-professionnelles présentant un risque plus important de suicide. Sans surprise : il s'agit des chefs d'entreprise, qui sont 27 % à avoir eu une intention réelle de se suicider en 2020, des chômeurs (27 %) et des artisans-commerçants (25 %). "Cette proportion représente le taux le plus élevé de notre enquête et donne à voir la gravité particulière de ces situations qui devraient alerter les pouvoirs publics", soulignent Michel Debout, professeur de médecine légale et de droit de la santé, membre de l'Observatoire national du suicide et Jérome Fourquet de l'IFOP - les auteurs de l'enquête.

Les jeunes, particulièrement à risque 

Des cas de figure particulièrement rencontrés dans la population jeune. 33 % des moins de 35 ans disent avoir déjà envisagé une tentative de suicide. Un chiffre qui a grimpé de neuf points par rapport à 2016.

Selon Jérôme Fourquet et Michel Debout, cette situation dramatique serait notamment due aux "difficultés d'insertion professionnelle et sociale, de formation" auxquelles ils font face. Un panel de chiffres inquiétants qui doit nous faire comprendre, selon les auteurs, "que la crise est devant nous".

"Toutes les études montrent que les effets suicidaires des crises se font sentir dans un délai de plusieurs mois, voire quelques années", ont-il ajouté.

Espérons qu'il ne s'agisse pas là de la fameuse troisième vague.