Liv Sansoz, championne du monde d'escalade : "Il faut accepter que si on fait une erreur, on peut mourir"

Liv Sansoz est devenue double championne du monde d'escalade en 1997 et 1999. Après s'être retirée de la compétition, la grimpeuse a parcouru les montagnes d'Europe et témoigne aujourd'hui du changement climatique.

Liv Sansoz, championne du monde d'escalade : "Il faut accepter que si on fait une erreur, on peut mourir"
© Liv Sansoz lors d'une ascension par Aurelie Gonin

Née à Bourg-Saint-Maurice en Savoie, Liv Sansoz est tombée amoureuse de la montagne très jeune. Celle qui accompagnait son père chaque semaine lors de ses sorties en ski de randonnée avec du matériel fabriqué à la main est devenue championne du monde d'escalade, puis guide de haute montagne. Récit d'une vie faite d'aventure et d'engagement.

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Liv Sansoz - Sea to Summit © Aurelie Gonin

Après s'être inscrite dans un club d'escalade, et alors qu'elle n'a que 14 ans, Liv Sansoz réalise l'ascension du Mont Blanc avec son père. Le lendemain, la jeune fille dispute les championnats de France minimes d'escalade. À peine redescendue sur la terre ferme, Liv Sansoz supplie ses parents pour qu'ils lui installent un mur d'escalade dans son grenier. Touchés par sa motivation et par sa passion, ils n'ont pas d'autres choix que d'accepter. Très bien classée à la coupe du monde d'escalade en Bulgarie où elle termine quatrième, Liv Sansoz intègre l'équipe de France senior. "J'ai été très marquée par ma victoire lors de mes premiers championnats du monde senior, en 1997 à Paris. Il y avait énormément de pression, c'était vraiment dur sur le plan mental. J'étais très fière", se remémore la grimpeuse. Mais ce n'est pas le seul moment fort de sa carrière de haut niveau. "J'ai gagné mes deuxièmes championnats en 1999. J'étais dans un "état de grâce" où je ne sentais plus la douleur et la fatigue. Je suis allée puiser à l'intérieur de moi-même. C'était une sensation hors du temps.".

De championne à guide de haute montagne

Après son parcours de compétitrice, la double championne du monde éprouve le besoin de revenir à son premier amour, la montagne. Entre 2017 et 2018, elle se lance dans l'ascension des 82 sommets de plus de 4 000 mètres des Alpes. Un projet né d'un besoin de retour aux sources. "Je me suis demandée pourquoi je parcourais le monde pour découvrir les montagnes, au lieu de passer du temps à découvrir celles qui sont proches de moi". Avec une vingtaine de compagnons-es de cordée, Liv Sansoz parcourt la France, l'Italie et la Suisse pendant deux ans. "Ce n'était pas un projet de vitesse, mais une envie d'associer toutes les disciplines que je pratiquais : le ski, le parapente…", explique-t-elle. À son retour d'expédition, la championne est prête à entamer sa nouvelle carrière, celle de guide de haute montagne.

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Liv Sansoz à Eperon le 22 juin 2017 © Aurélie Morrison

Avec un palmarès comme le sien, on pourrait croire que la guide est une accro à l'adrénaline. Mais il n'en est rien. "Je ne recherche absolument pas le danger."  Comme elle le rappelle si bien, son métier consiste justement à "annuler les dangers". "En montagne, on va tomber sur un passage dur où il faut prendre sur soi. Il faut accepter que si on fait une erreur, on peut mourir, mais il ne faut pas rechercher à se mettre en danger exprès." Mais attention, cela ne veut pas dire que Liv Sansoz se met des barrières. Lorsqu'elle a un objectif en tête, rien ne peut l'arrêter. "Mon seul but, c'est de vivre quelque chose de fort avec mes collègues de cordée", confie-t-elle.

"J'ai eu la chance de me sentir soutenue par les hommes"

Souvent la seule femme dans des équipes d'hommes, Liv Sansoz reconnait qu'elle a été un cas à part. "J'ai eu la chance de me sentir soutenue par les hommes autour de moi. Ils mettaient autant d'attention sur moi que les autres." Mais alors que les femmes ne représentent que 2 % des guides de haute montagne, Liv Sansoz a, elle aussi, déjà eu l'impression de devoir en faire plus pour gagner la confiance des hommes. "Mais leur avis ne m'importe pas. Ce qui compte, c'est moi, mon objectif, ce que je veux", affirme-t-elle.

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© Liv Sansoz

Engagée pour l'environnement

Amoureuse de la montagne, Liv Sansoz est aussi un témoin du changement climatique. "La montagne est un environnement fragile, il faut le protéger. Je vois la montagne se dégrader." Investie, la grimpeuse raconte longuement les éboulements massifs auxquels elle assiste régulièrement, et garantit que l'épaisseur des glaciers diminue à vue d'œil. "Il faut que l'on agisse", insiste-t-elle, consciente de sa position délicate. "Je voyage encore pour des projets, mais j'ai réduit mes déplacements en avion pour en faire un tous les 2 ou 3 ans." Sans vouloir jouer les mères la morale, Liv Sansoz prend tout de même le temps de sensibiliser les grimpeur-euse-s qu'elle guide. "Certaines personnes sont choquées et se rendent compte, mais d'autres ne réagissent que très peu. Je ne suis pas là pour donner de leçons, mais j'explique, je transmets ce que je sais…"