Rich Kids of Tehran : le compte Instagram ostentatoire d'une jeunesse dorée menottée

Alcool, drogue et mini-jupes en République Islamique ? Oui, mais pas pour tout le monde. Le compte Instagram Rich Kids of Tehran a tenté de prouver qu'il fait bon vivre en Iran, surtout lorsqu'on est "bien né".

Entre dentelles et tchadors, la différence vaut de l'or. A l'instar des pays en voie de développement, le clivage entre les riches et les pauvres se fait sentir côté persan. Cette fois-ci, ce ne sont pas des jeunes en quête de liberté qui ont fait parler d'eux sur Internet, mais  une jeunesse iranienne privilégiée qui a étalé ses richesses sur un compte Instagram, "Rich Kids of Tehran", créé le 13 septembre. "Voici Téhéran City... Le vrai Téhéran dont vous n'entendez pas parler", a témoigné l'une de ces Iraniennes décomplexée et bien lotie sur le compte outrancier. Avec ses 90 000 followers, le site a vu défiler des milliers de photos de bombes iraniennes qui ont fait tomber le voile (au risque de lourdes peines de prison), de jeunes hommes musclés à souhait tenant une go-pro d'une main et le volant d'une Mercedes décapotable de l'autre, d'hôtels et de villas toutes plus luxueuses les unes que les autres... Ces jeunes "fils et filles de" se sont battus virtuellement pour avoir le meilleur cliché pouvant montrer au monde que l'Iran ne rime pas avec mollah. Serait-ce la volonté de s'émanciper d'un quotidien lourd à porter qui les cantonne à un monde superficiel, bien protégé dans une prison dorée ? Depuis la révolution islamique de 1979, les deux ayatollahs ont tenté de mener à bien la "purification" des symboles occidentaux de leur pays. Alors, forcément, les autorités iraniennes se sont pressées de bloquer la page des "enfants aisés de Téhéran" où l'alcool coule à flot et la sexualité est assumée.
La pauvreté discriminée. Le compte Instagram n'a pas seulement dérangé les mœurs de l'Etat islamique, mais a aussi choqué de nombreux internautes, notamment localement où d'autres Iraniens n'ont pas hésité à créer le compte "Poor Kids of Tehran", la vraie jeunesse de la capitale, appauvrie et travailleuse. Après un bon nombre de critiques virulentes, l'administrateur de "Rich Kids of Tehran" a tenté d'éclaircir son intention initiale. "Nous ne souhaitions d'aucune manière marquer une différence entre les riches et les pauvres. Le Moyen-Orient reçoit toujours de mauvaises publicités et nous souhaitions simplement montrer que Téhéran n'était pas comme cela. Cette page n'est pas du tout politique et nous n'avions aucune mauvaise intention", s'est-il excusé sur le compte qui a vu naître le buzz. A visage découvert, ces jeunes Iraniens ont essayé d'apporter, presque naïvement, leur témoignage d'enfants gâtés sur la Toile. Malgré tout, l'or ne vaut rien dans un Etat cadenassé où la liberté ne s'achète qu'en apparence et ne se savoure qu'en secret.

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"Rich Kids of Tehran" est un compta Instagram illustrant la vie de la jeunesse doré de Téhéran © Capture Instagram