Travailler en musique : pour ou contre ?

Aujourd'hui, de plus en plus de personnes écoutent de la musique au travail, mais est-ce productif ou contre-productif ?

Plus de cent ans après la création des premiers écouteurs par Nathaniel Baldwin (vendus à la marine américaine) et près de 35 ans après l'arrivée du premier walkman, l'utilisation du casque et des écouteurs s'est démocratisée, jusqu'à notre lieu de travail. Aujourd'hui, on peut se plonger dans sa propre playlist customisée ou s'isoler de ses collèges de bureau lorsque l'on est en open-space.

La station de radio Rougefm a même créé une émission "La musique au travail", et sur internet, on ne compte plus les playlists "Work". Toutefois, les musiques ne se valent pas toutes lorsqu'il s'agit de travailler, alors comment choisir la playlist la plus adaptée ?

Selon la musicothérapeute et professeur au département de musique de l'UQAM Debbie Carrol, écouter de la musique est devenu un geste quotidien qui fait "la promotion d'un état positif". De ce fait, "il est donc logique d'en écouter au travail", déclare-t-elle, "surtout si cela amène la détente et la relaxation". Attention cependant, car "certains ne peuvent pas en écouter en travaillant. Comme la musique est un autre langage, pour eux, il peut être difficile de travailler".

Ecouter de la musique affecte notre cerveau, qui créé une ligne directe avec notre cortex auditif : plusieurs centres s'activent, des centres différents selon une musique nouvelle ou familière, joyeuse ou triste, instrumentale ou non. Et puisque cela affecte notre cerveau, certaines tâches sont plus faciles à effectuer avec de la musique. Ainsi, des recherches ont montré que la musique va très bien avec les tâches répétitives qui exigent de la concentration sans toutefois forcément exiger un haut niveau de connaissances. Par exemple, selon une expérience, les salariés qui travaillaient en usines étaient plus performants lorsque des chansons jouées en fond étaient optimistes et joyeuses. On peut ici penser à la légende urbaine de "l'effet Mozart", selon laquelle nous serions plus à même d'effectuer une tâche difficile après avoir écouté une sonate du célèbre compositeur.

Ce n'est pas le cas de toutes les musiques. En effet, écouter de la musique en travaillant signifie que vous êtes capable de faire plusieurs choses en même temps : les ressources cognitives supplémentaires que votre cerveau consacre à la compréhension des paroles, au traitement des émotions ou des réminiscences procurées ne vous aidera probablement pas à vous concentrer convenablement sur votre travail. D'autres recherches ont ainsi montré que la compréhension écrite et la mémorisation souffraient toutes deux de l'écoute de la musique. C'est clair, pas évident de se concentrer quand on a ça dans les oreilles : 

Il s'agit en fait de réussir à trouver le bon équilibre. On l'a vu, écouter de la musique au travail demande plus d'attention et c'est là que réside tout l'inconvénient. L'avantage, c'est que cela peut également vous rendre plus énergique ou améliorer votre humeur. Il suffit donc de choisir soigneusement votre musique en fonction de la tâche que vous devez effectuer.

Ecouter une musique instrumentale et constante, avec un changement de tempo et de tonalités rare, voire une musique peu complexe serait donc préférable (et cela augmenterait les performances cognitives !). Les tonalités majeures rendent plus joyeuses que tristes, (dixit Charpentier dans son étude sur les affects des tonalités), mais donneraient l'impression que le temps passe plus lentement. Par ailleurs, les bienfaits de la musique disparaîtraient lorsqu'elle est jouée constamment.

Sinon, vous pouvez aussi considérer l'écoute de la musique au travail comme un jeu : avant de vous lancer dans un gros dossier, écoutez la BO de Rocky – Eye Of The Tiger, et après l'avoir bouclé, écoutez votre chanson préférée en guise de récompense : cela vous donnera tous les bienfaits cognitifs de la musique sans les désavantages apportés par la distraction.

Le XXe siècle a révolutionné notre vision de la musique. La radio a rendu la musique transmissible, les enceintes l'ont rendue puissante, mais les écouteurs ont été une vraie révolution et si la musique permet de créer des liens, la diffusion des casques ont eux, permis de savourer la solitude, l'intimité. Les casques nous donnent un contrôle absolu de notre environnement auditif, ce qui nous permet de créer notre propre espace public.

Selon une enquête de l'agence spécialisée en culture du travail et en leadership, Workplace Snapshot, près de la moitié des jeunes salariés âgés de 25 à 29 ans déclarent écouter de la musique sur le lieu de travail. Parmi eux, 79% affirment que cela augmentent leur productivité. Les adultes âgés de 50 à 64 ans ne sont eux que 22% à écouter de la musique sur le lieu de travail.
Enfin, 82% des hommes déclarent que cela augmente leur productivité, contre 76% des femmes.