Un cunnilingus forcé est-il un viol ? Le cas d'Aurélia, agressée sexuellement à 13 ans par son beau-père

Un cunnilingus pratiqué sans consentement ne serait, en France, pas un crime, mais un simple délit. C'est la question délicate posée avec cette affaire sordide, jugée au Correctionnel et pas aux Assises...

Un cunnilingus forcé est-il un viol ? Le cas d'Aurélia, agressée sexuellement à 13 ans par son beau-père
© Tinnakorn Jorruang /123RF

Un cunnilingus peut-il être considéré comme un viol ? Pas dans la majorité des cas, selon la loi française. Selon la stricte définition, "Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qui soit commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par la violence, contrainte, menace ou surprise est un viol", selon l'article 222-23 du code pénal.
En outre, faire une fellation à une personne sans son consentement peut être considéré comme un viol. En revanche, lorsqu'un cunnilingus est pratiqué sans consentement, il relève seulement d'une agression sexuelle.
Le cas d'Aurélia (dont le prénom a été changé), une jeune femme de 22 ans, pourrait engager une sérieuse réflexion sur le sujet, comme le raconte Le Point.
En 2017, celle-ci a porté plainte contre son beau-père, l'ex-compagnon de sa mère, l'accusant de lui avoir pratiqué des cunnilingus pendant des années. En 2011, alors qu'elle était en 4e et que l'homme habitait au domicile familial, le calvaire venait de commencer. 

Aurélia, violée ou agressée sexuellement ?

Même quand la mère d'Aurélia s'est séparée de Didier (dont le prénom a également été changé), celui-ci a continué à trouver des moyens pour la voir, comme cet après-midi où il a appris qu'elle avait un petit-ami. Il s'est alors posté en bas de chez elle, l'a forcée à descendre, a été violent avec elle et l'a conduite chez lui pour lui faire subir de nouveaux attouchements. 

Un soir, alors que Didier pratiquait un énième cunnilingus sur Aurélia, sans son consentement, sa fureur est montée lorsqu'il s'est aperçu que la jeune femme ne ressentait rien. Il a donc forcé davantage... "J'ai senti qu'il me pénétrait avec sa langue à force d'insister", a-t-elle témoigné, selon Le Point

Dans ce cas, il y aurait bien eu pénétration et il pourrait alors s'agir d'un viol.

Finalement, l'homme, qui nie les allégations, est tout de même mis en examen pour "viol et agression sexuelle sur une mineure de moins de 15 ans".

Un viol "simple" ?

Une petite victoire mais rapidement entachée par la décision des juges de "correctionnaliser" l'affaire.

Concrètement, en raison de la surcharge des juridictions, il a été jugé préférable de transférer l'affaire au Tribunal correctionnel.

Si le viol avait été commis par pénétration avec le sexe, la situation aurait certainement été différente... "Les tentatives de viol, les viols dits "simples", c'est-à-dire non assortis d'une circonstance aggravante, les viols par pénétration digitale ou fellation et les viols conjugaux sont presque systématiquement correctionnalisés", précise la revue Délibérées.

En outre, lorsque la jeune femme a décidé de faire appel, la tentative de voir son cas jugé devant une Cour d'Appel n'a pas abouti. La raison ? Les juges ont déclaré que la pénétration devait être "véritable", c'est-à-dire "d'une profondeur significative et dont le caractère volontaire doit, par ailleurs, être établi".

Une question de profondeur... et de peine légère

Pour déterminer si un cunnilingus relève bien du viol, il faudrait donc presque mesurer avec quelle profondeur la langue a été enfoncée...

Quant à Aurélie, son témoignage aurait suggéré que son bourreau n'a pas pratiqué "une introduction volontaire au-delà de l'orée du vagin, suffisamment profonde pour caractériser un acte délibéré". 

Pour l'heure, Didier risque dix ans de prison, devant le tribunal correctionnel, toujours selon Le Point.

Asia Argento : "C'était sa langue et non son pénis"

Pour l'actrice Asia Argento, qui avait accusé Harvey Weinstein de lui avoir fait un cunnilingus sans son consentement, cet acte relève du viol pur et simple. Elle s'était pourtant heurtée aux répliques de certains qui avaient cherché à lui prouver le contraire.

"J'ai été violentée. J'ai été violée. Seules les personnes qui sont passées par cette épreuve savent la souffrance et l'innocence qu'on y laisse. Si certaines préfèrent croire que mon viol était moins grave, 'moins un viol', pour mieux vivre avec elles-mêmes, alors tant mieux. J'adorerais pouvoir me dire qu'il ne s'agissait pas d'un viol, parce que c'était sa langue et non son pénis. Me dire que je suis forte, que ce n'était pas si terrible. Mais non, hélas, je sais ce que j'ai vécu", avait confié l'actrice dans Envoyé Spécial.

Il semble urgent de revoir la définition juridique du viol.