Cindy, 26 ans, a choisi la stérilisation volontaire, elle raconte...

En juillet, Cindy, 26 ans, aura recours à la stérilisation volontaire. La jeune femme, sûre d'elle, ne veut pas d'enfants. Elle nous raconte son parcours et la difficulté de faire entendre sa décision dans une société qui peine à comprendre le refus de devenir mère et pire, le choix d'une contraception définitive. Témoignage.

Cindy, 26 ans, a choisi la stérilisation volontaire, elle raconte...
© 123RF

La stérilisation à visée contraceptive, dite aussi stérilisation volontaire, est une méthode de contraception définitive et irréversible, rendue possible grâce à une occlusion immédiate des trompes, par ligature, électrocoagulation ou mise en place de clips. En 2010, selon un rapport de l'INPES, on estimait que 2,2% des femmes en France avaient eu recours à la stérilisation définitive, un acte autorisé par la loi (loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001), tandis que 55,5% prenaient la pilule et 26% portaient un stérilet. En 2016, toujours selon l'INPES, 4,5% des femmes ont eu recours à la stérilisation volontaire, tandis que nous avons pu observer une lassitude certaine de la pilule. Une tendance confirmée par un sondage Ifop réalisé en 2018.
Néanmoins, l'INPES précise que la contraception définitive n'a pas bénéficié de cet abandon progressif de la pilule. Les femmes qui la délaissent se tournent davantage vers le stérilet. Cette augmentation, significative à son échelle, s'explique en partie par une génération de femmes qui ne désire pas avoir d'enfant et tente d'assumer ce choix dans une société qui porte aux nues la maternité. Une décision qui demeure encore tabou, comme en témoigne Cindy, 26 ans, qui s'apprête à sauter le pas.

"La maternité n'est pas une étape indispensable, elle n'est pas la condition sine qua none de l'accomplissement d'une femme"

J'ai 26 ans. En juillet, je vais être opérée et subir une stérilisation volontaire. C'est un choix réfléchi, un choix pris en toute conscience. Depuis que j'ai vingt ans, je suis sur le dossier. Et d'aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais voulu d'enfant. Je l'affirmais déjà gamine. Mes rencontres, mes histoires d'amour, mes projets et tout ce que j'ai pu construire ne m'ont jamais fait changer d'avis. Disons que je n'ai pas l'ombre d'un doute. Disons aussi que ce n'est pas facile socialement. J'assume très bien ma décision. Elle ne m'effraie pas. Mais les autres, au sens large, ne peuvent s'empêcher de juger, questionner. C'est aussi pour ça que j'accepte de témoigner. Sans dire que je représente les femmes qui empruntent cette même voie que moi, j'ai envie de partager mon parcours, mon vécu, et d'expliquer. Car visiblement, le monde dans lequel nous vivons est en quête d'explications. Je comprends. Seulement, la maternité n'est pas une étape indispensable. Elle n'est pas la condition sine qua none de l'accomplissement d'une femme. On ressent une énorme pression à ce sujet. Bien entendu, ne pas faire d'enfant est un choix de vie qui entre petit à petit dans les mœurs. Néanmoins, aller jusqu'à la stérilisation volontaire est encore difficilement accepté.

Je suis restée sept ans en couple. Nous nous sommes séparés récemment, en 2018. Mon ex partenaire voulait des enfants et refusait que je me fasse stériliser. Pourtant, j'avais déjà pris ma décision. Tôt ou tard, l'opération surviendrait. Mais étant avec lui, étant amoureuse de lui, je ne parvenais pas à sauter le pas de l'intervention, alors même que je n'allais pas sauter celui des enfants. Si nous nous sommes quittés, c'est pour plusieurs raisons, dont celle-ci, qui tenait sa place et pesait de plus en plus. L'avenir ne se dessinait pas, nos attentes ne convergeaient pas. C'est donc après la rupture que j'ai entamé les démarches pour aller au bout de mes convictions.

"La peur de tomber enceinte est moteur"

La peur de tomber enceinte est moteur. Une peur bleue et obsessionnelle, je dois l'avouer. Je porte un stérilet, mais pour réduire le risque d'une grossesse non désirée, je couple toujours avec un préservatif. J'ai besoin de cette double protection pour faire l'amour, pour prendre du plaisir, pour m'abandonner. Sans ça, je préfère éviter le sexe. En outre, si je suis en période d'ovulation, je ne fais pas l'amour. Le risque est trop important. Je calcule, je compte les jours, je connais mon cycle sur le bout des doigts, et une demi-journée de retard de règles me fait flipper. Je fais des tests de grossesse régulièrement. Je ne voudrais pas avoir à avorter, surtout pas. Ce serait trop difficile, et en même temps, je m'y résoudrais. Mais j'ai du mal à imaginer que je puisse " punir " un enfant, un début de vie, alors qu'il existe une solution pour ne pas en avoir du tout. Je me sens logique.

Cette peur de tomber enceinte, je ne me l'explique pas, et je ne cherche pas à me l'expliquer. Evidemment, si je ne vivais pas avec ce refus d'avoir des enfants, je chercherais à comprendre, car j'admets que ma peur mérite d'être approfondie, étudiée, comprise, qu'elle cache sans doute quelque chose et que ce quelque chose joue son rôle dans ma décision.

"J'ai d'autres priorités, donc ne pas faire d'enfants, c'est assumer qui je suis"

Je ne me sens pas capable d'être mère. J'ai une vie mouvementée. Je bouge beaucoup, déménage beaucoup, pars vivre à l'étranger sur un coup de tête. Je suis boxeuse à niveau professionnel et huit fois championne du monde dans ma discipline. Mais contrairement à ce que l'on pense, ma carrière sportive ne motive pas mon projet de stérilisation. Beaucoup de mes amies boxeuses ont fait des pauses "grossesse" et sont revenues après un an sans avoir perdu leur niveau.

Mais c'est comme ça. Je me dis que je serais une mauvaise mère. J'adore les enfants, c'en est même contradictoire. Seulement, mon mode de vie rendrait malheureux un enfant. On me dit que je m'en fais pour rien, que je ne réalise pas. Croyance ou pas, je n'en sais rien. Mais c'est comme ça. Je ne suis pas stable et un enfant, ça a besoin d'attaches fixes. J'ai eu une enfance malheureuse, un père et une mère absents. Je sais ce que c'est que d'avoir des parents qui ont d'autres priorités que leur progéniture. Et moi, je le sais, j'aime un tas de choses dans la vie, j'ai mes priorités, donc ne pas faire d'enfants, c'est assumer qui je suis.

"J'ai l'impression que je vais pouvoir récupérer une part de liberté"

Une fois l'opération passée, je me sentirai en confiance et je pourrai m'épanouir sexuellement. J'ai vraiment hâte. J'ai l'impression que je vais pouvoir récupérer une part de liberté. J'aime le sexe et le fait de pouvoir tomber enceinte pourrit ma vie intime.

Aujourd'hui, j'ai un nouveau compagnon. Notre relation a démarré il y a trois mois. Je lui ai parlé tout de suite de mon projet. Il m'a dit que c'était mon corps, il me soutient. Il comprend que je préfère avoir recours au préservatif. C'est aussi pour ça qu'il cautionne l'opération, pour que je sois heureuse. Et il envisage un avenir avec moi. Nous vivons au jour le jour et nous verrons bien.

Je ne doute pas. La seule question que je me suis posée est : si jamais, dans 10 ans, je me sépare de mon partenaire, comment expliquer à un homme fraîchement rencontré que je suis stérile par choix ? Je n'ai pas peur qu'un homme fuit parce qu'il veut des enfants - il pourra aller en faire ailleurs, j'ai envie de dire - mais j'ai peur qu'il ne comprenne pas, car une femme stérile, on trouve ça triste, et c'est triste. Sauf que moi, je serai stérile et heureuse.

"Je suis lasse des jugements, de ceux qui pensent mieux savoir que moi"

Ma famille ne comprend pas mon choix. Je suis issue d'un milieu catholique. Pour mes proches, fonder une famille, une très grande famille même, c'est important. Mes parents ont mal reçu mon annonce. Seuls mes amis l'acceptent très bien et ne viennent pas remettre en question ma décision. Après, bien entendu, dès que je sors de mon cercle intime, les remarques fusent. Pour beaucoup, faire des enfants est une suite logique. On me demande souvent si je ne vais pas le regretter, on me rappelle que je suis jeune, que la vie est faite de surprises, de rencontres, et qu'on ne sait jamais… On me demande aussi si je compte congeler mes ovocytes "au cas où" car la fécondation in vitro est parfois rendue possible après la stérilisation. Je m'évertue à répéter que mon choix n'est pas un caprice. Je l'assume parfaitement, mais je suis lasse des jugements, de ceux qui pensent mieux savoir que moi. J'entends que l'on questionne ce choix, qu'il attise la curiosité. Ce que je dénonce, quelque part, c'est plutôt cette façon que les gens ont de penser à ma place et de me pousser à réfléchir encore et encore, comme si je nageais en plein délire.

"J'ai pleuré de joie en sortant de chez le gynécologue"

Pour certaines femmes, la stérilisation volontaire est un parcours du combattant. Pour moi, les choses se sont passées simplement. J'ai commencé par chercher un gynéco non réfractaire à cette pratique. Je suis membre d'un groupe Facebook qui partage des noms. J'ai donc trouvé quelqu'un, qui a accepté de me fixer un rendez-vous. Avant de m'y rendre, je suis passée par la case médecin traitant. Mon médecin m'a tout de suite épaulée, il me connait depuis des années, il m'a fait une lettre de recommandation. Ça appuie la demande.

Je me suis rendue chez le gynécologue avec une certaine appréhension. Même s'il appartenait à la liste des praticiens ouverts à cet acte, j'avais peur que ça ne fonctionne pas, peur de me retrouver face à un mur. Ce n'est pas une décision qui se prend à la légère et que le corps médical valide les yeux fermés, et c'est on ne peut plus normal.

Le gynécologue été très accueillant, très bienveillant. Nous avons beaucoup discuté, beaucoup échangé. Et il a accepté, en me laissant quatre mois de réflexion avant la décision définitive. Ces quatre mois sont obligatoires. J'ai pleuré de joie en sortant. En juillet, je fais donc une pose de clips. Et c'est irréversible.

Je ne ressens aucune colère face à tant d'incompréhension. Plutôt de la tristesse. Moi, ce que je ne comprends pas, c'est que l'on puisse autant juger les gens. Quoi qu'on fasse, on est jugé, sans arrêt, partout. Peut-être que ceux qui jugent ont un vide. Un gros vide à combler. Je ne ressens aucun vide, je ne juge personne. Je veux simplement que chacun mène sa vie comme il l'entend, point final. Et c'est ce que je fais. Je la mène.