Une femme violée est traînée en justice pour "atteinte à la pudeur"

En Tunisie, la convocation devant un juge d'une femme accusée d'atteinte à la pudeur après son viol par des policiers a déclenché la colère de la société civile, qui reproche régulièrement aux islamistes au pouvoir de faire peu de cas de la condition féminine.

Samedi, Place des droits de l'Homme à Tunis, des centaines de femmes ont crié leur dégoût et leur indignation lors d'un rassemblement organisé via les réseaux sociaux.

Un acte infâme et barbare

Une jeune femme violée début septembre par deux agents de police alors qu'elle se trouvait avec son ami, a porté plainte avant de se voir convoquer par un juge pour "atteinte à la pudeur", un délit passible de six mois de prison. Selon le ministère de l'Intérieur, le couple a été appréhendé le 3 septembre dans une "position immorale". Deux agents avaient alors violé la femme pendant qu'un troisième retenait le fiancé menotté. Les trois policiers ont été incarcérés.

Une torture physique et psychologique

"Je suis indigné par le cours que prend cette affaire et d'autant plus choqué de voir que les violeurs sont des forces de l'ordre censés protéger les citoyens. Le pire c'est que la victime se retrouve sur le banc des accusés", témoigne Jamel Bouslama, un médecin défenseur des droits de l'Homme. Selon lui, "le gouvernement est gêné par l'immense courage de la jeune femme qui a osé porter plainte". Et de saluer "la vitalité de la société civile post-révolution qui lutte contre la violence qu'elle soit le fait de la police ou des salafistes".

Et après ?

Les femmes tunisiennes bénéficient du statut le plus moderne du monde arabe depuis la promulgation du Code de statut personnel (CSP) le 13 août 1956 instaurant l'égalité des sexes dans plusieurs domaines, mais les associations féministes tunisiennes dénoncent, depuis l'arrivée au pouvoir des islamistes d'Ennahda, le comportement de la police à l'égard des femmes, qui seraient régulièrement harcelées pour leur tenue vestimentaire ou lors de sorties nocturnes sans un homme de leur famille.

Les islamistes d'Ennahda avaient par ailleurs déclenché un large mouvement de contestation en août en proposant d'inscrire dans la nouvelle Constitution la "complémentarité" des sexes et non l'égalité. Pour Raja Ben Slama, universitaire, "il faut séparer le juridique du moral, sinon c'est le fascisme qui s'installe".

"Tunisie : Violée par des policiers, elle est traînée en justice"