Père Bertrand Monnier : "Prêtre, je suis fan de jeux vidéo et passionné de tatouages"

Curé de Verdun, Bertrand Monnier a des passions qui ne sont pas communes au sein de l'église. Fan de heavy metal depuis l'adolescence, il est aussi un gamer averti et vient d'écrire un ouvrage sur le tatouage. Un véritable phénomène de société selon lui qu'il qualifie même de rite !

Père Bertrand Monnier : "Prêtre, je suis fan de jeux vidéo et passionné de tatouages"
© C.Morawski

Le père Bertrand Monnier revendique volontiers sa différence. "Au collège et au lycée, j'étais le rondouillard, l'intello, qui voulait devenir prêtre et qui écoutait du heavy metal !", confie le curé de Verdun qui a découvert cette musique au collège. "Je la trouvais très puissante. Elle me correspondait et je l'aimais beaucoup parce qu'elle avait aussi un côté interdit. A l'époque tout le monde disait qu'elle était un peu diabolique. Aujourd'hui, je continue à écouter du metal tous les jours dans la voiture ou au bureau parce qu'on dit toujours que, quand on aime cette musique, c'est pour la vie !". Un peu plus tard, le jeune garçon développe une passion pour les jeux vidéo. "Je n'ai jamais été très doué avec les consoles parce que nous n'avions pas de télévision à la maison. Mais quand les ordinateurs ont été démocratisés, j'ai découvert les jeux de stratégie et de gestion puis les jeux de construction et d'aventure", explique Bertrand qui, malgré des journées chargées, parvient à prévoir des sessions de jeu.

"Je joue pendant 15 ou 20 minutes pendant mes temps de pause. Les jeux vidéo me permettent aussi de créer des zones de dialogue avec le monde de l'église. J'accueille des jeunes pour jouer avec eux ou les initier à d'autres jeux car on sait que la dépendance est souvent liée à la surutilisation d'un seul jeu. J'organise également des soirées dédiées aux parents et aux grands-parents à qui je donne des points de repère afin de leur permettre d'instaurer un dialogue avec les gamers", explique le père Monnier qui a écrit l'ouvrage Les 10 commandements des jeux vidéo (Ed. Salvator) à destination des jeunes mais aussi des anciennes générations. "J'ai voulu proposer de nouveaux liens intergénérationnels au niveau de la culture et évoquer l'addiction aux jeux vidéo. J'ai aussi voulu rappeler qu'ils permettaient de réenchanter notre quotidien", confie Bertrand qui insiste sur le fait que l'église peut difficilement se prononcer concernant cette pratique car ses membres n'y connaissent pas grand-chose.

"Il se passe beaucoup de choses dans ce domaine et l'Église doit rester à l'écoute de ce phénomène qui n'est pas une simple mode, mais un fait sociologique" , souligne le Père Monnier qui incite les parents à rester ouverts avec leurs enfants gamers. "Je les incite à laisser tomber les stéréotypes et à créer des espaces de dialogue et de partage. Je leur conseille aussi de jouer avec leurs enfants pour comprendre le monde dans lequel ils évoluent", raconte le père Monnier qui a consacré un deuxième ouvrage au tatouage baptisé Dieu est-il tatoué ? (Ed. Salvator). "Je ne suis pas tatoué mais j'ai des amis qui le sont notamment dans le monde du metal. J'ai dédié mon livre à ma sœur Valérie car ma mère m'avait demandé de la raisonner quand elle a voulu se faire tatouer il y a quelques années. Je lui ai parlé, non pas pour la convaincre d'y renoncer, mais pour comprendre sa démarche. Nous avons eu une longue discussion qui a été le début de ma réflexion", souligne Bertrand qui insiste sur le fait que l'église n'interdit pas cette pratique.

© Ed. Salvator


"Il y a deux versets qui l'évoquent dans l'Ancien Testament. Le premier dit : "Tu ne feras pas d'incision dans le corps des morts et tu ne couperas pas ta chevelure en frange". Mais un deuxième verset indique : "Je t'ai inscrit dans la paume de ma main". Il faut donc pas utiliser ces versets comme des munitions pour proscrire les tatouages". Le père Monnier explique que le tatouage est un phénomène de société et qu'il a beaucoup évolué dans son expression. "Pour nombre de mes paroissiens âgés, il était autrefois l'apanage de personnes peu recommandables. Mais ce n'est plus le cas désormais. Il est devenu un rite non religieux et il y a un avant et un après le tatouage. La peau est un support d'expression épidermique qui permet de montrer qui on est et de de sortir un peu de la dimension des êtres humains interchangeables qui se vaudraient tous les uns les autres".

Dans son ouvrage, le père Monnier explique que les personnes tatouées le regrettent rarement malgré le caractère indélébile du tatouage, qu'il y a une mode dans ce domaine comme dans les autres mais aussi une véritable addiction à l'aiguille. "Certaines personnes se font tatouer deux ou trois fois dans l'année et d'autres attendent 10, 15 ou 20 ans mais la plupart des gens qui sont tatoués retourneront un jour ou l'autre sous l'aiguille", confie Bertrand qui conseille à ceux qui ne se sont pas encore lancés de choisir leur tatoueur en fonction du style de tatouage souhaité et surtout de ne pas se précipiter ! "C'est un moment important qui marque la peau et la vie. Il faut donc prendre le temps de le faire. Aux parents qui viennent me voir parce qu'ils ne comprennent pas l'envie de leur ado de se faire tatouer, j'explique aussi qu'il faut rester ouverts et ne pas en faire un tabou. Je leur conseille de se rendre dans un salon de tatouage et de discuter avec le tatoueur. Il faut maintenir le dialogue sans quoi l'ado se fera tatouer sans demander leur avis ! ".