A Cannes, l'habit fait la femme... et ça nous chiffonne

Difficile de le nier, les femmes sont souvent, malheureusement, définies d'abord par les tenues qu'elles portent. Le festival de Cannes, qui s'est achevé dimanche, en a fourni de multiples exemples. C'est aussi vrai dans d'autres domaines.

A Cannes, l'habit fait la femme... et ça nous chiffonne
© Thibault Camus/AP/SIPA

Comment était habillée Nicole Kidman ? Quelle robe portait Marion Cotillard ? A chaque événement people ou artistique, qu'il s'agisse des Oscars, des César ou, plus récemment, du festival de Cannes, les tenues des actrices et réalisatrices sont scrutées, commentées, décortiquées. Spécificité des Oscars, les stars qui défilent sur le tapis rouge citent même à l'antenne le nom des couturiers qui ont dessiné leur tenue de gala, comme une publicité ultra-glamour. Un intérêt auquel n'ont pas droit leurs homologues masculins. Alors, le festival de Cannes, vitrine glamour ou énième moyen de renvoyer les femmes à leur apparence ?

Lors de la cérémonie d'ouverture, le 17 mai, la robe de Monica Bellucci, qui dévoilait ses tétons, a été aussi commentée, si ce n'est plus, que son discours sur les réseaux sociaux. Sofia Coppola, venue présenter le film Les Proies, a monté les marches dans un tailleur Chanel noir, composé d'une jupe et d'une veste, alors que ses actrices, Kirsten Dunst, Nicole Kidman et Elle Fanning arboraient des robes de soirée. Des choix vestimentaires très commentés, sans oublier les nombreuses stars qui ont dévoilé leur culotte sur le red carpet, comme Rihanna ou Bella Hadid. Durant cette édition du festival, jamais les médias n'ont relayé de "fashion faux pas" concernant des hommes. Le seul fait notable à ce sujet est à imputer à Joaquin Phoenix, venu récupérer son prix d'interprétation pour You Were Never Really Here en smoking et… baskets Converse.

Cette réduction des femmes à leurs tenues touche aussi la sphère politique. On se souvient de la robe de Sibeth Ndiaye, la conseillère presse d'Emmanuel Macron, lors de la passation de pouvoirs entre le président de la République et François Hollande. Pure People avait estimé qu'avec sa robe à fleurs et ses derbys blanches, elle faisait "le buzz avec un look décalé". Décalé par rapport à qui ? A quoi ? Le même jour, c'est pour la taille de sa jupe que Brigitte Macron a elle été critiquée. La première dame portait une robe jugée par les journalistes de France 2 "courte pour le protocole". Et on se souvient de Cécile Duflot, sifflée par des députés masculins alors qu'elle s'était présentée dans l'hémicycle en robe, en juillet 2012.

Pour faire évoluer les choses, certaines actrices tentent de faire voler les carcans en éclats en donnant à leurs vêtements une portée symbolique. C'est le cas d'Evan Rachel Wood, qui avait préféré un costume plutôt qu'une robe pour les Oscars, en février 2017. L'actrice de 29 ans avait expliqué ce choix : "J'adore les robes. Je n'essaie pas de protester contre les robes, mais je voulais que les jeunes filles et les femmes sachent que ce n'est pas une exigence. Qu'elles n'ont pas à en porter une si elles ne le veulent pas et qu'elles peuvent être elles-mêmes parce que leur valeur ne se réduit pas à ça."

A titre de comparaison, le seul exemple récent concernant la tenue d'un homme qui aurait suscité un tel émoi médiatique concerne la chemise à jabot de Ryan Gosling, aux Oscars 2017. Une extravagance qui avait beaucoup amusé la Toile. Un cas encore anecdotique parmi les codes que médias et industrie imposent aux femmes.