Colin Firth, magique

Mr Darcy dans Orgueil et préjugés puis dans le Journal de Bridget Jones, souverain bègue dans le Discours d'un roi, Colin Firth se glisse avec malice dans le costume du prestidigitateur pédant du nouveau Woody Allen, "Magic in the Moonlight". Rencontre avec un brun toujours aussi ténébreux.

Après avoir découvert en avant-première "Magic in the Moonlight" lors du Festival du cinéma Américain de Deauville , on m'annonce que j'aurai la chance de rencontrer ses têtes d'affiche, Colin Firth et Emma Stone. Une joie rapidement balayée lorsqu'on me précise qu'il s'agit d'une conférence de presse et non de têtes à têtes... Il va me falloir faire preuve d'imagination pour tenter d'attirer l'attention de Mark Darcy Colin Firth pendant les 30 minutes qui me sont accordées. Le jour J, j'arrive avant le début de la rencontre ce qui me permet de m'installer au premier rang (et na les autres journalistes !) et de piocher dans les petits fours mis à notre disposition (le stress, ça creuse). Quelques minutes avant la bataille des questions, on nous annonce qu'Emma Stone est souffrante. La pauvre (en vrai, je me réjouis de n'avoir yeux que pour Colin Firth... mais chut).
Veste sobre, pull col roulé, pantalon ajusté, boots ciré, lunettes d'intello, Colin Firth incarne le chic à l'anglaise. L'interrogatoire peut commencer...

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Colin Firth dans "Magic in the Moonlight", en salles le 22 octobre 2014  © Mars Distribution

Le JournalDesFemmes.com : Woody Allen est-il un réalisateur particulier ?
Colin Firth :
Chaque réalisateur est particulier. Ce qui différencie Woody Allen, c'est que lorsqu'on arrive sur le tournage, une grande partie de son travail est déjà faite. Tout est entre les mains des acteurs envers lesquels il n'intervient que si nécessaire. Il y a assez peu de conversation, de blagues. Les rares moments où vous entendez le son de sa voix c'est lorsqu'il dit "Action !". Il n'intervient que s'il y a un problème. Il est alors très précis. Si vous êtes bons, vous entendez simplement l'équipe qui remballe pour installer la scène suivante.

"On dit" que Woody Allen a une façon bien à lui d'approcher les acteurs ?
Mon agent m'avait prévenu que Woody Allen l'avait interrogé sur ma disponibilité. Un jour, alors que j'étais dans ma maison en Italie, j'ai reçu un coup de fil m'informant qu'une personne était en route depuis Rome pour m'apporter un scénario que je devais lire dans la foulée pour le lui rendre. Je ne suis pas un lecteur rapide mais comme cette personne attendait chez moi, j'ai mis les bouchées doubles (rires). Le lendemain, mon agent m'a demandé une réponse. C'était évidemment oui, mais le tournage tombait en même temps que d'autres de mes engagements. J'ai dû refuser. Woody Allen m'a finalement resollicité quelques semaines plus tard. Je n'avais plus le scénario en main, seulement le souvenir de deux heures de lecture et d'un personnage pompeux, agaçant, prétentieux et méprisant mais je ne pouvais pas dire non une seconde fois à Woody Allen qui, m'a-t-on dit, voulait absolument ma voix ! 

Vous incarnez un prestidigitateur. Avez-vous appris des tours de magie pour le film ?
Excepté les quelques mouvements que j'effectue autour de l'éléphant dans la scène d'ouverture, je n'ai réalisé aucun tour. Cela aurait été une cause perdue, autant que d'essayer d'être concertiste de piano en quelques semaines.

Croyez-vous en la magie ?
La magie dépend de son état d'esprit, de sa disposition à se laisser enchanter. Prenez les mathématiques par exemple, c'est une matière très rationnelle. Jeune, je les trouvais particulièrement ennuyeuses. Aujourd'hui, lorsque je fais les devoirs avec mes enfants, je leur trouve un côté magique. De la même façon, que je peux trouver un télescope magique, alors que c'est une machine très scientifique.

Pour votre personnage, le bonheur n'est pas l'état naturel de l'homme. Qu'en pensez-vous ? 
Je n'ai pas assez de sagesse pour répondre et ce serait d'ailleurs bien trop ennuyeux pour vous. Je me demande simplement s'il n'y a pas des gens programmés pour être heureux et d'autres, dépressifs. On ne peut pas y faire grand-chose.

Le genre comédie romantique influe-t-il vos choix de rôles ?
Non car je n'ai pas d'inclinaison particulière pour ce genre. Ce qui m'a surtout séduit pour "Magic in the Moonlight", c'est de pouvoir travailler avec le maître du genre et la façon qu'il a de mettre la comédie romantique en scène. Pour Woody Allen, nous ne sommes là que pour peu de temps. Deux possibilités face à cette fatalité de la vie, soit on déprime, soit on se divertit. Ses comédies servent à égayer sa sombre vision de la vie. 

Partagez-vous la noirceur de Woody Allen ?
Non, en revanche je dois reconnaître que je suis souvent dans l'incertitude.

N'y-a-t-il pas un peu de Woody Allen dans votre jeu ? Votre débit par exemple, est très accéléré.
Il est vrai que même si Woody Allen a écrit un personnage des années 20, donc a priori éloigné d'un New Yorkais contemporain, on retrouve son vocabulaire, son style. Cela était un peu confusant et parfois, je ne savais pas comment dire le texte. La seule façon de m'en sortir était de le jouer à la Woody Allen. Heureusement, les scènes où je le copiais ont été coupées au montage. 

Est-ce jubilatoire d'interpréter un personnage éloigné de soi ?
Comment savez-vous qu'il éloigné de moi (rires) ? C'est amusant. Au quotidien, on est contraint socialement d'être gentil. Avoir le droit de se comporter comme un "con" est extrêmement libérateur, tous les acteurs vous le diront !