Odile Vuillemin : "J'ai toujours envie d'être ethnologue !"

Odile Vuillemin est Colette Chevreau, accusée de meurtre, dans "Deux Femmes", à ne pas manquer, lundi 28 février à 21h05 sur France 2. Confidences de l'actrice talentueuse et ancienne star de la série "Profilage".

Odile Vuillemin : "J'ai toujours envie d'être ethnologue !"
© Sarah ALCALAY/FTV/Alaudafilms2/MakingProd - Odile Vuillemin

Odile Vuillemin nous offre une interprétation bouleversante de Colette Chevreau, une femme élégante, indépendante et dotée d'un esprit libre, dans le captivant (et triplement primé au festival de Luchon 2022) Deux Femmes, d'Isabelle Doval, diffusé lundi 28 février à 21h05. Jalousée dans son quartier, elle devient la suspecte principale d'un meurtre qu'elle n'a pas commis. Le piège se referme sur elle, sans qu'elle puisse l'empêcher. Pour la comédienne, qui aurait voulu être ethnologue, se plonger dans ce personnage a été un véritable voyage. L'ancienne actrice de Profilage a dû enfiler des habits des années 60, apprendre à se tenir d'une certaine façon, à exhaler une féminité assumée... Un rôle de composition dont elle nous parle avec humour et grâce...

Le Journal des Femmes : Votre personnage est totalement en avance sur son temps...
Odile Vuillemin :
Je dirais même qu'elle est en avance sur notre temps (rires)! Colette Chevreau est une femme libre, qui nourrit le foyer, qui assume pleinement ses choix, sa sexualité, le fait d'avoir des partenaires extraconjugaux… Elle est effectivement résolument moderne puisqu'elle évolue dans une société de 1965, qui n'est pas du tout en avance sur la question des droits des femmes. Elle souhaite même partager ça avec d'autres femmes, puisqu'elle prône le droit de disposer de son corps en aidant à pratiquer des avortements clandestins. 

Qu'est-ce qui précipite sa "descente aux enfers"?
Le succès, c'est insupportable pour les gens. Le "tort" de Colette (qui n'en n'est pas un), c'est qu'elle renvoie aux gens tout ce qu'ils n'ont pas, c'est-à-dire la liberté d'être, l'argent… Et c'est pour cela qu'elle attire beaucoup de jalousie. En France, nous ne sommes pas dans une société, comme aux Etats-Unis, où le succès est vraiment célébré. Colette me ressemble dans certains aspects, comme sa force de caractère. Et c'est aussi ce que l'on lui reproche, ce qu'on lui jalouse...

Dans quelle mesure Colette est-elle éloignée de vous?
Colette est un personnage pour lequel le physique est important, c'est donc ce que nous avons travaillé avec la réalisatrice. Elle a une vraie posture, une façon de s'habiller, de marcher, de parler… Tout ce qui était de l'ordre du drame dans le scénario était assez habituel pour moi, mais ce qui touche à la "frivolité", la coquetterie, ne sont pas des choses vers lesquelles je vais naturellement. C'était donc cet aspect que j'avais besoin de travailler. Moi, je suis plutôt jean, t-shirt (rires)!

Pensez-vous que ce genre d'accusation à tort, d'une femme à la liberté assumée, puisse se reproduire aujourd'hui ?
Malheureusement, oui, mais certainement dans des circonstances différentes. J'ai fait des recherches pour ce rôle, et je suis tombée sur un article de tous les droits acquis par les femmes dans différents pays. A chaque ligne, je suis tombée sur les fesses.
Je me suis rendue compte, d'une part, que l'on a bien avancé. Et d'autre part, j'ai du mal à me dire que l'on est en train de se battre pour être des humains. Je ne sais pas si l'on a d'autres solutions pour le moment, et je ne le remets pas en cause, mais je trouve aberrant que l'on doive être dans une position de combat face aux hommes, que l'on n'en soit pas encore arrivé au stade où la question ne se pose plus. 

Constatez-vous un changement sur les plateaux de tournage depuis #MeToo?
On sent une prise de conscience de notre pouvoir, au quotidien. C'est un ressenti… Je ne sais pas si je m'identifie totalement à ce mouvement, même si bien sûr, j'ai, moi aussi, été importunée dans ma vie, comme la plupart des femmes, sinon toutes. Si je dois me rapprocher d'un mouvement, je dirais que je me sens plus proche de celui d'Emma Watson, HeForShe, car les hommes et les femmes travaillent ensemble pour cette égalité des genres, il n'y a pas d'aspect de dualité. C'est d'ailleurs ce qui me plaisait dans le scénario de Deux Femmes, puisque c'est féministe, mais ce n'est pas combatif. On montre l'état d'une société, cela fait écho à la nôtre, et chacun se fait son propre examen de conscience. Mais nous ne sommes pas donneurs de leçons. 

Vous avez un parcours pour le moins atypique. Vous avez fait une classe préparatoire HEC, vous avez étudié la psychologie, les langues, et vous souhaitiez devenir ethnologue…
J'ai toujours envie d'être ethnologue (rires)! Je n'ai pas abdiqué, je pense que cela prendra une forme différente de ce que j'imaginais étant jeune. Je voyage beaucoup, j'adore aller à la rencontre de diverses sociétés. Cela m'a probablement servie à être la comédienne que je suis, qui sonde l'âme humaine, dissèque les personnages… Quant à la Prépa HEC, c'était une suite logique de quelque chose qui n'était pas encore mûri… Puis j'ai fait de la sociologie, du chinois, j'ai appris le tahitien… Et j'ai tout arrêté pour devenir actrice!

Qu'est-ce qui vous a poussé à choisir cette voie?
Je n'en ai pas la moindre idée! (rires) La seule réponse plausible que l'on m'ait donnée, c'est le producteur de L'Emprise, qui m'avait dit: "Dans les métiers artistiques, ce n'est souvent pas toi qui choisit, mais le métier qui te choisit!" (rires). Je ne crois pas du tout que la comédie était un rêve de petite fille, et j'ai quitté l'ethnologie à regret, parce que j'adorais ça! 

Vous aviez quitté Profilage après avoir fait un burn-out, le rythme du tournage d'une série vous emprisonne-t-il ? 
J'avais passé sept ans à explorer Chloé, donc j'avais la sensation d'avoir fait le tour. J'aime bien découvrir, j'avais besoin de nouveaux horizons. D'autre part, c'est vrai qu'on tournait 12 épisodes par an, c'était pratiquement du temps plein, et j'étais présente la plupart du temps… donc, il y avait peu de répit. Mais cela ne veut pas dire que je ne referai pas de série un jour! 

Découvrez Deux Femmes, lundi 28 février à 21h05 sur France 2