Clémence Thioly, magnifique interprète de AFFAIRES SENSIBLES : "Être dans le vrai demande rigueur et énergie"

Actuellement sur scène dans Affaires Sensibles au Théâtre Tristan Bernard, Clémence Thioly incarne avec justesse Pauline Dubuisson, Édith Cresson et Marie Humbert... trois héroïnes au destin brisé. Rencontre avec une comédienne et auteur animée par la cause des femmes !

Clémence Thioly, magnifique interprète de AFFAIRES SENSIBLES : "Être dans le vrai demande rigueur et énergie"
© Naïs Bessaih.

C'est la première fois qu'une émission de radio est adaptée au théâtre et quelle émission! Animée depuis 6 ans par Fabrice Drouelle, Affaires sensibles passionne les auditeurs de France Inter et rencontre un véritable succès.
Adaptée au théâtre par Éric Théobald, elle met en lumière les destins hors du commun de Pauline Dubuisson, Édith Cresson et Marie Humbert.
Narrée par Fabrice Drouelle et présentée au Théâtre parisien Tristan Bernard, la pièce met en scène la lumineuse Clémence Thioly qui donne vie et corps à ces 3 femmes. Nous avons rencontré l'actrice qui nous explique son lien particulier avec ces héroïnes et leurs histoires pas comme les autres.

Connaissiez-vous l'émission Affaires conclues avant d'accepter le projet ?
Clémence Thioly :
 De nombreux spectateurs de la pièce connaissent l'émission mais personnellement je ne l'ai écouté qu'une ou deux fois contrairement à mon compagnon qui l'adore. J'écoute Popopop d'Antoine de Caunes! J'ai cependant lu des livres d'Affaires sensibles.

Comment avez-vous été associée à ce projet ?
Clémence Thioly :
 Le producteur Alexis Trégarot m'en avait parlé au départ mais je préparais la pièce de théâtre La Banquette. L'équipe a donc commencé à travailler avec une autre comédienne mais cela n'a pas fonctionné et en juin dernier ils m'ont recontacté. Je suis tombée sous le charme de ces 3 femmes.

© Fabienne RAPPENEAU

La première héroïne que vous interprétez est Pauline Dubuisson, une femme qui a tué son amant avant de tenter de refaire sa vie et qui a inspiré la vérité de Clouzot. Quel regard portez-vous sur elle ?
Clémence Thioly : 
J'ai imaginé une femme qui a été abimée par les hommes. On a voulu l'écraser et la faire disparaitre.J'ai beaucoup de tendresse et d'empathie car je pense qu'elle a eu un mauvais karma. A 18 ans, elle tombée amoureuse d'un allemand, a eu des aventures avec des hommes mais elle était libre. A la Libération elle a été frappée, violée et humiliée. Ce n'est donc pas juste un meurtrière.

Comment avez-vous travaillez ce rôle ?
Clémence Thioly : 
J'avais vu La Vérité de Clouzot il y a très longtemps mais je n'avais pas envie de revoir le film. Je ne voulais pas que cela me gêne mentalement car je fonctionne beaucoup avec des images dans mon travail. J'ai travaillé sur la faille de Pauline Dubuisson. Les gens à l'époque avaient d'elle l'image d'une femme libre, mais aussi hautaine et arrogante dans sa manière de se défendre.J'ai regardé beaucoup d'images d'archives et elle avait un regard assez froid. Au début les spectateurs peuvent avoir une appréhension négative mais plus la pièce se déroule plus elle nous touche car elle commence par vivre le drame du viol et tue son amant par accident. Après avoir purgé sa peine de prison, elle essaie de se reconstruire, mais la sortie du film la rattrape alors qu'elle va se marier au Maroc. Elle dit la vérité à son compagnon en pensant qu'un homme peut l'aimer entière mais il la quitte et elle met fin à ses jours. J'ai aussi travaillé sur l'idée qu'un viol à la libération ou aujourd'hui reste un drame terrible. C'est une fracture dans l'intimité d'une femme et on ne s'en relève pas sans cicatrice.

© Fabienne RAPPENEAU

Parlez-nous du personnage d'Édith Cresson...
Clémence Thioly : 
L'idée est de passer un moment privilégié avec Édith Cresson qui a désormais 86 ans. Elle nous parle de son intimité et de la façon dont elle a vécu sa vie politique et un peu personnelle. Le metteur en scène et Fabrice Drouelle l'ont interviewée donc tout ce que je dis dans la pièce est sorti de sa bouche. Je l'admire car c'est une femme pleine d'esprit, très vive encore aujourd'hui, et pleine d'humour. Elle a une vraie ferveur pour la France et s'en fiche des courbettes : elle était là pour redresser le pays.

Dans la pièce, vous changez votre voix pour lui ressembler sauf quand vous évoquez la petite Édith, réfugiée chez les Lenz à Publier, et que vous adoptez alors une voix d'enfant...
Clémence Thioly : 
Édith Cresson est restée droite et ne s'est jamais plaint sans répondre aux attaques car elle a une ligne de conduite qui a été inspirée par cette homme Marcel Lenz durant son enfance. C'est à la fois sa faille et son socle car il s'est battu pour libérer la France et est mort à Mauthausen.

En tant que femme, Édith Cresson a été très attaquée. Est-ce toujours un sujet d'actualité ?
Clémence Thioly :
 Édith Cresson a été la seule femme premier ministre et c'était insupportable pour les hommes. Mais c'est encore vrai car la France reste très machiste. Aujourd'hui on ne pourrait plus écrire de tels articles sur une femme ou qualifier une femme de Pompadour ou d'A ma botte comme le faisaient les guignols. C'est en cela aussi que la pièce est intéressante car elle porte un regard sur la femme d'hier mais aussi d'aujourd'hui.

© Fabienne RAPPENEAU

Marie Humbert est la dernière femme que vous interprétez, mais aussi la plus touchante car elle a donné la mort à son fils par amour pour lui...
Clémence Thioly :
 On a dit d'elle qu'elle avait tué son fils, mais en fait elle militait pour la libération de la souffrance. Je suis une maman et n'importe quel parent ne peut que ressentir de l'empathie pour elle face à ce sentiment d'injustice et d'impuissance. 

Ce rôle a-t-il été plus compliqué à jouer?
Clémence Thioly : 
Oui et non. Oui dans le sens où il a une charge émotionnelle très forte. Mais être acteur c'est être dans le vrai ce qui demande beaucoup d'énergie et de rigueur. En même temps je suis quelqu'un de très emphatique et Marie Humbert me touche terriblement donc ce n'est pas très compliqué de créer une intimité avec elle. J'ai beaucoup de respect pour ces 3 femmes, leurs luttes pour la liberté, pour la reconnaissance de la femme et pour un enfant

Comment vous sentez-vous quand le rideau tombe à la fin la pièce ?
Clémence Thioly : 
Pendant un quart d'heure j'ai besoin de m'isoler pour redescendre. Je dis merci à mes personnages de m'avoir accompagné, de m'avoir laissé les raconter. A chaque fois avant d'entrer en scène je leur demande de me donner de la force. Après ces quelques minutes, je suis disponible pour mes amis et les personnes que je ne connais pas et qui me disent qu'elles ont apprécié et la vie reprend !

Comment s'est passée votre collaboration avec Fabrice Drouelle ?
Clémence Thioly : 
Formidablement bien! C'est un être charmant, sensible, pudique avec une forme de distance quand il travaille. Avec moi il a été d'une gentillesse et d'une disponibilité hors du commun.C'est son émission qui est adaptée mais il a été très à l'écoute de ce que je pouvais proposer.Nous sommes heureux de nous retrouver le soir. 

La mise en scène d'Éric Théobald est très réussie. Comment avez-vous collaboré avec lui ?
Clémence Thioly : 
Éric Théobald est un metteur en scène formidable.Il est très humain et il décode qui il a en face de lui.Il a les mots. 
Il a adoré ce projet car il aime parler des femmes.Il voulait créer un écrin afin qu'on entende le mieux possible ces histoires.Grâce à des voiles, il a imaginé une forme de ballet qu'il a chorégraphié. 

Comment vous sentez-vous au Théâtre Tristan Bernard ?
Clémence Thioly : 
C'est un théâtre que j'adore. J'habite dans le quartier et je le trouve magnifique même s'il aurait besoin d'un petit coup de peinture (rires). Il propose une très belle programmation et des pépites se jouent là-bas. Pascal Guillaume est très investi, il a l'œil et est très bienveillant comme directeur de théâtre et producteur. Béatrice Vignal est aussi l'âme du lieu qui est à la fois familial et chaleureux.

Quels sont vos projets ?
Clémence Thioly : 
J'ai joué dans un téléfilm avec Julie Ferrier pour France 3 qui s'appelle Crimes Parfaits.J e suis aussi l'auteur de la pièce La Banquette qui devait se jouer au Théâtre du Rond-Point en avril et mai dernier avec François Berléand et Alexis Briançon à la mise en scène et que nous devons reprogrammer. J'ai également deux autres projets d'écriture pour le théâtre et un projet de série d'anticipation pour la télévision !

Affaires Sensibles,

Théâtre Tristan Bernard, 64 rue du Rocher, 75008 Paris.

Le mardi à 18h45
Le dimanche à 16h et 15h30 à partir du 8 novembre