Adieu les Cons et la Culture à poil aux César 2021 !

La 46e édition des César a vu le plébiscite du magnifique "Adieu les cons" d'Albert Dupontel, lauréat de 7 statuettes dont celles du meilleur film et du meilleur réalisateur. Une razzia qui n'a laissé que des miettes à la concurrence. Laure Calamy et Samy Bouajila ont par ailleurs été sacrés meilleure actrice et meilleur acteur. Retour sur une soirée pas tout à fait comme les autres...

Adieu les Cons et la Culture à poil aux César 2021 !
© VILLARD-POOL/SIPA

Previously on les César… "La Honte !", criait Adèle Haenel en mars 2020, ulcérée, au quasi-terme d'une soirée qui vit Roman Polanski sacrer meilleur réalisateur pour J'accuse. Colère partagée par la cinéaste Céline Sciamma et l'actrice Noémie Merlant, qui l'ont talonnée, ou par la chef-d'orchestre Florence Foresti, restée en coulisse en dépeuplant les derniers instants irrespirables de ces festivités entachées.

Plus tôt, la soirée commençait déjà sous les vociférations nourries de manifestants hostiles au cinéaste incriminé et aux égards que lui a déroulé le septième art français.

Il y avait par ailleurs le discours de la comédienne Aïssa Maïga, engagé, qui interpelait le public quant au manque d'inclusion et de diversité sur le grand écran. Une quinzaine de jours plus tôt, c'était aussi la direction de l'académie des César, acculée de toutes parts, comme un navire troué dans une lame de fond, qui annonçait sa démission collective.

Pour la sacro-sainte famille du cinéma hexagonal, il s'agissait impérativement d'oublier ce triste souvenir, de faire table rase d'une édition cauchemardesque et traumatique.

César 2021 : Roselyne Bachelot visée

Et alors ? Mettre tout à plat et reconstruire, malgré l'invitée surprise qui a mis nos vies et nos salles de cinéma sous cloche : la Covid19. 2021 s'est imposé comme le début de gros changements structurels pour l'institution des César avec la nomination, à sa tête, de Véronique Cayla, ex-patronne d'Arte et du CNC (Centre national du cinéma et de l'image animée), et la mise en place d'une organisation plus paritaire, égalitaire et transparente.

Rompre avec l'opacité d'un vieux monde poussiéreux : telle était la volonté affichée

On pensait dès lors que cette 46e édition serait plus apaisée, qu'elle se focaliserait exclusivement sur le plaisir incommensurable de célébrer la richesse protéiforme de notre toile, qu'elle éviterait d'emprunter les mêmes chemins de traverse… C'était sans compter un contexte sanitaire compliqué et l'obturation tragique de nos salles de spectacles par le gouvernement.

Il était donc prévisible que des missiles verbaux soient envoyés en direction de la Ministre de la Culture, Roselyne Bachelot. Ce fut le cas, sans ambages.

Et ce, dès l'entame. Marina Foïs, maîtresse de cérémonie, a annoncé la couleur avec une punchline explicite: "L'art, quand c'est pas rentable, ça fait chier".

L'air de rappeler que la fermeture des salles de spectacle, actée depuis le 30 octobre dernier, relevait davantage d'un choix politique -quand on peut faire la queue pour des fringues- que d'une réelle volonté sanitaire.

Plus tard, Stéphane Demoustier, césarisé pour le scénario de La Fille au Bracelet, alpaguait de nouveau la politicienne : "Madame Bachelot, sans volonté politique, on ne préservera pas ce système si vertueux."

Tout au long de la soirée, les piques ont activement plu. Deux des intermittents occupant le théâtre de l'Odéon ont notamment exposé leur exaspération.

Corinne Masiero, entièrement nue

Et une image inattendue est enfin venue parachever le tableau du ras-le-bol général: Corinne Masiero, débarquée en tenue de Peau d'Ane, puis de Carrie, finissant par se dévêtir intégralement afin d'incarner la condition d'une culture ensanglantée et mise " à poil ". Un moment à la fois fort et gênant, lunaire et inoubliable.

Port du masque : à revoir

En définitive, pour celles et ceux qui auraient manqué ces agapes, on pourrait les résumer en une seule supplique : "Ouvrez nos salles !"

Seul bémol ? Le port du masque. Evidemment, les talents ont été testés avant la cérémonie, laquelle s'est déroulée en effectif réduit, avec le respect des règles sanitaires. Si la majorité les a scrupuleusement appliquées, d'autres indisciplinés -avec le masque sous le nez, voire sans (bonjour Fanny Ardant)- étaient totalement hors sol.

On en convient: une réouverture des salles de cinéma serait un véritable remède médical au mal-être ambiant qui nous dévore et nous consume. Elle permettrait à tant de personnes asphyxiées de retrouver des couleurs. Mais la réclamer tout en donnant raison à ceux qui l'ajournent, c'est terriblement problématique. Pardi, ce n'est quand même pas compliqué! Alors répétons-le jusqu'à perdre haleine: ça se porte au-dessus du nez et c'est le cas depuis un an.

De nombreux internautes n'ont d'ailleurs pas manqué de partager leur exaspération face aux incivilités de celles et ceux qui étaient censés, le temps d'une soirée, être la vitrine de toute une corporation. Soit.

Mais c'est qu'on en oublierait presque de parler de cinéma ?

Hier soir, entre les doléances et les crispations, de jolis moments d'émotion ont tout de même ravi les téléspectateurs. A commencer par l'arrivée sur la scène de l'Olympia de la troupe du Splendid, qui recevait un César d'honneur collectif devant un public debout. "On s'aimait et on riait ensemble", a lâché Marie-Anne Chazelle avant que ne tombe une belle métaphore de Gérard Jugnot, dans l'ère du triste temps: "Nous sommes depuis plus de 50 ans cas contacts".

Apparu pendant un instant sous une forme animée, Jean-Pierre Bacri a logiquement bénéficié d'un magnéto bouleversant, qui nous a rappelé combien son flegme, sa voix et son intelligence manquent au cinéma français. Forcément, comme Marina Foïs l'a si bien dit, on a aussi pensé à Agnès Jaoui.

D'hommages, il a aussi été question pour Michel Piccoli, Jean-Loup Dabadie ou Jean-Claude Carrière, autant de monuments de notre patrimoine cinématographique.

Adieu les Cons au sommet, Dupontel grand absent

Même si le plaisir de se retrouver supplantait la compétition, un palmarès est bel et bien tombé. Et c'est Albert Dupontel qui y règne en maître absolu.

Absent de la cérémonie -comme chaque fois qu'il est nommé-, son Adieu les Cons, magnifique rencontre entre deux marginaux à bout de souffle, a remporté pas moins de 7 César, dont ceux du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur acteur dans un second rôle pour Nicolas Marié, imparable en archiviste tendre et aveugle.

Dupontel rejoint ainsi le club très fermé des cinéastes doublement césarisés, quatre ans après le succès d'Au-Revoir là-haut. Si une récompense à son actrice principale, la brillante Virginie Efira, n'aurait pas été de refus, Laure Calamy n'a clairement pas démérité son sacre pour son premier rôle dans Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal. Sa verve, son charme et son sourire ont été un enchantement au cœur d'une année 2020 suffocante.

Prix Lumière du meilleur acteur il y a deux mois pour Un Fils de Mehdi M. Barsaoui, Sami Bouajila a remis le couvert en brandissant un César pour sa prestation de père aux abois.

Au rayon des espoirs, l'incroyable Fathia Youssouf, 14 ans, s'est imposée pour sa prestation habitée dans Mignonnes de Maïmouna Doucouré, dénonciation de l'hypersexualisation des ados, et l'hilarant Jean-Pascal Zadi s'est démarqué grâce à son rôle dans son propre film, le mockumentaire Tout simplement noir. Il en a profité pour rendre hommage aux artistes Noirs sacrés avant lui et ayant ouvert la voie.

Grosse douche froide en revanche pour Eté 85 de François Ozon, ses deux formidables comédiens -Benjamin Voisin et Félix Lefebvre- et ses 12 nominations. Cette histoire d'amour, brève et fondatrice, méritait clairement d'être saluée par un prix. Repartir bredouille est d'une extrême cruauté.

Même son de cloche pour Les Choses qu'on dit, les choses qu'on fait d'Emmanuel Mouret : 13 nominations pour une seule statuette, celle de la meilleure actrice dans un second rôle pour Emilie Dequenne.

Le seul film qui s'est distingué, face au colosse Adieu les cons, est le magnifique documentaire Adolescentes de Sébastien Lifshitz. Auteur du superbe Petite Fille sur Arte, l'artiste sensible y a suivi sur sept ans deux adolescentes dans leur quotidienneté.

Résultat ? César du meilleur documentaire, du meilleur montage et du meilleur son.

Et pour terminer sur une note festive, on se réjouit de trinquer au plébiscite de Drunk de Thomas Vinterberg du côté des films étrangers. Car, par prolongement, c'est aussi à un retour à la vie culturelle qu'on entrechoque nos verres -avec distanciation.

Palmarès complet et lauréats des César 2021 : 

César du Meilleur film

  • Adieu les cons de Albert Dupontel
  • Adolescentes de Sébastien Lifshitz
  • Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal
  • Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait de Emmanuel Mouret
  • Été 85 de François Ozon

César de la meilleure réalisation

  • Albert Dupontel dans Adieu les cons
  • Maïwenn dans ADN
  • Sébastien Lifshitz dans Adolescentes
  • Emmanuel Mouret dans Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait
  • François Ozon dans Été 85

César de la meilleure actrice

  • Laure Calamy dans Antoinette dans les Cévennes
  • Martine Chevallier dans Deux
  • Virginie Efira dans Adieu les cons
  • Camélia Jordana dans Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait
  • Barbara Sukowa dans Deux

César du meilleur acteur

  • Sami Bouajila dans Un fils
  • Jonathan Cohen dans Enorme
  • Albert Dupontel dans Adieu les cons
  • Niels Schneider dans Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait
  • Lambert Wilson dans De Gaulle

César de la meilleure actrice dans un second rôle

  • Fanny Ardant dans ADN
  • Valéria Bruni Tedeschi dans Été 85
  • Emilie Dequenne dans Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait
  • Noémie Lvovsky dans La Bonne Epouse
  • Yolande Moreau dans La Bonne Epouse

César du meilleur acteur dans un second rôle

  • Edouard Baer dans La Bonne Epouse
  • Louis Garrel dans ADN
  • Benjamin Lavernhe dans Antoinette dans les Cévennes
  • Vincent Macaigne dans Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait
  • Nicolas Marié dans Adieu les cons

César du meilleur espoir féminin

  • Mélissa Guers dans La fille au bracelet
  • India Hair dans Poissonsexe
  • Julia Piaton dans Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait
  • Camille Rutherford dans Felicita
  • Fathia Youssouf dans Mignonnes

César du meilleur espoir masculin

  • Guang Huo dans La Nuit Venue
  • Félix Lefebvre dans Été 85
  • Benjamin Voisin dans Été 85
  • Alexandre Wetter dans Miss
  • Jean-Pascal Zadi dans Tout simplement noir

César du meilleur scénario original

  • Albert Dupontel pour Adieu les cons
  • Caroline Vignal pour Antoinette dans les Cévennes
  • Emmanuel Mouret pour Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait
  • Filippo Meneghetti et Malysone Bovorasmy pour Deux
  • Benoît Delépine et Gustave Kervern pour Effacer l'historique

César de la meilleure adaptation

  • Olivier Assayas pour Cuban Network
  • Hannelore Cayre et Jean-Paul Salomé pour La Daronne
  • François Ozon pour Été 85
  • Stéphane Demoustier pour La fille au bracelet
  • Eric Barbier pour Petit Pays

César des meilleurs costumes

  • Adieu les cons de Albert Dupontel
  • La bonne épouse de Martin Provost
  • Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait de Emmanuel Mouret
  • De Gaulle de Gabriel Le Bomin
  • Été 85 de François Ozon

César des meilleurs décors

  • Adieu les cons de Albert Dupontel
  • La bonne épouse de Martin Provost
  • Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait de Emmanuel Mouret
  • De Gaulle de Gabriel Le Bomin
  • Été 85 de François Ozon

César de la meilleure photographie

  • Adieu les cons de Albert Dupontel
  • Adolescentes de Sébastien Lifshitz
  • Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal
  • Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait de Emmanuel Mouret
  • Été 85 de François Ozon

César du meilleur montage

  • Adieu les cons de Albert Dupontel
  • Adolescentes de Sébastien Lifshitz
  • Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal
  • Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait de Emmanuel Mouret
  • Été 85 de François Ozon

César du meilleur son

  • Adieu les cons de Albert Dupontel
  • Adolescentes de Sébastien Lifshitz
  • Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal
  • Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait de Emmanuel Mouret
  • Été 85 de François Ozon

César de la meilleure musique originale

  • Adieu les cons de Albert Dupontel
  • ADN de Maïwenn
  • Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal
  • Été 85 de François Ozon
  • La Nuit Venue de Frédéric Farrucci

César du meilleur premier film

  • Deux de Filippo Meneghetti
  • Garçon chiffon de Nicolas Maury
  • Mignonnes de Maïmouna Doucouré
  • Tout Simplement Noir de Jean-Pascal Zadi et John Wax
  • Un Divan à Tunis de Manele Labidi

César du meilleur film d'animation (long-métrage)

  • Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary de Rémi Chayé
  • Josep de Aurel
  • Petit vampire de Joann Sfar

César du meilleur court métrage d'animation

  • Bach-Hông de Elsa Duhamel
  • L'heure de l'ours de Agnès Patron
  • L'odyssée de Choum de Julien Bisaro, Carol Freeman et Sonja Rohleder
  • La tête dans les orties de Paul Cabon

César du meilleur film étranger

  • 1917 de Sam Mendes
  • La Communion de Jan Komasa
  • Dark Waters de Todd Haynes
  • Drunk de Thomas Vinterberg
  • Eva en août de Jonás Trueba

César du meilleur court métrage

  • L'aventure atomique de Loïc Barché
  • Baltringue de Josza Anjembe
  • Je serai parmi les amandiers de Marie Le Floc'h
  • Qu'importe si les bêtes meurent de Sofia Alaoui
  • Un Adieu de Mathilde Profit

César du meilleur documentaire

  • Adolescentes de Sébastien Lifshitz
  • La Cravate de Mathias Théry et Étienne Chaillou
  • Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes de Rodolphe Marconi
  • Histoire d'un Regard de Mariana Otero
  • Un Pays qui se tient sage de David Dufresne