Lola Marsh : "Notre album est une sorte de nostalgie cinématographique"

Le duo israélien Lola Marsh sort ce vendredi son premier opus "Remember Roses", un album visuel aux sonorités pop-folk d'une extrême douceur. Rencontre avec ces artistes passionnés.

Lola Marsh : "Notre album est une sorte de nostalgie cinématographique"
© Barclay

Il est des groupes de musique qui se forment par hasard. C'est le cas de Lola Marsh. Derrière ce nom se cachent deux artistes israéliens : Yael Shoshana Cohen et Gil Landau. L'histoire commence en 2011. Alors que Gil entame un morceau à la guitare lors d'une soirée, Yael se met à chanter. Le coup de foudre est immédiat. "Je me suis dit qu'il fallait faire quelque chose ensemble" confie Gil Landau. C'est dans l'appartement de Gil à Tel-Aviv que le couple se retrouve pour écrire et composer leurs chansons. Quelques semaines et une dizaine de titres plus tard, le duo monte sur scène. Problème, il n'a pas de nom. "Lola Marsh sonnait bien, on s'est dit pourquoi pas !" L'aventure commence…

Au fil du temps, Lola Marsh accueille 3 amis musiciens pour les accompagner, sort un premier EP puis le clip de You're Mine qui comptabilise plus d'un million de vues sur Youtube. Ce vendredi 3 novembre, Lola Marsh dévoile Remember Roses. Un premier opus visuel d'une extrême douceur, parfait pour bercer nos longues soirées automnales.

C'est à Paris en pleine canicule, quelques semaines avant la sortie de l'album, que nous les rencontrons, juste avant un concert. Confidences sans filtre.

Journal des Femmes : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Yael Shoshana : C'était en 2011 je pense. Gil avait organisé une fête pour son anniversaire. On adore raconter cette histoire car on a senti qu'il se passait quelque chose. Il a joué un truc à la guitare, je l'ai accompagné au chant et…

Gil Landau : On s'est dit "faisons quelque chose ensemble". On ne savait pas quoi ni comment.

YS : C'était un peu bizarre et gênant au début. Ça nous a pris du temps… Je crois que ce n'est qu'à notre quatrième rendez-vous que nous avons eu une chanson. On s'est dit qu'on allait continuer à écrire et quand on en aurait 6 ou 7, on organiserait un concert. Beaucoup de gens sont venus nous voir. On a commencé à enregistrer des démos...

GL : Ça nous a pris près d'un an et demi pour trouver les bonnes personnes avec qui travailler. C'était long mais on n'a rien lâché !

Si je comprends bien, vous avez chanté ensemble avant même de vous parler ?
YS :
On s'est un peu parlés quand même (rires).

GL : On faisait tous les deux partie de la scène émergente de Tel-Aviv donc on se connaissait de nom mais il fallait apprendre à se connaître. Ecrire des chansons avec quelqu'un que tu ne connais pas vraiment peut être très gênant.

YS : C'est intime.

GL : Tout à fait ! Un soir, on s'est posés et on a cherché à savoir ce que l'autre aimait, la musique qu'il écoutait...

C'était évident dès le début qu'il fallait que vous fassiez quelque chose ensemble ?
YS : On l'espérait mais on ne savait pas s'il allait y avoir une bonne alchimie entre nous.

GL : Je pense que quand on a terminé notre première chanson, on savait qu'il y avait un truc à creuser, qu'il fallait continuer à écrire.

"Du jour au lendemain,
je me suis retrouvée avec une nouvelle voix"

Il est assez difficile de ne pas tomber amoureux de votre musique et de votre voix surtout Yaël. Une voix que vous avez perdue il y a quelques années…
YS :
Je me suis faite opérer à l'âge de 21 ans. Les médecins me disaient que je risquais de perdre ma voix. Mon rêve, c'était de faire de la musique, j'étais complètement dévastée. Quand je l'ai retrouvée, ce n'était plus la même. Elle était plus grave que mon "ancienne voix". Et pire, elle n'était pas aussi malléable, je ne pouvais plus chanter les notes les plus aiguës.

GL : C'est ce que j'aime dans ta voix.

YS : J'étais très gênée au début. On m'avait toujours appelée "la chanteuse" car je chantais tout le temps et du jour au lendemain, je ne pouvais plus rien faire. Je me disais que je n'étais peut-être pas faite pour chanter finalement. Mais heureusement, ça m'a plutôt aidée.

Cet album est très mélancolique et chaque chanson sonne comme une bande-originale de film. C'est un album très visuel.
YS :
Nous voulions qu'il y ait une vibe cinématographique dans l'album.

GL : Je ne sais pas si nous l'avons voulu mais quand on a commencé à enregistrer nos démos, on voyait défiler des paysages, des films... C'est peut-être parce qu'on aime tous les deux le cinéma, ça fait partie de nous. On ne s'est jamais dit qu'on allait faire quelque chose de cinématographique.

YS : Non c'est vrai. Mais l'inspiration est toujours venue des films pour la production, pour l'écriture… C'était ce qu'on avait en tête.

Votre film préféré ?
YS :
C'est un film français mais je ne sais pas si je peux le dire !

GL : Pourquoi ?

YS : Hier, j'étais avec des français et je leur ai dit que j'adorais le film Le fabuleux destin d'Amélie Poulain. Ils m'ont dit que c'était cliché. Pourtant, j'adore ce film, il est très beau. Sinon, je dirais Grand Budapest Hotel de Wes Anderson.

GL : Si je devais n'en choisir qu'un, ce serait Retour vers le futur.

YS : Vraiment ?

GL : C'est un film génial !

Un mot pour décrire l'album ?

YS : On peut en avoir deux ? Nostalgie cinématographique.

GL : Tu le décrirais comme ça toi ? Je ne sais pas trop…

YS : Il y a beaucoup de nostalgie dedans, mais une nostalgie très cinématographique, tu vois ?

La chanson que vous préférez sur l'opus ?
GL : Ça change tout le temps en fait. Il y a une semaine, j'adorais She's a rainbow et maintenant, j'adore The Wind, Morning bells… Je les aime toutes en fait.

YS : Je les aime toutes aussi mais Remember Roses est spéciale pour moi. Et She's a rainbow. J'adore ces chansons. Je suis contente que les gens les apprécient.

Vous parlez d'amour, d'amitié et des peurs du passé et de l'enfance, sous fond de nostalgie.

GL : Je pense que nous sommes tous les deux des personnes très nostalgiques.

YS : Oui, c'était une association de sentiments. On ne se disait pas "aujourd'hui, on va parler d'amour". C'était très naturel. La nostalgie est venue car une mélodie nous a un jour rappelé un endroit, un moment de notre vie.

Remember Roses, 1er album de Lola Marsh © Barclay

Comment se passe votre processus d'écriture : est-ce que l'un écrit ou compose plus que l'autre, ou tout se fait à deux ?
YS :
On fait tout ensemble.

GL : Ça évolue constamment.

YS : Je peux commencer quelque chose, puis Gil a une idée pour le refrain...

GL : C'est très dynamique. Un peu étrange parfois. On se demande souvent comment on a commencé ce titre et on est bluffés par la qualité du truc.

YS : C'est génial car parfois Gil ramène sa partie, je donne la mienne et ça s'assemble. On est très différents mais c'est complémentaire.

GL : Si Yael écrit un truc, je le ressens immédiatement comme si cela venait de moi. Je ne me dis pas que c'est sa partie à elle. Je me dis plutôt que c'est vraiment génial et qu'on va le rendre encore mieux à deux.

Qu'est-ce qui vous inspire ?
GL :
Tout !

YS : Les gens, les souvenirs, la tournée… Rencontrer des personnes intéressantes dans des endroits différents est stimulant.

Dans l'album, vous proposez une version anglaise de Le Sud de Nino Ferrer. Vous aimez la chanson française ?
Les deux :
On adore la chanson française !

YS : Serge Gainsbourg, Edit Piaf… La vieille chanson française tu vois ? Même si La Femme est super et l'année dernière, au Fnac Music Live, on a rencontré Hyphen Hyphen. Leur musique est dingue ! Pour Le Sud, on dînait avec des amis à Paris et on a mis de vieux disques français. Et il y avait ce disque de Nino Ferrer. On ne le connaissait pas et on a adoré ! On s'est vite dit qu'il fallait l'adapter.

Votre musique fait penser à Lana del Rey et The Dø. Une comparaison qui vous flatte ou qui vous agace ?
YS :
Parfois, ça me flatte car les deux sont géniaux. D'autres fois, je me dis que c'est de la musique différente mais je comprends que les gens aient besoin de comparer.

GL : Je pense que c'est le propre de l'homme. On le fait tous : quand on écoute quelque chose de nouveau ou qu'on regarde un nouveau film, on se dit que ça nous rappelle quelque chose. C'est un besoin de savoir ce qu'on regarde. En fait, je m'en fiche. Si les gens trouvaient que notre musique ressemblait à quelque chose que je déteste, je me poserais des questions, mais Lana del Rey et The Dø sont géniaux !

© Barclay

Vous avez accueilli 3 musiciens au sein du groupe après avoir longtemps été un duo. Pourquoi ?
YS : Quand on écrit nos chansons, on a dans l'esprit une production plus sauvage... On avait besoin de plus de musiciens pour que ça se ressente sur scène.

GL : On a été un duo pendant un an et demi. On ne faisait que de l'acoustique à deux et ça ne semblait pas abouti. Il fallait accueillir d'autres personnes.

Vous serez le 9 novembre prochain à La Maroquinerie. Avez-vous des rituels avant de monter sur scène ?
GL :
Ça change constamment. Je n'ai pas besoin de faire quelque chose de particulier. Le verre de vin 30 minutes avant pour ne pas être trop bourré, les cigarettes…

YS : J'aime prendre la setlist et chanter une phrase de chaque chanson pour ressentir le truc.

GL : On fait aussi une réunion de groupe avant le concert pour ne pas oublier des temps forts du concert.

Quel est votre premier souvenir musical ?
YS :
Je ne l'ai jamais dit à personne, même pas à Gil. Quand j'avais 4 ans, on vivait à Singapour et je me rappelle regarder Jack et le haricot magique en VHS. C'était une version des années 80 avec une animation très effrayante. Il y avait une super belle chanson dans ce film, c'est la première chanson que j'ai aimée et je l'ai chantée pendant des années (elle se met à fredonner, ndlr). Je pense qu'elle m'a inspirée.

GL : La première chanson que j'ai entendue ne m'a pas du tout inspiré (rires) ! Tu connais ... ? (il se met à chanter, ndlr) Je ne sais plus leur nom mais c'étaient deux mecs israéliens en costume qui dansaient sur cette stupide chanson. Quand j'avais 3 ou 4 ans, je me revoie danser et chanter devant la télé.

Quand avez-vous réalisé vouloir vivre de la musique ?
GL : Je pense avoir vraiment pris cela au sérieux à l'âge de 20 ans. C'est là que je me suis dit que c'était ce qui me bottait.

YS : Je ne suis pas une fille hyper sûre d'elle mais la musique a toujours été une évidence. J'y ai mis toute mon énergie, je me fichais de l'école mais la musique était toute ma vie. Au lycée, deux fois par semaine, je me rendais dans un café pour chanter avec ma guitare. Je me fichais qu'ils me payent, je voulais juste que les gens soient touchés par ma musique et ma voix.

La chose que vous n'avez jamais dit à l'autre ?
GL :
Wow ! Je ne sais pas…

YS : Je sais tellement de choses sur Gil ! Tu sais que je n'aime pas les olives ?

GL : Oui. (Il réfléchit)

YS : Oh tu sais qu'à l'école, on m'appelait Yaël Gargamel ? Et la girafe ? Car j'ai un long cou par rapport au reste de mon corps ?

GL : Oui je sais… (Il réfléchit) Je ne sais pas, tu peux lire en moi comme dans un livre ouvert.

"Notre rêve serait de composer
des bandes-originales de films"

La chanson parfaite pour faire la fête ?
YS :
Je dirais Ed Sheeran, Shape of you.

GL : Toutes les chansons de twist : Twist and shout. Que de la musique sur laquelle je peux danser.

La chanson pour se relaxer ?
YS :
Bon Iver, son album For Emma, Forever Ago.

GL : Je ne sais pas. Maintenant, tout ce que j'entends m'inspire. Je me demande comment ils ont fait ça ! En fait, pour vraiment me reposer et ne penser à rien, il faudrait me mettre des musiques de méditation, le bruit de l'eau etc.

La chanson pour un premier rendez-vous ?
GL :
Il y en a beaucoup…

YS : Only You (elle se met à chanter, ndlr). Quelque chose de très classique.

GL : Wicked game. Mais, il faudrait une playlist de 90 titres pour que l'on puisse partager nos souvenirs et impressions sur les chansons.

YS : Oh tu as raison, je peux changer ma réponse pour 90 titres ?

GL : Parce que si tu n'écoutes que Only You, qu'est-ce qui se passe après ? On se regarde longtemps dans les yeux… Super ! Sinon, les Spice Girls, Aqua. Oh, j'adore Aqua !

La meilleure chanson de tous les temps ?
YS :
Wicked Game.

GL : Sans hésiter ! C'est une des meilleures chansons de tous les temps. C'est tellement intense.

Un compliment sur l'autre ?
YS :
Perfectionniste.

GL : C'est ça le compliment ?

YS : Talentueux plutôt. Perfectionniste c'est peut-être le reproche (rires).

GL : Je ne sais pas.

YS : Rien de bien ? Je suis passionnée, non ?

Un reproche ?
YS :
Perfectionniste.

GL : La tête dans les étoiles. Mais les qualités et les défauts forment un ensemble. Elle ne serait pas passionnée si elle n'avait pas la tête dans les étoiles.

Lola Marsh a bientôt 6 ans. Quel est votre plus beau souvenir ?
GL :
Le Pohoda Festival en Slovaquie. On y a joué 3 fois, et le dernier concert était devant 10000 personnes qui connaissaient nos chansons, qui étaient vraiment avec nous.

YS : Et on a rencontré des artistes exceptionnels comme Tame Impala et Björk. Mais moi j'aurais dit le Fnac Music Live devant l'Hôtel de Ville de Paris.

GL : Mais oui c'est dingue d'avoir joué ici ! On ne savait pas que c'était devant l'Hôtel de Ville.

YS : C'est un endroit tellement magique. En fait, à chaque fois qu'on joue à Paris, c'est génial.

Votre rêve ?
GL :
Continuer à écrire des chansons et composer des bandes-originales de films.

YS : Et prendre du plaisir.

GL : S'amuser en le faisant. Bien sûr que j'aimerais que le public aime notre musique et vienne aux concerts…

YS : Mais tu dois prendre du plaisir avant tout.

GL : Tu dois être heureux.

Remember Roses, premier album de Lola Marsh, dans les bacs ce vendredi 3 novembre 2017, Barclay