LESCOP nous répond sur Echo

"Dérangé", "Insomnies", "Suivie". C'est dans la lumière chaude des troquets de Paris que sont nés les nouveaux titres d'"Echo", album lunaire de Lescop aux tonalités pop électrique. C'est dans sa maison de disques Universal installé sur un canapé que nous le retrouvons, quatre ans après son premier opus. "La Forêt". Rencontre empreinte d'étrangeté.

LESCOP nous répond sur Echo
© Universal

Silhouette gracile, tee-shirt et jean basiques, Doc Martens, sac à dos passe partout. Lescop pourrait être ce Monsieur Tout Le Monde, celui que l'on croise dans la rue, le métro, à la terrasse d'un café. Sauf que lorsque Mathieu Peudupin de son vrai nom, s'attable à un troquet, c'est justement pour mieux observer ces Mesdemoiselles, Mesdames, Messieurs, Tout Le Monde. Des hommes, des (jeunes) femmes, que le chanteur à la voix de velours aime "croquer". Non pas en peinture mais avec des mots. Ses mots. Tranchants, incisifs mais toujours très beaux. Sur des riffs de guitare, des notes de basses et des sons de synthé, Lescop se fait l'écho de la beauté qui sommeille en chacun de nous. Pourvu que son nouvel album Echo, dans les bacs le 21 octobre 2016, rencontre un bel écho. 

Le Journal Des Femmes : Qu'avez-vous fait pendant 4 ans Lescop ? 
Lescop : Mon précédent album (La Forêt, ndlr) a bien marché, je suis parti en tournée pendant 2 ans. Puis j'ai pris du temps pour moi, pour voir mes proches, ma famille. Et j'ai recommencé à écrire: un scénario de film qui est encore à l'état de projet, et des chansons. Cela m'a pris du temps car j'avais envie de m'entourer de nouvelles personnes. Comme je n'ai pas réussi à trouver mon langage, j'ai recontacté Johnny Hostile (alias Nicolas Congé, membre du groupe John and Jehn, ndlr) et j'ai écrit douze chansons. C'était il y a un an. 

On plonge dans Echo avec David Palmer. Qui est-il vraiment ? 
Une sorte d'avatar avec une personnalité tourmentée, un peu perdu. Il est séducteur, tricheur, fantomatique. En quête d'absolu. On a tous un peu de David Palmer en nous. 

Est-ce votre double fantasmé comme on peut le lire dans la presse ? 
C'est plutôt mon fantasme de ce que doit être un personnage qui se cherche et finit par se trouver. 

David Palmer termine par "Il t'a promis toute une nuit mais il ne te laisse que le brouillard / De toute façon c'est ainsi que terminent toutes les histoires" : parce que toutes les histoires d'amour finissent mal en général ? 
Non... Je fais mentir cette phrase qui paraît implacable au fil de l'album. A la fin, la nuit est devenue plus légère, plus optimiste. 

"La nuit jamais il ne dort, la journée il fait le mort / Il aime trop l'obscurité". La nuit revient en filigrane dans votre album. Vous-même êtes plutôt un oiseau de jour ou de nuit ? 
J'aime beaucoup la nuit mais je ne suis pas un "gars de la night". Que ce soit au cinéma, dans la photo, la peinture, je trouve la nuit très inspirante. C'est aussi l'un des moments les plus propices pour se révéler. On fait souvent les rencontres importantes la nuit. Parce qu'on est plus libre, moins en représentation, moins dans le contrôle. Souvent, quand on tombe amoureux, c'est la nuit... 

Dans, Loeiza, "En plein été elle se plaint du froid / Elle pense très fort mais parle tout bas". Qu'est-ce qui vous attire chez les personnages complexes, en proie aux contradictions ?  
J'ai toujours de la sympathie pour les gens qui se plaignent d'avoir froid en été, qui ne ressentent pas la même chose que tout le monde ou qui se posent des questions complexes. Au fond, je crois que personne n'est normal. On est tous tissés de contradictions. C'est par conventions sociales qu'on dit que "le soleil, c'est beau". Des banalités quoi. Mais tout le monde brûle intérieurement de sensations étranges. C'est ce que j'essaie de saisir dans mes personnages. Les idées saugrenues. C'est très inspirant. 

Le clip d'Echo est un plan séquence. Minimaliste, hypnotique. Pourquoi ce choix ? 
On est sans cesse abreuvé d'images qui bougent dans tous les sens. L’œil est tout le temps sollicité. J'avais envie de proposer un clip différent de ce que j'ai l'habitude de faire. Je trouve cette fille très jolie, ses mouvements de cils sont beaux. Elle invite à se poser cinq minutes pour profiter de sa beauté simplement. 

"Sur la piste en silence / Soudain tu t'élances". La danse s'invite souvent dans vos chansons. Parce qu'elle vous fascine ? 
Il y a un côté très instinctif dans la danse, d'animal. C'est hyper libérateur. J'adore danser parce ce que c'est un moment qui peut être très personnel ou en totale communion avec les autres. J'aime la notion d'individualité et de collectif qu'elle suscite. Parce que c'est ma vision de la vie en général. 

Vous avez une écriture très visuelle, comme une "caméra stylo"... 
Mon premier album était très imprégné de cinéma. Pour Echo, je me suis davantage inspiré de l'univers de la photo. Pour l'écrire, je m'installais dans les bars. J'achetais des magazines de photos que j'étalais sur la table. Je regardais beaucoup les gens aussi. On a tous une façon particulière de se mouvoir, de cligner des yeux quand on dit oui. De tenir sa cigarette, bouger ses hanches, marcher comme une panthère. C'est dans tous ces petits détails que l'on perçoit l'élégance de quelqu'un. J'aime faire exister ces petits choses. On dit souvent que le diable se cache dans les détails mais je crois qu'il y a des anges aussi.

Est-ce qu'on se met plus en danger en écrivant en français ? 
La mise en danger vaut pour les deux. Ce n'est pas forcément se mettre en sécurité que d'écrire dans une langue qu'on ne maîtrise pas. Personnellement je ne maîtrise pas assez l'anglais pour décrire toutes ces petites images que je perçois. Le vocabulaire me manque. Et je ne préfère pas me mentir. Donc j'écris dans la langue dans laquelle je pense. Si je tombe amoureux, je vais avoir des mots qui vont me venir en français. J'écris en français parce que c'est ce qui me vient pour exprimer mes émotions. 

Une chanson, c'est fait pour quoi ? 
Pour susciter des images. C'est la sève, l'essence d'une chanson. Quand j'écoute une chanson je ne cherche pas les figures de style, les allitérations. Je trouve ça ennuyeux. 

Quel mot aimez-vous ?
Ce n'est pas un mot très poétique mais j'aime bien "discipline". L'idée qu'elle exprime : elle peut être militaire ou matière. J'adore sa sonorité aussi. C'est un mot qui a un côté lame. Assez coupant. Discipline. 

Qu'attendez-vous du public ?
C'est plutôt ce que le public attend de moi. Être sur scène, c'est faire en fonction du public. Ce n'est pas toujours facile car on n'a aucun contrôle sur lui. Avec l'expérience, on connaît ses typologies et on arrive assez vite à percevoir s'il souhaite quelque chose de brutal, cash, plus doux ou léger. A mes débuts, mon premier réflexe était de dire que le public n'était pas bien. Mais c'est parce que j'avais été mauvais. Aujourd'hui, j'ai élargi mon éventail de scène et je sais m'adapter. Evidemment, un public pas réceptif c'est désagréable mais ce ne sera jamais de sa faute. 

Après votre premier album on vous a souvent présenté comme l'héritier de Daniel Darc. Les étiquettes, ça vous agace ?
Cela ne me concerne pas. C'est entre les journalistes et les gens qui lisent les journaux. Etre artiste, c'est exister soi-même. Je reconnais que je suis le premier à dire "tiens ça me fait penser à tel groupe". Mais l'artiste en question n'est pas concerné par ce que je pense au final. 

Quelle chanson avez-vous honte d'aimer ? 
Tous les cris les S.O.S. de Balavoine. C'est une chanson qui me paraissait complètement ringard quand j'étais ado et que j'adore maintenant. C'est hyper beau, bien écrit. Y'a un côté presque Bowie. Je regrette d'être passé à côté avant.

De qui ou quoi souhaiteriez-vous faire écho ? 
Death to the music de Marietta. On dirait un morceau des années 60 et pourtant, c'est complètement contemporain. 

Qu'est-ce qui n'éveille aucun écho chez vous ?  
Le burkini. Je trouve que cela ne devrait pas éveiller autant d'écho justement. Parce que cela devrait nous être égal que ces femmes portent un burkini pour se baigner. C'est un débat stérile. 

Y'a-t-il de l'écho dans votre frigo ?
Non parce que je suis bien entouré.