Bernard Stora nous ouvre les portes de sa VILLA CAPRICE

Vingt ans après "Un dérangement considérable", le cinéaste et scénariste Bernard Stora remonte sur le ring du cinéma avec le thriller politico-financier "Villa Caprice", en salles le 2 juin. Il y met en scène Patrick Bruel sous les traits d'un grand patron français au centre d'un scandale immobilier. Niels Arestrup lui donne le change en avocat aguerri. Pour le Journal des Femmes, Stora revient sur ce face-à-face efficace et tendu.

Bernard Stora nous ouvre les portes de sa VILLA CAPRICE
© Bac Films

Villa Caprice, de la réalité à la fiction

L'idée du film vient de l'épatante journaliste Pascale Robert-Diard, qui est chroniqueuse judiciaire au Monde. Par le passé, nous avions déjà collaboré ensemble sur un scénario. Elle a été frappée par le suicide en 2013 du célèbre avocat parisien Olivier Metzner. C'était un homme puissant, célébré, fêté, riche… Elle s'est demandé pourquoi ? Il y avait aussi cette interrogation sur le pouvoir : qui le détient ? A quel moment un homme qui se croit puissant réalise que c'est un leurre ? La thématique de Villa Caprice était là.

D'habitude, on connait le point de départ de la trame et on cherche la suite. Ici, c'était à rebours : on connaissait la fin et il fallait remonter jusqu'au début.

Pour ma part, j'avais une forte appréhension à l'idée de m'attaquer à un personnage réel. Je suis un homme de fiction. Bien que j'adore les documentaires et que j'en vois plein en étant ébloui, je ne pourrai jamais m'introduire chez des inconnus et capter leur confiance… Tout ça, je ne sais pas faire. Je préfère imaginer la vie des gens. On s'est donc naturellement dégagé de l'histoire réelle. Je n'ai pas cherché à me rapprocher de lui [Metzner].  

"Villa Caprice // VF"

Un film au cœur du pouvoir

Dans la société actuelle, les questions d'apparence sont extrêmement importantes. Celui qui arrive à maintenir d'un bout à l'autre l'image la plus pleine, crédible et enviable finit par gagner la partie. Bien sûr, ça a toujours eu un grand rôle dans le pouvoir mais, plus que jamais avec les réseaux sociaux et la simultanéité de l'info, ça a pris une tournure démesurée et toxique.

Dans le film, l'avocat s'est laissé abusé par ça: il a surestimé de beaucoup son pouvoir. Les sommes extravagantes qu'ils demandent finissent par se retourner contre lui.

Je me suis toujours intéressé à la politique et aux films politiques ; pas pour leur côté dénonciateur -on n'a pas besoin de ça pour comprendre que le capitalisme et la misère sont durs- mais pour savoir comme se font les renversements d'alliances, les coups de théâtre de dernière minute… Comme en littérature, le cinéma peut avoir un coup d'avance sur l'analyse politique et sociologique. Il peut dire la complexité des choses, raconter les mille petits canaux ou astuces qui font que quelqu'un est emprisonné dans un réseau d'amitié, de complicité, de connivence… Toutes ces choses qui conduisent dans un système de trappes successives. 

Patrick Bruel et Niels Arestrup dans "Villa Caprice". © Bac Films

Niels Arestrup et Patrick Bruel : deux acteurs idéaux

J'avais déjà tourné avec Niels Arestrup pour la télévision. Et j'avais été impressionné par la force qu'il dégage, ce côté étrange qui fait qu'il peut être tour à tour inquiétant et craquant. J'aime ce côté double ange-démon qu'il a fortement en lui. Pour jouer cet avocat, il fallait justement cette ampleur, ce côté surprenant et inattendu. J'ai pensé à lui en écrivant le personnage, ce qui est rare car je ne me fixe jamais à l'avance sur un acteur.

Patrick Bruel, je connaissais son travail. Avant lui, on a envisagé une certaine gamme de comédiens de ce niveau-là. Plusieurs aimaient le scénario mais trouvaient le rôle moins bien que celui de l'avocat. Patrick a été le premier et le seul, malin comme tout, à voir les possibilités qu'offrait le film. Il a aimé le face-à-face et suggéré certaines modifications qui allaient dans le sens de l'amélioration. J'adore l'écriture des dialogues et je tiens toujours à ce qu'ils soient dits exactement comme ils ont été écrits, avec ma musique intérieure.

Mais cette fois, je ne voulais pas enfermer les acteurs dans un carcan. Ils avaient la liberté d'incarner ces deux hommes de pouvoir qui ont leur fragilité et leur faiblesse. Avec, au centre, cette villa magnifique et inquiétante, comme une citadelle sur juchée sur un promontoire (elle est située à Ramatuelle, ndlr). (Réflexion) Vous savez, la parole des gens qui parlent est spectaculaire, comme chez Mankiewicz, qui m'influence beaucoup. Pagnol disait qu'il n'y a rien de plus beau qu'une bouche qui parle sur grand écran.