Vous allez vibrer pour EMA, le nouveau film de Pablo Larraín

Après les formidables "No", "Neruda" ou "Jackie", le cinéaste chilien Pablo Larraín signe un retour triomphal avec son sublime "EMA", en salles le 2 septembre. Il y brode le récit d'une adoption qui tourne mal et révèle le talent pantagruélique de la comédienne Mariana Di Girólamo. Le Journal des Femmes vous en livre les points forts.

Vous allez vibrer pour EMA, le nouveau film de Pablo Larraín
© Potemkine Films

Rater une adoption, un sujet rare

Si le cinéma a souvent abordé les combats liés à l'adoption, qu'ils soient heureux ou malheureux, il nous a bien plus rarement conduits vers les échecs qui l'émaillent. Que se passe-t-il quand un couple ramène l'enfant tant espéré dans son foyer et que, quelque temps plus tard, plus rien ne va ? Pour des facteurs multiples, une inexorable désillusion griffe le quotidien et pose alors la terrible sentence : l'adoption a été ratée. Et l'enfant doit être rendu. C'est le point de départ d'EMA, le nouveau long-métrage du cinéaste chilien Pablo Larraín.

Une entame douloureuse qui lui permet, en quelques plans, de désosser l'idéalisation que revêt -aux yeux de beaucoup- la thématique qu'il évoque. Et de laquelle il s'écarte graduellement à la faveur d'un somptueux portrait de femme. Car oui, très vite, il délaisse la portée sociétale et familiale de son entreprise pour virer vers un pur trip sensoriel, traversé de fulgurances, au cours duquel son indomptable héroïne, chorégraphe à la ville, va apprendre à se repositionner et se reconstruire dans son univers en miettes.

EMA ou le mythe de la femme astrale

Un feu de signalisation en flammes. Un décorum incandescent, où le rouge personnifie le feu sacré d'Ema. Combustion intérieure qui dévore ou fait renaître ; après tout, ça dépend des moments, car la jeune femme est insaisissable, fouettée constamment par ses vents antithétiques.

Quand on la voit pour la première fois, elle est fragilisée par une maternité forclose. Dans le même temps, son incoercible besoin de liberté, qui trouve dans le reggaeton sa parfaite incarnation, la pousse à filer droit devant, à vive allure. Et tant pis si un boulet du passé ralentit sa course vers une meilleure connaissance de soi et vers une possible mue.

Sous les traits d'Ema, la comédienne chilienne Mariana Di Girólamo, révélée par les séries télévisées, livre une prestation de haute volée. De tous les plans, elle devient l'astre qui articule tous les rouages de cette œuvre. Avec sa chevelure peroxydée, elle s'apparente à une divinité solaire qui renferme toutes ses identités : mère, sœur, fille, amante, épouse, danseuse et grande indécise.

Mariana Di Girólamo dans "EMA". © Potemkine

Pablo Larraín, un cinéaste loin des clous

Avec Pablo Larraín, on ne traverse jamais dans les clous. Depuis le début de sa carrière –il n'y a qu'à voir les structures non-conventionnelles des biopics Neruda et Jackie–, il a toujours voulu altérer les schémas narratifs en vigueur pour mieux saisir l'impalpable. Par conséquent, Ema ne répond jamais à une chronologie régulière, lisse, qui pré-mâcherait le travail émotionnel du spectateur.

Son montage et son ossature sont en effet pensés pour mieux nous déstabiliser, pour nous perdre dans le cheminement spirituel, charnel et cosmogonique de son personnage principal.

Etoile filante dans les nuits, ricochant dans les rues, slalomant entre les néons, entre le chaos et la plénitude. Héroïne à part entière, la ville portuaire de Valparaiso, magnifiée par la photographie de Sergio Armstrong, devient par ailleurs un dédale, un champ de guerres intimes, un écran où se projettent le passé et le présent, un terrain d'exploration et une rampe de lancement vers une meilleure compréhension de soi. Décidément, EMA brille dans la nuit par la singulière vie qui l'irrigue.        

"Ema // VOST"