EMA, NO, NERUDA et JACKIE : 4 merveilles de Pablo Larraín
C'est l'un des cinéastes les plus passionnants de la scène internationale. En huit longs-métrages, le Chilien Pablo Larraín a conquis les festivals du monde entier. Sa splendide dernière oeuvre, EMA, en salles le 2 septembre, confirme son éclatant talent. Retour sur une filmographie qui claque !

C'est en 2008, à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes, qu'est né artistiquement le réalisateur chilien Pablo Larraín. Son deuxième film, Tony Manero, nous plongeait dans le Chili de Pinochet par le prisme d'un héros, fan de La Fièvre du Samedi Soir, qui était prêt à tout pour remporter un concours de sosies. Par la suite, les œuvres se sont enchaînées, esquissant ce qui fera la marque de l'intéressé : des narrations déconstruites ou ramassées. EMA, sa dernière réalisation, ne déroge pas à ce constat. Mieux: elle marque un tournant dans sa carrière par sa dimension visuelle.
Ce portrait de femme déchirant -celui d'une mère dont l'adoption est ratée- tutoie en effet de véritables sommets esthétiques qui transcendent son sujet et magnifient l'actrice Mariana Di Girólamo. Avant de vous y jeter à corps perdus, découvrez trois longs-métrages immanquables de cet artiste. Lequel, au mitan de sa quarantaine, brille de mille feux.
NO (2013)

Chili, 1988. Tandis que Pinochet truste le pouvoir, le monde entier gronde. La colère est palpable, les lignes se distendent, tout fleure l'implosion. Dos au mur, le dictateur accepte un référendum sur sa propre présidence. C'est dans ce contexte explosif que l'opposition construit son dispositif d'attaque autour d'un publicitaire, incarné par Gaël Garcia Bernal. Ce dernier devra gérer la stratégie de communication de leur campagne.
Nommé à l'Oscar du meilleur film étranger, NO pose un point final au triptyque du cinéaste Pablo Larrain sur Pinochet, après Tony Manero et Santiago 73, post mortem.
Si la plupart des événements rapportés ici est basé sur des faits réels, cette œuvre brillante évite la reconstitution pure et dure pour proposer une sorte de fable où les rapports entre politique et l'âge d'or de la publicité sont auscultés avec aplomb. Une fable intelligente aux images vintage !
NERUDA (2017)

Avec Neruda, Pablo Larrain est allé à contre-courant des normes narratives pour raconter son compatriote, le poète Pablo Neruda. Et pour singulariser aussi celui qui, dans son pays, est considéré comme un trésor national par la force de sa prose universelle.
Si vous vous attendez à un biopic chronologique et Hollywood friendly, passez votre chemin. Ici, le maestro vous dépossède volontiers des détails de naissance, d'enfance ou d'adolescence.
Tout commence précisément en 1948. Les ramifications de la Guerre Froide ont atteint le Chili. A ce moment, Neruda est sénateur. Ses accointances communistes font enrager le président populiste Gabriel Gonzalez Videla, qui appel à son arrestation. Pour le poète, comme pour ses amis de pensée, débute une fuite et une longue clandestinité.
Non-linéaire, à la fois poétique et drolatique, cette œuvre non hagiographique désacralise un monstre sacré et passionne.
JACKIE (2017)

Au diable les ressorts normatifs, les structures clé-en-main… Pablo Larrain applique de nouveau son approche clivante avec Jackie, biopic singulier de Jackie Kennedy dont il s'est emparé in extremis en lieu et place de Darren Aronofsky.
L'occasion pour lui de tourner le premier film en langue anglaise de sa carrière. Avec une émotion contenue, brillamment diffuse, il revient sur le chemin du deuil de l'ex First Lady américaine, immortalisée à l'écran par la sublime Natalie Portman, impériale dans ce rôle qui lui a valu une nomination à l'Oscar de la meilleure actrice.
Ici, on se focalise plus précisément sur la journée du 22 novembre 1963, date à laquelle John Fitzgerald Kennedy est assassiné dans la ville de Dallas. Sans pathos ou effets pompiers, Larraín va chercher sous la figure de cette femme mythique ce qu'il y a de plus beau, déchirant, intimiste… et, surtout, humain.