MADRE : 3 bonnes raisons de saluer la reconstruction d'une mère meurtrie

C'est l'un des grands films de ce retour au cinéma. "Madre", la nouvelle réalisation du virtuose espagnol Rodrigo Sorogoyen, en salles le 22 juillet, dresse le portrait déchirant d'une mère ravagée par la disparition de son enfant. Le Journal des Femmes vous en livre les principaux atouts.

MADRE : 3 bonnes raisons de saluer la reconstruction d'une mère meurtrie
© Le Pacte

Une ouverture phénoménale

A l'origine, il s'agit d'un court-métrage mondialement plébiscité et fleuri de prix. Son titre ? Madre. Efficace, terrifiant, inoubliable. De quoi vous briser la mâchoire dans un grand fracas. Le pitch ? Une maman reçoit un coup de fil. C'est son fils. Il a égaré son papa et se retrouve seul face à un inconnu sur une plage immense et déserte des Landes. Elle panique, hurle. L'enfant a peur, le danger plane. La caméra ne quitte pas l'appartement. Jusqu'à ce que la mère, liquéfiée, raccroche, certaine qu'il est arrivé un drame.

Des années après avoir livré cette œuvre courte et saisissante, le cinéaste espagnol Rodrigo Sorogoyen s'est dit –au même titre que son équipe de l'époque– qu'il convenait d'offrir une suite à cette héroïne aux abois, qu'il était impensable de la laisser ainsi, dévalant les escaliers en pleurs.

Résultat ? Il a fait de son court-métrage à succès la séquence introductive de ce long-métrage, catapultant le spectateur dix ans après les faits. Elena vit désormais dans les Landes et travaille dans un restaurant pied dans l'eau, guettant l'hypothétique retour de sa raison d'être. En vain. Celle que tout le monde surnomme "la folle de la plage" surfe sur ses propres limbes.

Un savant mélange des genres

Marta Nieto et Jules Porier dans "Madre". © Le Pacte

A l'instar de ses précédentes réalisations –les impressionnants Que Dios nos Perdone et El Reino–, dont la lumineuse amplitude en a déconcerté plus d'un, Sorogoyan a choisi ici, malgré une intrigue plus intime et moins diffuse qu'à l'accoutumée, d'entremêler les genres.

D'abord une introduction digne d'un thriller hitchockien. Puis, soudain, grâce à une ellipse, advient un glissement vers le drame intestin, celui d'une mère percluse, vivante sans vie, respirant puisqu'il le faut. Seule dans cette largesse des paysages que le grand angle utilisé sublime autant qu'il interroge: comment un enfant a-t-il pu disparaître dans une zone aussi vide ? Le cinéaste laisse son héroïne prendre le cadre, n'hésitant pas à user du plan-séquence pour insuffler toujours plus de réalisme.

Et, enfin, une bascule: l'arrivée de Jean, un adolescent venu passer ses vacances en famille dans le coin. Troublée, Elena se rapproche de lui en y entrevoyant les traits de son fils disparu. Et entame un cheminement des ténèbres vers la lumière, possiblement sauvée par cet amour –parfois malaisant– qui remonte comme une lave depuis le noyau de ses traumatismes. Du thriller au film d'amour, il n'y a qu'un pas.  

Marta Nieto, une actrice époustouflante

Elle est de tous les plans. Déjà à l'affiche du court-métrage homonyme, Marta Nieto, connue en Espagne pour ses rôles à la télévision, constitue la colonne vertébrale de ce projet. Sa prestation, à la lisière d'une folie que Sorogoyen ne juge jamais –au contraire, il se refuse à regarder son héroïne comme telle–, est tout bonnement sidérante.

Il n'est d'ailleurs pas étonnant que la ravissante comédienne ait remporté le prix Orizzonti de la meilleure actrice au dernier Festival de Venise. En favorisant une économie maximale de jeu, elle parvient à imprimer (ou à laisser transparaître) la peur, la tristesse, le dépit, l'amour ou l'espoir sur son visage. Face à elle, elle trouve en Jules Porier un partenaire idéal.

Magnifié par la lumière d'Alejandro de Pablo, le chef-opérateur attitré de Rodrigo Sorogoyen, ce duo atteint l'acmé de sa puissance lors d'une séquence où tombent les notes et la voix de Damien Saez, comme une blessure qui ne cicatrise jamais mais qu'on pourrait aussi assimiler à une forme de guérison. Un très beau film sur la reconstruction qui vous touchera le cœur de l'âme.