LA NUIT VENUE : 3 bonnes raisons d'embrasser les néons de Paris

En salles le 15 juillet, "Le Nuit Venue" marque les premiers pas derrière la caméra de Frédéric Farrucci. Entre love-story nocturne et polar à l'esthétique chiadée, le cinéaste transforme l'essai grâce notamment à son duo-star: Camelia Jordana et le débutant Guang Huo. Une réussite qui scintille dans la nuit.

LA NUIT VENUE : 3 bonnes raisons d'embrasser les néons de Paris
© Jour2Fete

Deux magnifiques personnages

Le réalisateur Frédéric Farrucci aime à dire que la nuit est propice à la rencontre entre la norme et la marge. Une plage d'obscurité lumineuse, un espace de tous les possibles, d'égarement, nébuleux, suspendu. A l'instar de ce moment où ses deux oiseaux de nuit vont s'accrocher sur le fil d'un habitacle de voiture. Il est chauffeur VTC, taciturne, en situation irrégulière, exploité jusqu'aux abysses par une mafia impitoyable. Elle est call-girl, sans mac, sans amies, sans personne, fuyant entre les néons comme une ombre errante. Un soir, le premier va conduire la seconde. Silences feutrés. Musique électronique. Lumières sautillantes. L'amour va vite s'en mêler, poussant deux ruisseaux solitaires à devenir un fleuve vigoureux. La Nuit Venue séduit d'emblée grâce à ses deux personnages principaux, amants en puissance dont la force romanesque exhalée irradie à incandescence.

Camélia Jordana dans "La Nuit Venue". © Jour2Fete

Une atmosphère amniotique   

Mettre un pied dans cette œuvre, c'est la garantie d'un voyage purement sensoriel, conçu à la mise en scène comme un véritable trip immersif. En témoigne l'usage de la voiture, lieu clos, délicieusement cotonneux, dans lequel les langues vont se délier. Plus tard, sur une lumière rougeâtre, les épris danseront lascivement. Laissés-pour-compte, abandonnés, ces deux-là vont glisser sur la magnifique musique de Rone –troisième héros de l'histoire tant son importance est grande– et nous perdre avec délice dans des dédales fiévreux et délictueux.

Farrucci, armé d'un chef-opérateur brillant, tire ici le meilleur profit d'un Paris nocturne filmé avec une maestria indéniable et un sens de la cinégénie désarmant. Difficile de ne pas en ressentir les vibrations et les émotions.

Une portée politique

C'est par le prisme des codes du film noir, qu'il chérit, -certains verront une influence du côté de Drive alors que la référence ici est clairement Taxi Driver- que Frédéric Farrucci affine la dimension politique de son labeur. Il s'attaque, en filigrane de la mafia, à un ennemi invisible : ce capitalisme qui décharne les êtres, comme son héros, les forçant à épouser des trajectoires dangereuses et dévalorisantes. C'est d'ailleurs ce volet du projet qui a séduit Camelia Jordana, impériale de nuances et de retenue sous les traits de l'héroïne.

Face à elle, Guang Huo, recruté grâce à un casting sauvage, séduit en homme traqué et utilisé. Il aura fallu sept ans au cinéaste pour concrétiser ce projet qui, aujourd'hui, s'offre à nous comme une formidable promesse de cinéma. Un des meilleurs premiers films de l'année. Entêtant et envoûtant.    

Ecoutez le podcast : https://soundcloud.com/user-654809792/john-jin-ou-quand-la-nuit-venue-rencontre-la-realite