UN FILS, BENNI, FILLES DE JOIE : nos coups de coeur pour la réouverture des cinémas

Mettez vos nerfs à vif face à une fillette tempétueuse. Entrez dans l'intimité de plusieurs travailleuses du sexe. Vibrez devant la solidarité canine. Auscultez un couple qui prend l'eau. (Re)découvrez une figure féminine majeure du cinéma. "Benni", "Filles de Joie", "Nous, les chiens", "Un Fils" et "Be Natural, l'histoire cachée d'Alice Guy-Blaché" sont nos conseils ciné de la semaine.

UN FILS, BENNI, FILLES DE JOIE : nos coups de coeur pour la réouverture des cinémas
© Ad Vitam

Benni de Nora Fingscheidt

C'est le film coup de poing de la réouverture des cinémas. Initialement prévu le 18 mars, Benni de Nora Fingscheidt a vu sa jeune héroïne –petite blonde sur fond rose en train de crier– squatter divers panneaux publicitaires pendant le confinement. Un cri figé qui, finalement, décrit parfaitement ce long-métrage nerveux dont le bruit du choc reste durablement en tête. On y découvre une fillette de neuf ans, laissée de côté par sa mère et enchaînée par des crises de colère et de violence incontrôlables. Caméra à l'épaule, sans temps mort –donc sans repos pour un spectateur sonné–, la réalisatrice nous restitue une trajectoire chaotique, au fil de laquelle Benni est baladée de foyer en foyer, avant d'être prise en charge par un éducateur qui va tout tenter pour l'apaiser. Transcendé par la performance de la jeune Helena Zengel, ce drame implacable est une course effrénée vers un hypothétique amour maternel. Déchirant.      

Avec Helena Zengel, Albrecht Schuch, Gabriela Maria Schmeide (1h58)

Filles de Joie de Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich

Derrière les apparences, Axelle (Sara Forestier), Dominique (Noémie Lvovsky) et Conso (Annabelle Lengronne) mènent une double vie. Tous les jours, elles convergent vers un parking de leur cité pour rejoindre une maison close de l'autre côté de la frontière. Écartelées entre un quotidien familial riche en impératifs et une activité professionnelle qu'elles s'efforcent de cacher aux autres, ces trois battantes sont aux prises avec les difficultés du monde et deviennent, de facto, le réceptacle de toute sa violence. Avec humanité, les cinéastes Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich célèbrent ici l'entraide et l'héroïsme féminin de ces personnages qui, par-delà leur réalité souvent suffocante, n'hésitent pas à se serrer les coudes. Très politique, le projet, porté par un joli trio d'actrices, voudrait justement que la honte ne soit plus portée par les femmes qui se prostituent.    

Avec Sara Forestier, Noémie Lvovsky, Annabelle Lengronne (1h31)

Nous, les Chiens de Oh Sung-yoon et Lee Choon-Baek

Après Lili à la Découverte du Monde Sauvage, qui fut un grand succès en Corée, le duo Oh Sung-yoon et Lee Chon-Baek signe avec Nous, les chiens une vibrante déclaration d'amour à nos amis canins, en prenant soin d'alerter les consciences quant aux ravages des abandons. D'ailleurs, la première séquence donne le la. Un homme gare sa voiture au milieu des bois et fait mine de jouer avec son chien, en lui lançant une balle de tennis au loin. Lorsqu'il la ramène, son maître a disparu, laissant l'animal perclus dans une solitude déchirante. Fort heureusement, le karma met sur son chemin une meute de toutous errants, philosophes et résignés, pour qui la débrouille et l'entraide sont les devises. Avec eux, le héros va entamer un voyage touchant vers sa propre liberté, loin de l'égoïsme des humains. Réalisé avec un mélange de 3D pour les décors, inspirés de la peinture traditionnelle coréenne, et de 3D, ce film d'animation passé par Annecy est le spectacle idéal pour renouer avec les salles en famille.

Avec les voix de Claire Tefnin, Pierre Le Bec, Pierre Lognay (1h42)

Un Fils de Mehdi M. Barsaoui

Nous sommes en 2011, quelques mois après la révolution. Farès et Meriem filent le parfait amour. Mais leur destin bascule brusquement lorsqu'ils sont pris pour cible par un groupe terroriste et qu'une balle perdue blesse grièvement leur fils unique de neuf ans. Commence alors une course contre la montre, avec, en filigrane, une auscultation des failles du couple et une peinture sociétale passionnante. Pour son premier long-métrage, très personnel puisque ses parents ont divorcé très jeune et que la question de la filiation l'a toujours hanté, Mehdi M. Barsaoui orchestre un thriller hospitalier d'une grande précision, sans gras, qui piste ses personnages caméra à l'épaule pour mieux en exposer les forces et les faiblesses, mais surtout pour nous faire ressentir au plus près les émotions qui les animent. Pour votre plaisir, nous tairons l'objet de la querelle qui secoue le couple, campé à merveille par Sami Bouajila (récompensé à Venise) et Najla Ben Abdallah. Une belle découverte, tendue et prometteuse.     

Avec Sami Bouajila, Najla Ben Abdallah, Youssef Khemiri (1h36)

Be Natural, l'histoire cachée d'Alice Guy-Blaché de Pamela B. Green

C'est une injustice hallucinante que tente de corriger Pamela B. Green avec ce documentaire qui met en lumière le travail colossal de la première femme réalisatrice, productrice et directrice de studio de l'Histoire du cinéma : Alice Guy. Trop souvent méconnue, jusqu'aux personnalités du cinéma qui sont interviewées dans le cadre de cette œuvre –à commencer par la narratrice Jodie Foster–, l'intéressée a pourtant marqué les esprits par son parcours riche et foisonnant, entre la France où elle a commencé sa carrière en tant que secrétaire de Léon Gaumont et les Etats-Unis, où elle a tenu son propre studio dans le New Jersey. Au total, elle a réalisé environ 1000 films coiffant des thématiques diversifiées comme l'immigration ou l'émancipation des femmes. Cette œuvre qui la réhabilite est le fruit de huit années de recherches. Elle est ponctuée des témoignages d'intervenants de premier plan, à l'instar de Geena Davis, Michel Hazanavicius, Julie Delpy ou Agnės Varda. Instructif !     

Avec Evan Rachel Wood, Andy Samberg, Geena Davis (1h42)