Salomé Richard : "Mon personnage a un courage dont je manque parfois"

Dans "Rêves de Jeunesse" d'Alain Raoust, au cinéma dès le 31 juillet, Salomé Richard offre son talent brut à un vibrant portrait de (jeune) femme qui s'ouvre à la vie. Entretien avec une comédienne épatante.

Salomé Richard : "Mon personnage a un courage dont je manque parfois"
© Shellac Distribution

Diplômée du Conservatoire de Mons en Art Dramatique, l'actrice belge Salomé Richard, 32 ans, a été remarquée il y a trois ans dans Baden Baden de Rachel Lang, oeuvre atypique pour laquelle elle avait reçu le Magritte du Meilleur Espoir Féminin (équivalent belge de nos César). Dans Rêves de Jeunesse, elle trouve un nouveau premier rôle éclatant : celui de... Salomé, une jeune femme embauchée le temps d'un été caniculaire dans une déchetterie. Taciturne et renfermée, cette dernière va graduellement écouter ses envies et s'ouvrir sous le regard du cinéaste Alain Raoust. Salomé Richard porte sur ses traits et son timbre une merveilleux mariage de force et de fragilité. Nous lui avons parlé. 

Comment êtes-vous arrivée sur le projet ?
Salomé Richard :
Alain Raoust m'a remarquée dans Baden Baden et m'a proposé qu'on se rencontre autour de son scénario et d'un mood board. Nous nous sommes donc vus et avons discuté du projet. À l'époque, le personnage s'appelait encore Garance, et je crois me souvenir que lors de ce premier rendez-vous, sa langue a fourché et c'est comme ça que je suis devenue Salomé dans le film.

Salomé Richard et Estelle Meyer dans "Rêves de Jeunesse". © Shellac Distribution

Qu'est-ce qui vous a plu dans le scénario et dans votre personnage ?
Salomé Richard : C'est une héroïne qui, après avoir écouté les autres autour d'elle, parvient (re)prendre les choses en main et renouer avec ce vieux projet consistant à aller vivre un an dans les bois. Ce qui m'a séduite, c'est sa force placide, sa façon d'agir, de mettre les choses en place avec tranquillité, de sortir du mainstream, de prendre la tangente sans trop regarder en arrière ou déplorer ce qu'elle quitte. Elle a un courage dont je manque parfois.

Elle a le même prénom que vous... Est-ce que ça rend l'expérience encore plus personnelle ?
Salomé Richard :
Ça rend en tout cas le tournage pratique et confortable : on n'est pas constamment appelée par le nom du personnage. Par contre, ça conforte peut-être les spectateurs dans l'idée que je suis cette femme-là. Qu'on soit bien clairs, cette femme est une idée née de la tête d'Alain Raoust. Et j'ai accepté avec plaisir de lui prêter mon prénom.

J'ouvre une parenthèse : il paraît que vous devez votre prénom à un film de Claude Lelouch. Vous nous expliquez ?
Salomé Richard :
J'ai longtemps cru que je devais mon prénom à une réplique de film de Lelouch –dont la fille s'appelle aussi Salomé–, mais je viens d'avoir mon père au téléphone et il dément l'anecdote. C'est plutôt à Oscar Wilde ou à l'Hérodias de Flaubert qu'il attribue son inspiration.

"Je fais partie du collectif Elles Font des Films qui milite pour la place des femmes dans l'industrie du cinéma."

Faisait-il aussi chaud lors du tournage ? Quelle était l'ambiance sur le plateau ?
Salomé Richard :
Il faisait chaud mais sans doute pas autant que le plissement de mes yeux éblouis en donne l'air. La haute montagne reste respirable. Ceci dit, dans la déchetterie, le manque d'ombre et la clarté du sol se sont parfois fait sentir. L'ambiance sur le plateau était au joyeux dynamisme. Le cinéma, comme la construction de cabanes, est une aventure collective. Le peu de temps et de moyens dont nous disposions nous ont poussés à être efficaces et bienveillants.

Votre personnage et ceux qui l'entourent semblent former un véritable Radeau de la Méduse. Est-ce que cette métaphore vous semble juste ? 
Salomé Richard :
L'histoire du Radeau de la Méduse est celle d'une catastrophe qui, en prime, finit très mal : ils sont quasi tous morts ! Ici, nous sommes face à des personnages qui, laissés pour compte au sein la société contemporaine, décident de s'organiser et de construire un mode de vie alternatif, en dehors des sentiers battus. Ils ne sont pas du tout à la dérive ! Ils sont outillés et prennent leur destin en main.

Salomé Richard et Yoann Zimmer dans "Rêves de Jeunesse". © Shellac Distribution

Qu'aimez-vous sur les œuvres qui explorent la thématique de la jeunesse et de ses éveils ? 
Salomé Richard :
Sans doute une remise en question des normes établies, un élan, un renouveau, une lutte. Mais, à vrai dire, je ne crois pas que ce soit le propre de la jeunesse ou d'un certain âge...

Alain Raoust parle de cinéma politique. Qu'est-ce qu'il y a de plus politique dans ce film ?
Salomé Richard :
Pour ma part, j'y vois une juxtaposition de récits intimes et personnels qui sont finalement endoloris par la même chose : un système problématique, un monde auquel il est de plus en plus difficile de trouver un sens et de vivre. Et quoi de plus politique que l'intime ?

Vous trouvez là un nouveau premier rôle après Baden Baden. Quel souvenir gardez-vous de Baden Baden ? C'était d'ailleurs, incroyable coïncidence, pendant un été caniculaire !
Salomé Richard :
Étonnamment, il ne faisait pas non plus si chaud que ça pendant le tournage de Baden Baden. Ce qui relie ces deux films, c'est sans doute cette façon dont le personnage que je porte cherche (l'une en construisant des cabanes, l'autre des salles de bains) et trouve des moyen de redevenir active, de reprendre sa vie en main. Les deux trajectoires explorées donnent du courage, de la force.

Qui vous a donné envie de faire ce métier et quels sont vos modèles ?
Salomé Richard :
J'ai commencé par hasard à 19 ans dans un premier court métrage. Je ne voulais pas particulièrement en faire mon métier. C'est plus tard, et grâce à certaines personnes que j'ai rencontrées, que j'ai décidé d'en vivre. Les modèles que j'ai sont des femmes comme Delphine Seyrig qui ont profité de la tribune offerte par les média pour pouvoir se positionner et se battre notamment pour les droits des femmes.  

Vous militez justement pour les droits des femmes. Pouvez-vous nous dire comment se manifeste cet engagement ? 
Salomé Richard :
Depuis quelques années, je suis aussi passée derrière la caméra et je fais partie du collectif Elles Font des Films qui milite pour la place des femmes dans l'industrie du cinéma, derrière comme devant la caméra. Et ce, afin que nous puissions avoir accès à des représentations plus justes du monde dans lequel nous vivons.

Quel est votre rêve de jeunesse ? 
Salomé Richard :
Peut-être que la jeunesse soit un état d'être, plus qu'un âge. Une forme de désaccord fondamental.

"RÊVES DE JEUNESSE // VF"