Grégory Gadebois : "Mon rêve, c'était la Légion Etrangère"
Dans "Pauvre Georges !" de Claire Devers, en salles le 3 juillet, Grégory Gadebois incarne un professeur en proie aux désillusions qui, un beau jour, prend un jeune garçon déscolarisé sous son aile. Entretien.
Loin du star-system, l'allure camarade et débonnaire, Grégory Gadebois répond aux questions avec simplicité. Discret et non moins brillant, il mène depuis quelques années une carrière passionnante, faisant le bonheur du cinéma d'auteur français. Bouleversant dans Angèle et Tony d'Alix Delaporte, glaçant dans Marvin ou la Belle Education d'Anne Fontaine (qu'il retrouve dans Police aux côtés d'Omar Sy et Virginie Efira, bientôt en salles), il est à l'affiche le 3 juillet de Pauvre Georges !, l'adaptation par Claire Devers du roman homonyme de Paula Fox. Il y étincelle sous les traits épuisés d'un professeur de français fraîchement installé au Québec et qui prend sous son aile un ado désorienté ayant fait irruption chez lui. Nous avons rencontré le comédien pour faire le point. Au menu : éducation, flics ou jeux vidéo.
Vous retrouvez la réalisatrice Claire Devers sept ans après le téléfilm Rapace, dans lequel vous incarniez un trader. Qu'est-ce qui cimente votre lien ?
Grégory Gadebois : Et à chaque fois, je joue un personnage qui s'appelle Georges (rires). Claire a un œil de cinéaste que j'aime. Elle m'a fait lire le scénario de Pauvre Georges !, et je l'ai trouvé superbe. Pour moi, le texte et le point de vue du metteur en scène sont primordiaux. Sans ça, il n'y a pas d'acteur. En revanche, je n'ai pas lu le roman homonyme de Paula Fox. Je n'avais pas lu non plus En finir avec Eddy Bellegueule d'Edouard Louis pour préparer Marvin ou la Belle Education d'Anne Fontaine. Allez savoir : c'est de la fainéantise ou peut-être l'impression de me mêler de ce qui ne me regarde pas.
Au-delà de votre personnage, qu'est-ce qui vous a interpellé dans le récit ?
Grégory Gadebois : Je ne saurai le dire avec précision. J'aime ce que ça raconte de la vie, de ce vernis qui craque souvent, des apparences, de ce qu'on croit que les gens sont… Les êtres humains peuvent parfois faire de bonnes choses par égoïsme ou par fuite. En tout cas, j'ai aimé jouer un prof, moi qui les ai subis. Eux aussi m'ont subi, d'ailleurs (rires).
"Je ne fréquente plus trop les jeunes."
Georges est un personnage protéiforme. Comment l'avez vous perçu ?
Grégory Gadebois : Georges se voyait comme quelqu'un qui voulait sauver les autres, leur apprendre des choses, être bienveillant alors qu'en fait, c'était de l'égoïsme. Selon moi, ce n'est pas quelqu'un de très sympathique. C'est même un gentil méchant. Il est méchant par gentillesse ; il aide ce gamin pour s'aider lui-même… Et, par voie de conséquence, il crée des réactions en chaîne.
Pourquoi a-t-il peur de Zach ? Que traduit ce sentiment ?
Grégory Gadebois : Parce qu'il y a eu une intrusion. Après, l'explication concrète, je ne l'ai pas. La peur, c'est très abstrait. Une chose qui fait peur peut rassurer le lendemain. Le rapport à ce sentiment diffère selon les gens. Moi, ce qui m'effraie, c'est l'humain et ce qui peut arriver aux gens que j'aime.
Georges a-t-il été trop utopiste dans sa vision de la vie ? D'ailleurs, fait-il bon de l'être ?
Grégory Gadebois : Il a peut-être une petite désillusion par rapport à son métier, à son couple, à sa vie… Est-ce que cette désillusion arrive à cause de lui ? A-t-il, à son insu, provoqué cet état de fait ? Je ne crois pas qu'il ait jamais bien fait son métier. (Réflexion) Il faudrait parfois être utopiste dans un monde où plus rien ne fonctionne. Dans des moments obscurs, les idées utopiques peuvent donner de l'espoir. Il faut arrêter de ne penser qu'à l'argent, qu'au profit à tout prix…
Y a-t-il toujours une tempête qui gronde chez quelqu'un de calme ?
Grégory Gadebois : (Rires) Oui, je crois. J'aime ce type de personnage capable de ruptures, de violence, de pétage de plombs. Je me méfie des gens trop calmes, de ceux qui ne parlent pas, plutôt que des petits excités. C'est comme les chiens : il y a ceux qui aboient et ceux qui se taisent et mordent.
Pauvre Georges ! ausculte une forme de régression de la pensée qui commence à l'école et se répand… Vous souscrivez à ce constat ?
Grégory Gadebois : Je ne fréquente plus trop les jeunes. Mes copains n'ont plus de parents, mais des enfants… En tout cas, ça m'attristerait qu'il y ait une régression de la pensée. On est clairement soumis à des choses abrutissantes comme les écrans. On n'apprend d'ailleurs plus les choses. On tape notre requête sur Wikipedia et on a la réponse quand on veut. L'époque est bizarre.
Etes-vous accro aux écrans ?
Grégory Gadebois : J'ai un smartphone et un iPad pour regarder des films. J'ai aussi des jeux vidéos. Je joue à la Playstation. J'ai acheté récemment le dernier Red Dead Redemption, un jeu de cowboys. C'est tellement génial. Entre le moment où on commence et celui où on fait trois missions, il est déjà 3h du matin. Quand je ne tourne pas pendant un mois, je prends une bonne semaine pour finir un jeu. Je regarde beaucoup la télé aussi. Je suis bon public. J'adore les séries ; mes préférées sont Les Soprano, Six Feet Under, The Wire, Breaking Bad… Il y a en a tellement en même temps, et pour tous les goûts. Il y a des millésimes qu'il faut laisser se bonifier, et d'autres bons vins de table comme Sons of Anarchy. Quand je rentre du théâtre, j'aime bien tomber sur New York Police Judiciaire : ça désaltère. Des pinards de table, c'est parfait quand on a soif.
"Mon rêve, c'était la Légion Etrangère, tout en étant réfractaire à l'autorité."
Quel type d'élève étiez-vous à l'école ?
Grégory Gadebois : J'étais dans le camp des mauvais élèves. Je faisais l'imbécile. Beaucoup de profs se disaient : "Qu'est-ce qu'il va devenir ce Gadebois ?" Le CAP, je ne l'ai pas eu. Le BEPC, je l'ai raté deux fois. Faut y aller quand même ! Mon rêve, c'était la Légion Etrangère, tout en étant réfractaire à l'autorité. Je crois que c'est de là que viennent mes soucis avec les profs. Je déteste qu'on me dise à quelle heure me lever, aller à la récré, manger, etc… Je n'aime pas suivre la ligne…
Auriez-vous pu être prof ?
Grégory Gadebois : Non… Mais policier, plutôt. J'aime l'uniforme. J'ai fait le service militaire dans la police. J'aimais l'idée de sauver le monde, d'empêcher les agressions… J'avais une vision un peu fictionnelle… J'en ai rencontré pas mal. Il y a beaucoup de gens bien. Je crois qu'on est le seul pays au monde où on n'aime pas à ce point les policiers. Après, c'est pas très cool quand ils m'arrêtent et me font perdre un point parce que je n'ai pas mis de gants à moto homologués pour faire 3 bornes (sourire).
Abandonner le désir de transmettre, c'est…
Grégory Gadebois : Georges ! (rires) La véritable question est plutôt de savoir ce qu'on transmet.