Grégory Gadebois se fait une place au soleil
Grégory Gadebois passe des planches aux lieux de tournage au gré des rencontres. Nous l’avons rencontré au Festival du Film Francophone d’Angoulême pour le film Au plus près du soleil dans lequel il interprète un avocat tiraillé entre l’éthique de son métier et ses choix familiaux.
Comment-vous présentez-vous à nos lectrices ?
Grégory Gadebois : J’ai commencé mon parcours au conservatoire de Rouen puis à celui de Paris et puis je suis passé à la Comédie française pendant cinq ans. Je fais ce que l’on me propose.
Comment choisissez-vous vos projets ?
Je ne sais pas trop. Par exemple pour le film Les Ames grises, je me suis assis à côté d’Yves Angelo, il m’a parlé du film et je me suis dit "J’aime beaucoup cet homme". C’est un peu comme cela tout le temps, je crois que c’est des rencontres, des scénarios aussi, quand ils me plaisent, mais je n’ai pas de méthode. Peut-être que le fait de ne pas avoir de méthode c’est une méthode.
Présentez-nous le personnage d’Olivier que vous incarnez dans ce film...
Olivier est un avocat marié à une juge, la nature de son métier est important pour comprendre sa vision des choses dans le film car s’il avait eu une autre profession cela n’aurait pas été la même histoire. C’est un homme qui est pris entre la réaction de sa femme, qu’il aime, et son métier. Il ne va pas tomber amoureux de la femme qu’il rencontre (la mère biologique de son enfant interprétée par Mathilde Bisson ndlr), mais il a envie de l’aider pour le concept de justice qu’il incarne.
C’est un avocat qui incarne la rigueur du droit, une froideur aussi ?
Oui, et j’aimais l’idée qu’il n’aime pas la mère biologique de son enfant . C’est un personnage tiraillé entre sa vie d’homme et son métier qui sont très liés car je crois que l’on aime ce que l'on fait finalement.
Comment arrive-t-il à conjuguer cela ?
Il n’y arrive pas. L'avocat Éric Dupond-Moretti a rencontré Yves Angelo pour mettre du vrai dans les scènes de magistrature, il lui disait "les avocats ont les voit dès la cour de récrée".
Est-ce que vous pensez que l’on peut appliquer les concepts de justice dans le cadre de l’intimité d’un couple ?
Non, mais on aime l’autre pour ce qu’il est et donc pour ce qu’il fait. Je pense qu’à la fin il n'aurait pas pu aimer sa femme comme il l’aimait avant.
Pour vous? était-ce une évidence d’accepter ce rôle ?
Oui, une évidence dans le sens où je n’imagine pas dire "non" à Yves Angelo. J’espère qu’on aura d'autres projets ensemble.
Quel est le moteur de vos choix pour trancher entre le théâtre et le cinéma ?
C’est les gens, les histoires, mais surtout les gens. Alors parfois on se fait avoir, mais pas avec Yves. Cela ressemble à la perfection.
Avez-vous une anecdote qui vous a marqué durant le tournage ?
Je n’ai pas de souvenir particulier, mais plutôt une sensation générale. Je suis toujours heureux sur un plateau et Yves a été très important tout au long de mon parcours, j’ai compris plein de choses et j’apprends plein de choses à chaque fois.
Interview aléatoire :
Qu’est-ce-que vous aimez chez vous ?
Ma fiancée.
Quelle question aimeriez-vous que l’on vous pose ?
Je ne saurai pas le dire.
A qui aimeriez-vous être comparé ?
C’est difficile comme question. J’ai joué dans un spectacle récemment et sur l’affiche était marquée "Le nouveau Raimu" ce n’est pas déplaisant.
Quel est le rapport à votre corps ?
C’est un outil de travail et je n’en prends absolument pas soin, j’en ai conscience. Je vais m’en occuper, il faudrait que je fasse un petit régime. Avec l’âge on se rend compte qu’à vingt ans on était indestructible, à cette époque j’étais très fort physiquement, je faisais beaucoup de sport et n’avais peur de rien. Et puis le temps passe et on se rend compte qu’on ne lève plus la jambe aussi haut. Il faut faire attention à soi.
Est-ce que ce corps imposant est une carapace que vous avez construite ?
Non, je ne sais pas à quel âge on prend conscience des choses,mais vers 6-7 ans j’ai toujours voulu essayer de me fondre, d’être comme tout le monde mais je n’ai jamais réussi. J’avais la taille XXL, la tête pas comme les autres, j’ai toujours eu le sentiment de ne pas être normal. Alors, ce qui est génial c’est que lorsque l’on fait du théâtre, tout d’un coup les gens commencent à vous dire "Monsieur vous avez un physique". C’est rigolo, le "à cause de" qui devient "grâce à".
Pensez-vous que votre puissance de jeu est liée à votre puissance physique ?
Je ne sais, je ne m’en rends pas compte. Mais c’est gentil de me dire que j’ai une puissance de jeu, je suis un peu gêné. J’essaie de renvoyer un peu mais c’est quelque chose qui se fait à deux. C’est l’autre qui fait la scène, c’est ce qu’il envoie qui fait que l’on réagit, certes à partir d’un point de départ. Je crois que Michel Serrault disait "ce n’est pas Lino Ventura ou moi, c’est ce qui se passe entre les deux, les étincelles". Il y a quelque chose d’invisible qui se passe et que le réalisateur essaie de filmer. Yves ne veut pas filmer celui qui parle ou celui qui écoute mais ce qui se passe dans la scène. Une chose que l’on ressent mais qui n’est pas palpable.
Dans ce film les cadrages sont très serrés et pourtant votre corps semble insensible à la sulfureuse Mathilde ?
J’ai abordé le personnage d’Olivier en me disant qu’il n’est absolument pas attiré par cette femme et que s’il l’avait rencontré dans d’autres conditions, il ne l’aurait pas non plus apprécié. Mais il est obligé d’aller vers elle pour cette vision de justice et puis c’est aussi la mère biologique de son enfant.
Il se refuse sexuellement à elle pendant un temps et ensuite il est obligé de porter le mensonge...
C’est toujours une question de case, on a besoin que les gens entrent dans des cases. D'ailleurs, les gens qui n’en n’ont pas sont très déroutants et peut-être que c’est cela pour Mathilde. Elle a besoin de trouver une case à Olivier car il est prêt à l’aider sans pour autant attendre une contrepartie sexuelle. Et puis cela finit par arriver, Mathilde le force en quelque sorte. Sur le tournage j’appelais cela la "scène du viol", mais c’était pour plaisanter.
Cette scène était-elle difficile à tourner ?
J’essaie toujours d’alléger ce genre de scène que je surnomme "cascade".
En êtes-vous déjà venu aux mains avec quelqu’un ?
Oui, il y a longtemps. A la campagne en Normandie quand on avait un souci on se bagarrait, mais ce n’est pas bien.
Avez-vous grandi dans un milieu artistique ?
Non pas du tout. Ma maman était institutrice, elle est à la retraite maintenant et mon père était ouvrier dans une usine. Personne dans ma famille n’était artiste de profession. Mais beaucoup avait un sens artistique, ne serait-ce que faire rire l’autre c’est de l’art et beaucoup de gens de ma famille me faisaient rire.
Rire et faire rire c’est important pour vous ?
J’aime bien rire, je me m’en rends compte. Par exemple j’adorai l’école parce qu’on riait, dès qu’il y avait une petite autorité c’était facile de rire. A l’époque c’était encore un petit peu strict.
Vous parlez comme si c’était en 1950, mais vous n’êtes pas si vieux...
L’école a changé. Maintenant pour rigoler à l’école j’ai l’impression qu’il faut passer le prof par la fenêtre. J’ai le souvenir que lorsque l’on répondait c’était très grave. Je me souviens de monsieur Ardoin, mon professeur de mathématique, quand je répondais il était furieux, mais on rigolait sans que ce soit grave. Aujourd’hui, je ne sais pas comment est l’école je n’ai pas d’enfant.
C’est un projet ?
Certainement oui.
Quel est le comble de la vulgarité ?
Ce qui me vient comme ça c’est peut-être de l’imposer aux autres en faisant passer cela pour de l’élégance. Il y a des gens qui se croient fins, subtils…. Mais peut-être que c’est moi le comble de la vulgarité ! En tout cas c’est très désagréable la vulgarité mais je ne parle pas de la vulgarité des mots, cela ne me dérange pas, je parle plutôt de la vulgarité morale. Par exemple les gens qui magouillent, l’homme politique qui ne paie pas ses impôts et qui dit avoir une phobie administrative, cela me met en colère.