Teona Strugar Mitevska se confesse sur DIEU EXISTE, SON NOM EST PETRUNYA 

Cinquième long-métrage de Teona Strugar Mitevska, "Dieu existe, son nom est Petrunya", en salles le 1er mai, met en scène une jeune femme qui entend défier le patriarcat. La cinéaste macédonienne revient sur trois volets de son projet.

Teona Strugar Mitevska se confesse sur DIEU EXISTE, SON NOM EST PETRUNYA 
©  Pyramide Distribution

Prix du jury œcuménique à la dernière Berlinale, où il a été présenté en compétition, Dieu existe, son nom est Petrunya marque la cinquième réalisation de Teona Strugar Mitevska, née en 1974 dans une famille d'artistes à Skopje, en Macédoine. Pour l'occasion, l'intéressée nous relate par le menu une incroyable histoire vraie qui a eu lieu en 2014, dans son pays, lors de l'Epiphanie. Tandis qu'un lancer de croix est organisé, et que seuls les hommes peuvent y participer, une femme plonge à l'eau et remporte le précieux. Très vite, on essaye de le lui arracher, mais la gagnante ne se laisse pas faire et se lance dans un combat acharné contre l'archaïsme environnant. La cinéaste revient sur trois volets de son projet.  

Au commencement était…

"La véritable Petrunya fut le point de départ de cette aventure. J'ai visionné son interview sur Youtube et été impressionnée par sa pureté, sa conviction et sa détermination à rechercher la justice. Laquelle est une notion que nous ressentons au fond de nos tripes. C'est un sentiment si profondément gravé dans nos âmes qu'une fois que sa réalisation frappe votre esprit, tout est possible. J'ai parfois l'impression que cette histoire m'a libérée, tout comme Petrunya. Cette libération accroit votre confiance en vous, en ce que vous êtes, et vous permet de ne plus craindre d'exprimer votre opinion, de ne plus vous adonner au politiquement correct. La vague noire du cinéma yougoslave était très importante pour nous, ex-yougoslaves d'aujourd'hui. Ce fut une période de non-rectitude, d'une importance capitale. Je ne suis pas sûre que nous puissions désormais faire de tels films. Dans notre quête de liberté et d'égalité, nous nous censurons terriblement, et l'autocensure est pire que tout. Vous pouvez vous révolter contre l'État ou l'Église, mais comment vous rebeller contre vous-même ? D'une certaine manière, je voulais parler de tout ce qui m'a toujours fait hurler, notamment le fait d'être une femme dans un monde injuste."

Dénonciation du patriarcat

"Je ne crois pas qu'il soit possible de naître aujourd'hui et de ne pas être féministe, pour les femmes comme pour les hommes. Le féminisme actuel ne consiste pas à détester l'autre sexe, mais à bâtir une plus grande égalité, justice et équité entre nous. Il s'agit de questionner tous les systèmes en place, y compris la religion et le patriarcat. Les ressources doivent être partagées avec équité. Le vote ne change hélas pas le système. Nous avons souvent été déçus en croyant naïvement à cette illusion. La classe politique est brisée. On ne peut pas continuer comme ça. Un changement radical est essentiel. Le patriarcat est un gros problème dans les Balkans. L'histoire de Petrunya n'en est qu'un des nombreux exemples. Les femmes ont toujours un statut de deuxième classe et la violence sexiste est largement répandue. Y étant originaire, je suis née avec la rage au ventre, comme beaucoup de petites filles. Et je refuse de m'excuser pour ça. Le système est mis en place pour nous renverser, jouer avec notre confiance, nous obliger constamment à nous interroger. Grâce à mon art, j'ai appris à transformer cette colère en action. Je pense que Petrunya fait partie de la vague de changement qui se produit dans la région. Aucune personne sensée ne devrait accepter de tels dogmes absurdes. Le monde a évolué, de même que la religion."

Divine Zorica Nusheva

"J'en ai tellement marre de la perfection, de ces idéaux ridicules à l'intérieur desquels on se restreint. Virginie Saint Martin, ma chef-opératrice, est une femme très imposante, l'une des plus belles que je connaisse. Tout comme mon fils, né avec une  tache de vin sur le visage. L'acceptation et la redéfinition de la beauté, c'est une question majeure dans tout ce que je fais. J'ai réécrit le scénario une fois que j'ai rencontré Zorica pour approfondir et intensifier sa singularité et sa beauté. Elle a une force tranquille à couper le souffle. C'est une actrice de grand talent dont c'est le premier film. Je l'ai découverte dans une troupe de théâtre comique de Skopje. Nous avons passé des mois à préparer son rôle, pour qu'elle en comprenne bien toutes les facettes. Créer un personnage, c'est comme orchestrer une symphonie complexe où chaque note influe sur la suivante et est influencée par la précédente. Mais ce n'est pas tout : chaque note doit également exister dans la structure entière, car une mauvaise peut faire tomber toute la bâtisse. Je pourrais aussi comparer le processus de création de Petrunya au fait de marcher sur des œufs ou de faire de la lévitation sur la surface de l'eau. Au final, le processus devient aussi important que le résultat à l'écran."

"Dieu existe, son nom est Petrunya // VOST"