DIEU EXISTE, SON NOM EST PETRUNYA et il faut le voir au cinéma
En salles le 1er mai, "Dieu existe, son nom est Petrunya" est le cinquième long-métrage de la cinéaste macédonienne Teona Strugar Mitevska. Elle met en scène une jeune femme fragile qui se lance dans une croisade contre le patriarcat.
Présenté en compétition à la dernière Berlinale, où il a fait main basse sur le prix du jury œcuménique, Dieu existe, son nom est Petrunya marque le cinquième passage derrière la caméra de la réalisatrice Teona Strugar Mitevska, née en 1974 dans une famille d'artistes à Skopje, en Macédoine. Un nouveau virage excellemment négocié avec un récit fort, féministe et soutenu par la prestation magnétique d'une primo-actrice épatante : Zorica Nusheva. Le Journal des Femmes vous donne trois bonnes raisons de rejoindre l'héroïne, en apnée, dans les eaux troubles de traditions qui ont le cuir dur.
Une histoire vraie (et hallucinante)
A l'occasion de l'Epiphanie, dans de nombreux pays d'Europe de l'est tels que la Russie, la Roumanie, la Serbie, la Bulgarie et la république de Macédoine, des lancers de croix sont orchestrés par la communauté orthodoxe. La règle : être un homme, plonger et rapporter le précieux pour se voir garantir le bonheur et la prospérité. Les règles ont (a priori) toujours été respectées. Jusqu'en 2014. Cette année-là, dans la ville de Stipe, en Macédoine, c'est la stupeur générale, chez les religieux comme au sein de la population, quand une femme ose relever le défi et remonte à la surface avec la croix, sous la mine ébahie et courroucée de ses concitoyens. Très vite, on essaye de la lui enlever, mais la gagnante est pugnace, ne se laisse pas faire et enclenche un incroyable bras de fer entre archaïsme et modernité. Une dualité qui a inspiré à la cinéaste Teona Strugar Mitevska, diplômée de la Tisch School de New York, ce film où elle exhume ce récit fou avec une colère tranquille.
Osez le féminisme !
Une femme et… plein d'hommes. Et pas n'importe lesquels. En consentant à bousculer des traditions séculaires, Petrunya, l'héroïne dudit long-métrage, se met à dos tous les religieux, des foyers aux institutions. Lassée par une existence morne, où elle est moquée pour son surpoids ou son invariable statut de chômeuse, cette dernière s'accroche à la croix que le coquillage à son rocher. Mieux : elle a désormais un but, un horizon. Celui de lutter, résister, s'exprimer et exister en tant que personne, et surtout, en tant que femme. Teona Strugar Mitevska déplore justement le modèle des sociétés patriarcales qui permet d’asseoir considérablement l'invalidante domination masculine et contribue à assigner les femmes à un espace restreint. Vaillante et animée d'une vraie foi pour sa Petrunya, l'intéressée estime avoir signé là un geste féministe, qui redonne à la femme –également à travers le personnage d'une journaliste guerroyeuse– une liberté trop bafouée.
Une actrice exceptionnelle
Elle est le yin et le yang de ce projet. Son bijou et sa pierre angulaire. Pour son premier rôle à l'écran, Zorica Nusheva, repérée dans une troupe de théâtre comique de Skopje, embrase l'écran d'une présence incandescente. Il y a justement, dans son flegme et son regard, cette malice propre aux acteurs doués pour le rire. Ses mines dépeignent merveilleusement bien la situation ubuesque que son geste simple et spontané a engendrée. Cette mise en branle d'incroyables réactions en chaîne. Teona Strugar Mitevska loue justement la "force tranquille" de sa recrue qui cristallise en quelques mots et moues tout le désarroi de ces femmes qui, ici ou ailleurs, ne savent plus comment se départir du machisme, de l'intolérance, du patriarcat. Mais qui continuent à se battre, parce qu'elles n'ont pas le choix. Et parce qu'il le faut. En cela, l'interprétation, tout comme les dialogues qu'elle sert, est terriblement salutaire.