François Civil : "Je suis tellement un piètre dragueur"

A l'affiche du "Chant du loup" depuis le 20 février, François Civil truste de nouveau les salles obscures cette semaine aux côtés de Juliette Binoche dans "Celle que vous croyez" de Safy Nebbou. Rencontre.

François Civil : "Je suis tellement un piètre dragueur"
© Diaphana Distribution

2016 était l'année de sa mise sur les rails avec deux rôles marquants : celui d'un jeune homme qui se radicalise dans Made in France de Nicolas Boukhrief et du meilleur pote sympatoche dans le buddy movie Five d'Igor Gotesman. En 2017, François Civil a enclenché l'accélérateur sur sa piste de décollage avec Ce qui nous lie de Cédric Klapisch et Burn Out de Yann Gozlan. 2019 est désormais le millésime du décollage avec quatre longs-métrages : il est l'oreille d'or dans Le Chant du Loup, impressionne dans Mon Inconnue et sera bientôt en tête d'affiche de Deux moi de Cédric Klapisch (11 septembre). En attendant, c'est aux côtés de Juliette Binoche qu'on le retrouve en DVD, BRD et VOD, dans Celle que vous croyez sous les traits d'un jeune homme piégé sur Facebook par une femme de 48 ans qui le drague sous une fausse identité. Entretien avec le principal intéressé.   

Comment vivez-vous ce début d'année incroyable : 4 films... et une invitation au 20h de TF1 avec Omar Sy. La consécration, non ?
François Civil : 
Tous mes films sortent sur une période resserrée donc les promos se font en même temps. Je vis, c'est vrai, un petit tourbillon médiatique. Je le savoure même si je ne fais pas forcément ce métier pour ces moments. Pour le 20h, je peux vous dire que j'étais dans un de ces stress ! Vous arrivez dans la tour TF1. Là, au niveau du plateau, c'est la station spatiale internationale, quoi ! On a l'impression qu'ils vivent tous en autarcie dans ce truc et que c'est un autre monde (rires). On entend des mecs dire : "Bon là, pour ce soir, on est sur 7 millions de téléspectateurs, en piste ! " Ça fait un peu bugger mais heureusement qu'Omar Sy était à mes côtés. Il s'est foutu de ma gueule et ça m'a détendu (rires). 

Qu'est-ce qui vous a séduit dans Celle que vous croyez, dans lequel votre personnage est d'abord découvert à travers sa voix ?
François Civil : 
Son approche est originale. Rien que ça, c'était un intérêt en soi. Par ailleurs, travailler avec Safy Nebbou m'enthousiasmait d'autant plus que j'avais adoré son précédent film, Dans les forêts de Sibérie. Ajoutez à ça le scénario et la présence de Juliette Binoche… Je ne pouvais pas refuser. C'est un portrait de femme hyper émouvant, drôle… Elle passe par plein d'états. Celle que vous croyez, c'est une poupée russe de récits. 

Comment avez-vous construit ce héros qu'on découvre graduellement ?
François Civil : 
Safy nous a demandé à Juliette et moi de ne jamais nous croiser. Ni pendant la préparation du film, ni sur le plateau pendant les scènes où on se parle au téléphone ou en chat. J'étais caché par des régisseurs qui m'encadraient comme une espèce d'espion en fuite, façon protection de témoin. On m'isolait dans une pièce avec un micro et Safy faisait les allers-retours entre Juliette et moi pour nous diriger. J'étais parfois coincé dans un cagibi entre deux aspirateurs et j'entendais Juliette dire : "Il est où le petit ? Où est-ce qu'il est caché ? " (rires) J'ai un profond respect pour elle. C'est une grande actrice. Cette rencontre a été riche artistiquement et personnellement. Elle est si humaine, généreuse et à l'écoute. Etre dans son regard, c'est assister à une masterclass accélérée.

Vous avez tourné une séquence où vous faites du sexphone… Pas trop dure à jouer ?
François Civil : Au scénario, c'était flippant. Sur le tournage, on était dans deux voitures séparées. C'est notre métier, d'y aller, de foncer… Je trouve la scène géniale. Elle est torride. Juliette est habillée, au téléphone, et c'est quand même ultra intime.

Est-ce plus libérateur de ne jouer qu'avec sa voix, notamment dans le premier tiers du film ?
François Civil : C'est clairement libérateur de savoir qu'on n'est pas filmé, qu'on n'a pas une équipe autour de soi, qu'on est seul avec un téléphone dans une pièce. En plus, on peut arriver plus tard car il n'y a pas de maquillage, de coiffure ou de costume. On est délesté de toutes ces choses. Ça en devient pur en termes de jeu.

"Je déteste me voir à l'écran"

Aimez-vous votre voix ? D'ailleurs, est-ce un atout de séduction ?
François Civil : 
Je l'adore ! (rires) Non, je déconne, bien sûr. Je considère évidemment que, pour d'autres, c'est un atout de séduction. J'ai moi-même été charmé plein de fois par des voix au téléphone. Ça peut venir de partout. Si mon opératrice téléphonique a par exemple une jolie voix, je vais essayer de la faire parler du décodeur pendant deux heures parce que ça me berce et que je me sens bien. Pour ma part, j'appartiens à la grande famille des humains qui n'aiment pas s'entendre sur un répondeur. Je déteste également me voir à l'écran. Quand je découvre un film dans lequel je suis, je ne le goûte pas comme un spectateur lambda. Voir ma gueule en 4 mètres sur 10, c'est douloureux.

Quelle est la voix qui a eu le plus d'emprise sur votre vie ?
François Civil : Waw… (réflexion) C'est hyper dur. Je pense aux voix de mes proches, de mes parents, que j'ai entendus me gueuler dessus, me consoler, m'accompagner, m'apprendre… Et je pense aussi à Difool sur Skyrock que j'écoutais pré-pubère dans ma chambre jusqu'à minuit… Toutes nos vies sont parsemées de voix importantes.

Vous êtes-vous déjà fait piéger, comme l'héroïne de Celle que vous croyez, sur un site de rencontre ou un réseau social ?
​​​​​​​François Civil : 
Sur Facebook –j'y suis encore mais je n'y vais plus du tout–, plusieurs personnes étranges m'ont parlé. Tout en sachant que c'était de faux profils, je regardais ça d'un œil amusé. Je relançais même des conversations par pur sadisme. Je pense notamment à une jeune femme, censée être prof de Français en Ukraine… Peut-être que c'était vrai (rires). Mais les photos qu'elle m'envoyait et ses propos sentaient le pipeau. De toutes les façons, je crois qu'on a tous connu, dans une moindre mesure, des arnaques sur internet. Elles se sont démocratisées.

Quel regard portez-vous justement sur ces réseaux sociaux et les dangers qu'ils impliquent ?​​​​​​​
François Civil : 
Le danger s'étend même aux sites d'information ! Pour essayer d'avoir du croustillant, certains enjolivent la réalité ou colportent de fausses news. On vit une période où le buzz est roi. Tout est ambiguë. Les gens s'octroient des pouvoirs de manipulation de masse ou d'individu. Dans le film, l'héroïne incarnée par Juliette se perd là-dedans jusqu'à frôler la folie et, en même temps, ça lui donne du pouvoir, elle qui a été délaissée par la société. (…) Ce qui est triste avec les sites de rencontres, c'est qu'on enlève tout le charme de caractère fortuit. C'est dommage. Après, je comprends que pour les gens timides, les applis aident. Le souci, c'est qu'on y joue beaucoup avec les masques. Ce qu'on raconte à un individu à travers les écrans, ce n'est pas la même chose que ce qu'on dirait dans la vie. Il y a de petits dédoublements de personnalité qui peuvent devenir dangereux. Je ne suis pas sur ces sites mais plutôt sur Instagram, où j'ai le contrôle des choses. Je poste ce que j'ai envie d'y mettre. J'essaye justement de ne pas tomber dans le piège du "trop selfie", même si c'est ce qui génère le plus de likes. Voir ma gueule tout le temps altérerait ma santé mentale…

Dans un monde idéal, quelle serait la meilleure manière de draguer ou d'être dragué ?
​​​​​​​François Civil : (longue réflexion) Honnêtement, je suis tellement un piètre dragueur... J'ai passé ma vie à draguer des filles sans qu'elles s'en aperçoivent. Dans un monde idéal, ça serait déjà cool qu'on se rende compte quand je drague quelqu'un (rires). Plus jeune, on se parlait plus sur MSN que dans la cour. Ça m'a permis de me libérer de ma timidité envers les filles et de m'émanciper.      

Là tout va bien pour vous. Du coup, qu'est-ce qu'on pourrait vous souhaiter ?
​​​​​​​François Civil : D'avoir la chance que ça continue…

CELLE QUE VOUS CROYEZ de Safy Nebbou, avec Juliette Binoche, François Civil et Nicole Garcia, (1h41), désormais disponible en DVD, BRD et VOD.