Valeria Golino : "Le décès de nos proches nous fait mourir"

Valeria Golino signe avec "Euforia" son deuxième film. Dans ce drame en salles le 20 février, elle croise les destins de deux frères aux personnalités (presque) opposées. Un long-métrage emmené par Valerio Mastandrea et Riccardo Scamarcio. La talentueuse actrice et réalisatrice nous raconte l'envers du décor.

Valeria Golino : "Le décès de nos proches nous fait mourir"
© Aurore Marechal/ABACAPRESS.COM

Charme hypnotique, démarche presque chaloupée, sourire éblouissant : Valeria Golino entre dans les salons boisés de l'hôtel Saint-Germain, dans le 7e arrondissement de Paris... Dans un français presque parfait, la piquante réalisatrice italienne nous parle d'Euforia, son nouveau film, au ciné le 20 février. Porté par Riccardo Scamarcio (son ex-époux) et Valerio Mastandrea, le long-métrage, poignant et captivant, retrace les parcours, a priori différents, de Matteo et Ettore, deux frères que tout sépare. La cinéaste, talentueuse et visionnaire, apprécie tellement l'exercice de la réalisation, qu'elle s'est d'ores et déjà mise à l'écriture de son nouveau film... dont elle ne connaît pas encore le sujet. Spontanée dans la vie comme au cinéma, Valeria Golino a confiance en l'avenir. Rencontre.

Journal des Femmes : Comment est née l'idée de ce film ?
Valeria Golino : L'un de mes amis a vécu presque la même histoire. Son frère est tombé malade, il l'a emmené à Rome, et pendant cette période d'environ un an, il m'a raconté des anecdotes sur la façon dont sa vie avait changé et comment il voulait apaiser son frère, sans dévoiler la gravité de sa maladie. Je lui disais : "Est-ce que tu as le droit de faire ça ?" Il faisait des choses presque ridicules pour mentir. J'ai pensé qu'il y avait une histoire à raconter, qui n'est pas uniquement la sienne, mais celle d'un peu tout le monde. On se pose tous des questions sur l'éternité de la vie. Nous côtoyons parfois la maladie, pourtant la société actuelle veut rester jeune, encore plus depuis que Dieu a quitté nos esprits. 

Dans le film, l'action se passe à Rome. Expliquez-nous ce choix...
Valeria Golino : Je voulais raconter cette histoire dans une grande ville, mais pas dans une Rome que l'on est habitués à voir. La grande beauté des monuments et l'espèce d'opulence cléricale n'est pas mise en avant, par exemple. Nous sommes dans un milieu plutôt privilégié, avec des gens qui ont de l'argent. Si la drogue est toujours présente dans le film, je ne voulais pas qu'elle soit mise en avant ni représentée dans un contexte transgressif, nocturne et sombre. Il fallait qu'elle soit dans une normalité, qu'elle fasse tout simplement partie de la société.

Comment avez-vous choisi vos acteurs ?
Valeria Golino : Après des mois de casting, je n'arrivais pas à trouver l'interprète de Matteo. J'ai vu des acteurs intéressants, mais je n'avais pas eu le déclic. Quand Riccardo (Scamarcio, NDLR) a fait les essais, il y avait quelque chose d'évident. Tout le monde pense que je l'ai pris parce qu'il est mon ex-époux, mais ce n'est pas vrai du tout (Rires). Pour le personnage d'Ettore, j'ai pensé à Valerio pendant que j'écrivais le scénario. Je ne lui ai pas dit au début, mais il était dans ma tête, j'ai pratiquement écrit pour lui.

Vous avez tourné avec Riccardo Scamarcio, avec qui vous avez vécu une romance de dix ans. Est-ce compliqué de diriger quelqu'un avec qui l'on a été en couple ?
Valeria Golino : Cela aurait pu être très difficile. Avant le tournage, j'étais préoccupée et inquiète à l'idée de tourner avec lui, mais finalement, cela s'est bien passé. Riccardo a été un vrai soldat, mais aussi une muse pour le film.

Le fait de le connaître a-t-il été un avantage ?
Valeria Golino : Il est vrai que je connais tout de lui : ses expressions, son potentiel... C'était plus facile de lui demander conseil ou de le diriger, parce que très souvent, on a les mêmes goûts. Toutefois, j'ai moins d'autorité avec lui qu'avec les autres (Rires). Dans ce cas, il faut trouver d'autres façons de travailler. Je sais ce dont il est capable et ce que j'aime chez lui.

"Je suis actrice parce que j'ai besoin d'être aimée"

Comment décririez-vous les personnages ?
Valeria Golino : Ce sont des "pauvres diables", comme on dit en Italie, c'est-à-dire des gens malheureux, seuls, ils se cherchent. Ils ne sont pas forcément opposés, ils ont tous deux des personnalités complexes, comme la plupart des êtres humains. Ettore semble très rigoureux, mais d'un côté, il est faible, il a peur, il laisse le frère prendre la responsabilité de son destin. Matteo pense qu'il peut changer les choses parce qu'il est habitué à contrôler les autres, à avoir le pouvoir.

Finalement, Matteo craint peut-être davantage la mort qu'Ettore.
Valeria Golino : Absolument, le possible décès de son frère, c'est le premier "ding, ding" de sa propre mort. Lorsque l'on perd son frère, sa mère, son père, c'est nous qui commençons à mourir. Cela nous montre un miroir de ce qui nous attend, comme une espèce d'alarme. Matteo est aussi un être compassionnel, en dépit de son cynisme. Cela traduit aussi des erreurs dans ses gestes, comme lorsqu'il appelle la maîtresse de son frère. Il a une volonté de parfumer la réalité, qui renvoie à son désir de drogue. Avec ce personnage, je voulais mettre en avant ces contradictions d'amour et de cruauté.

De quel personnage vous sentez-vous le plus proche ?
Valeria Golino : Je me sens plus proche du personnage de Matteo dans son caractère car je suis naturellement plus portée à la vitalité, la curiosité, mais d'un autre côté, j'ai comme une attirance pour ce qu'Ettore porte, j'ai du respect pour son côté terre à terre et pudique.

Préférez-vous passer devant ou derrière la caméra ?
Valeria Golino : Depuis que j'ai commencé à réaliser des films, observer m'intéresse de plus en plus.Toutefois, cela me plaît d'être encore actrice, d'être regardée par les autres, J'ai besoin d'être aimée, c'est sûrement pour cela que je suis devenue actrice. Je ne joue pas dans mes films car j'aime quand les autres me regardent, mais je n'apprécie pas forcément me regarder moi-même. Il y a tellement d'acteurs qui m'intéressent plus que moi (rires) !

Découvrez Euforia (1h55), de Valeria Golino, avec Riccardo Scamarcio et Valerio Mastandrea, en salles dès le 20 février.