Riccardo Scamarcio : "Nous avons tous besoin d'amour"
Riccardo Scamarcio livre une performance bouleversante dans "Euforia", réalisé par Valeria Golino, en salles le 20 février 2019. Le comédien de 39 ans incarne Matteo, businessman extravagant, qui a du mal à communiquer son amour, malgré les apparences. Contrairement au personnage, l'acteur, lui, n'a pas peur de ses émotions. Rencontre.
Riccardo Scamarcio est un irrésistible charmeur aux yeux couleur océan qui peut, en un regard, vous ensorceler. Au-delà de son élégance et de son sourire ravageur, le comédien de 39 ans est un réel passionné de cinéma, qui a déjà tourné aux côtés de Gilles Lellouche, Tahar Rahim et même Bradley Cooper. Il donne toute sa dimension au personnage de Matteo dans Euforia, long-métrage poignant en salles dès le 20 février, réalisé par la talentueuse Valeria Golino, ex-compagne de l'acteur. Dans ce film, deux frères sont réunis dans de bien tristes circonstances. Ettore, instituteur ronchon interprété par Valerio Mastandrea, est atteint d'une grave tumeur au cerveau. Matteo, riche entrepreneur exubérant et fantasque, dissimule la gravité de la maladie à son frère et, dans une tentative de profiter de leurs derniers instants ensemble, débarque dans sa vie. La rencontre de deux hommes que tout oppose... et que tout rapproche.
Riccardo Scamarcio nous livre les secrets de ce rôle, selon lui, "difficile à jouer", sa vision de l'amour et les dessous de son travail avec Valeria Golino, avec qui il a vécu une belle romance.
Le Journal des Femmes : Qu'est-ce qui vous a convaincu de tourner dans "Euforia" ?
Riccardo Scamarcio : Je connais très bien la réalisatrice Valeria Golino (ils ont été en couple pendant onze ans, NDLR) je lui ai donc fait confiance. J'apprécie son attitude, sa façon d'utiliser le cinéma, de raconter une histoire… J'ai vu en Matteo un homme particulier, plein de contradictions, mais très moderne. Au fur et à mesure, on voit que tous les personnages ont besoin d'amour, lui en particulier. Il peut paraître altruiste et bienveillant, mais parfois, la générosité n'est pas forcément une bonne chose. Paradoxalement, une vie délabrée n'est pas forcément mauvaise. La contradiction et l'ambiguïté donnent l'idée d'un personnage tridimensionnel, très difficile à jouer.
Pourquoi était-ce un rôle plus difficile à interpréter ?
Riccardo Scamarcio : Il est drogué, homosexuel et a un rapport presque pathologique avec le sexe. Tout devait être naturel, il ne fallait pas forcer les traits et tomber dans les clichés. En général, au cinéma, ces caractéristiques sont traitées comme des thèmes centraux. Or dans le film, la drogue et le sexe font partie de lui, mais ne le définissent pas. La situation psychologique, les paradoxes et la fragilité de ce riche businessman, qui a beaucoup de succès mais qui est malheureux, n'étaient pas évidents à jouer.
Matteo a une sorte de carapace..
Riccardo Scamarcio : Exactement. Tout le monde a sa carapace, dans ce film. L'incapacité d'aimer et de se faire aimer, est criante. Il y a une scène qui, en apparence, n'apporte rien à l'histoire, où l'on voit deux voitures se rapprocher et deux gamins se toucher les doigts avant de se séparer. Une manière de montrer que nous vivons dans une société avec des problèmes de communication. Paradoxalement, alors que l'on a toujours plus de possibilités pour communiquer, être en empathie avec les gens est de plus en plus dûr. Le destin va faire que ces deux frères vont être forcés de se parler, d'apprendre à se connaître.
Pourquoi Matteo ment-il à son frère, au sujet de sa maladie ?
Riccardo Scamarcio : À première vue, on peut penser qu'il essaie de lui éviter le choc, la tristesse, et lui donner la possibilité de réagir. Mais il y a une autre raison plus profonde, plus compliquée : Matteo utilise la maladie de son frère, à la fois inconsciemment et égoïstement, pour prouver qu'il a le pouvoir et montrer qu'il est capable de gérer cette situation. Quand on creuse, on se rend compte qu'il n'a jamais réellement accepté son homosexualité. C'est mon idée, mais chacun a sa perception des choses.
Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
Riccardo Scamarcio : Par exemple, il utilise la pathologie de son frère pour montrer à sa famille que c'est lui, l'homme fort. On ressent que dans le passé, il a été discriminé par les siens, même si ce n'est pas réellement montré dans le film. D'ailleurs, sa famille vient d'un petit village au nord de Rome, où il est plus compliqué de se faire accepter lorsque l'on est "différent".
Vous avez été en couple avec la réalisatrice du film, Valeria Golino, pendant onze ans...
Riccardo Scamarcio : Bien que nous soyons séparés, nous sommes restés en très bon termes. Le fait de nous connaître nous a beaucoup aidés, sur le tournage. Nos façons de travailler, nos inspirations, nos expressions, nous sont familières. Il y a un véritable lien de confiance entre nous, et le cinéma est fondé sur... la confiance ! Valeria a une véritable capacité d'adaptation. Ça ne gueule jamais, elle est toujours à l'écoute. Elle a cette capacité de se laisser surprendre. Pour un comédien, se sentir regardé par quelqu'un qui est prêt à voir que quelque chose d'incroyable peut se passer à tout moment, c'est magnifique.
Quel message retenez-vous de ce film ?
Riccardo Scamarcio : C'est l'histoire d'un amour fraternel qui donne à réfléchir sur notre parcours en tant qu'être humain. Parfois, la vie nous change sans que l'on s'en rende compte et l'on s'aperçoit que l'on est en train de perdre quelque chose qui était toujours sous notre nez, mais que l'on ne voyait plus. C'est un film poétique, vrai et simple, sur l'amour avec un grand "A"... et nous avons tous besoin d'amour.
Découvrez Euforia (1h55), de Valeria Golino, porté par Riccardo Scamarcio et Valerio Mastandra, en salles dès le 20 février 2019.