Un VEGAN dans le couple : alimentation, régimes et crises conjugales

Très à la mode, le véganisme a ses adeptes mais aussi ses détracteurs ! Comment sauvegarder son couple quand ce clivage fait irruption dans la vie à deux ? Nous avons rencontré deux couples qui, entre viande rouge et petits légumes, ont fini par trouver la recette de l'équilibre amoureux.

Un VEGAN dans le couple : alimentation, régimes et crises conjugales
© Fabio Formaggio-123RF

Plébiscité par les stars de tous âges, le véganisme est à la mode tant et si bien que le mot végan a fait son entrée dans le Larousse il y a 4 ans. Mais qu'est-ce au juste que ce principe d'alimentation ?
Comme les végétaliens, les végans ne consomment aucun produit alimentaire issu de l'animal donc ni viande, ni poisson, ni produit laitier, ni œuf. Mais les végans vont plus loin et refusent d'utiliser des produits issus de la souffrance animale comme le cuir, la laine, la fourrure, les produits cosmétiques ou les produits ménagers testés sur les animaux. Les végans sont aussi résolument opposés à la corrida, aux cirques qui exploitent des fauves ou aux aquariums qui exhibent des animaux marins. Un enjeu politique, mais aussi parfois un sujet de discorde dans les couples qui ne partagent pas le même mode de vie...

Cathy et Yann, en conflit du supermarché au réfrigérateur

Cathy et Yann ont 35 ans. Institutrice spécialisée dans un centre pour enfants autistes, Cathy a décidé de devenir végane il y a 5 ans par paliers : elle a commencé par supprimer la viande rouge, puis la blanche avant de renoncer au fromage. "Je suis mère de deux filles de 5 et 7 ans et j'ai un jour réalisé qu'il était cruel de retirer les petits à leur mère pour permettre à ces dernières de produire du lait", raconte Cathy. " J'ai donc aussi supprimé le lait et mon alimentation est devenue végane quand j'ai aussi renoncé aux œufs ", ajoute-t-elle.
Son mari Yann n'a quant à lui pas décidé de changer d'alimentation et les repas ont commencé à devenir des sujets de discorde. "J'étais furieuse contre lui car il me répondait qu'il ne voulait pas devenir végan à cause des enfants : un jour il m'a même dit que j'étais une mauvaise mère car je ne respectais pas les besoins liés à leur croissance", ajoute Cathy. 

Pour Cathy, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase et les tensions d'accumulent d'autant que la jeune femme a décidé de ne plus se rendre chez ses beaux-parents qui, selon elle, lui proposent en toute connaissance de cause de la viande rouge "sanguinolente".

Un jour au supermarché c'est le clash. "Devant les rayons, nous nous sommes disputés violemment : Yann prétextait que je cédais aux sirènes des médias et je lui répondais qu'il ne prenait pas ses responsabilités. Comme il refusait d'écouter mes arguments, je l'ai laissé dans le supermarché avec le caddie plein et je suis partie avec les enfants sous le bras", raconte Cathy.
Une fois les esprits apaisés, Cathy et Yann ont essayé de trouver un terrain d'entente. A la maison, ils ont commencé par instaurer des placards séparés mais Yann oubliait de respecter la consigne et mélangeait ses produits avec ceux de son épouse qui traquait chaque trace de produits issus des animaux.
Au bout de quelques mois de guerre ouverte et pour le bien de tous, le couple marié depuis 10 ans a fini enfin par trouver un compromis. Yann qui est commercial dans le domaine automobile invite ses nombreux clients dans des restaurants de viande et cache des petites douceurs dans sa voiture. Cathy y a trouvé un jour un saucisson...
A la maison tout se passe bien même si Cathy a mis de l'eau dans son vin. Dans son réfrigérateur on trouve comme unique représentant de l'alimentation non végane des yaourts bios pour ses filles.
"Nous mangeons tous végan et nous nous faisons livrer des paniers bio. J'ai banni les produits transformés pour éviter de devoir scruter les étiquettes. Lors de fêtes d'anniversaires de mes filles, nous faisons de délicieux gâteaux sans lait, sans œufs et ils sont succulents", confie Cathy. "Quand nous allons chez des amis, je ne mange que les légumes et les fruits. Beaucoup ont compris mon mode de vie et proposent du couscous à la place de la raclette ! J'ai aussi fait des émules dans ma propre famille et parmi mes amis. Ils ne sont pas devenus végans mais certains sont devenus végétariens", ajoute la mère de famille.
Quant à Yann, il a fini par devenir végan du moins quand il est en famille. Il a découvert que ce mode d'alimentation pouvait être délicieux et, cerise sur le gâteau, a retrouvé sa silhouette élancée...

Julien et Camille ou l'art du compromis : "Je lui ai demandé de ne pas manger de chair devant moi "

Julien, 35 ans, est végan depuis plus de 2 ans. "Auparavant, j'étais végétarien depuis mes 5 ans. Je suis né à la campagne où j'ai vu les poisson pêchés et éviscérés vivants, les lapins dépecés, les poules égorgées... J'ai toujours été un gros consommateur de fromages et de produits laitiers (j'en ai même fabriqué moi-même), j'ai toujours porté du cuir (j'ai été maroquinier aussi). Je pensais que les vaches étaient bien traitées par les éleveurs et abattues sans souffrances ... jusqu'en automne 2016 où j'ai découvert les vidéos de L214 tournées par Mauricio Garcia à l'abattoir de Limoges", raconte Julien.

"Je me suis (enfin) renseigné sur l'élevage industriel et "paysan", j'ai regardé beaucoup de documentaires, je suis allé voir des abattoirs ... Je n'ai jamais autant pleuré de toute ma vie, jamais eu autant honte de notre humanité. J'ai donné tous mes objets en cuir et n'ai jamais plus consommé un œuf ou du lait depuis. Au quotidien, j'essaie d'être tolérant et bienveillant avec les non-véganes ; mais dans ma tête, les images que j'ai vues et le compteur des animaux tués chaque jour tourne en continu. Parfois je pleure et j'enrage, rien qu'en y repensant ", ajoute Julien.

Camille, 25 an, sa compagne est, quant à elle, elle omnivore à tendance flexitarienne c'est-à-dire qu'elle consomme assez peu de viande et surtout quand on lui en propose. Quand elle est avec Julien, elle s'en passe. "Elle aime bien ce que je prépare en général, j'essaie souvent de nouvelles recettes grâce à au livre Végan de Marie Laforêt ", raconte Julien.
"Ma conjointe me manifeste parfois sa frustration, mais uniquement après avoir pris plusieurs repas avec des omnivores (famille, amis, etc). Je lui ai demandé de ne pas manger de chair devant moi car cela me dégoûte. Elle ne respecte pas toujours mon besoin en particulier en famille mais nous ne nous sommes jamais vraiment disputés à cause de cela , précise Julien. 
Quand il sort le couple fait comme il peut : Camille choisit un plat végétarien et Julien échange avec le chef pour lui expliquer que "non, les œufs, la crème, le fromage, les poissons ou les lardons ne sont pas des plantes".

"Bien évidemment, je boycotte les zoos, les cirques avec les animaux, les delphinariums, et tout spectacle impliquant du dressage. Camille en a parfois une vision un peu romantique et elle semble ne pas vouloir regarder la réalité en face : ces animaux n'ont rien à faire dans des cages, dominés par des humains (même avec les meilleures intentions du monde)", conclut Julien.

Deux expériences qui montrent que finalement avec un peu de bonne volonté il est possible de cohabiter ! "C'est ce que j'ai vécu dans mon couple. Je ne me voyais pas tirer un trait sur des années d'amour pour mon engagement végane, mais c'est aussi parce que mon compagnon a été très ouvert sur le sujet. Si au début il y a eu des débats entre nous, aujourd'hui il est végane à 90 %. C'est difficile d'être en couple uniquement entre véganes, d'une part parce que nous sommes encore peu nombreux et d'autres part parce qu'une éthique commune ne garantit pas que l'on s'entende sur d'autres sujets ou que les sentiments soient là. Je vois que plusieurs couples au fur et à mesure finissent par trouver un équilibre", raconte Gwendoline Yzèbe, journaliste et auteure de Vivre Végane (Livre de Poche).

La clé ? la tolérance comme elle souligne. "Il faut laisser l'autre maître de ses décisions. On ne force pas quelqu'un à être végane. On peut faire des compromis (dans les deux sens) et voir comment les choses évoluent. Je pense que même si l'un des deux n'est pas végane, il est important qu'il soutienne l'autre dans son engagement même s'il ne le partage pas complètement. Cela passe par exemple par le soutien de son conjoint lors des repas de famille ou en entre amis. Ensuite, tout dépend de la personnalité de chacun !"